Ricochets diplomatiques en série dans le sillage de l'affaire Prism

Entre intérêts économiques, menaces et coups de gueule

Les révélations faites sur le programme de surveillance américain Prism n’en finissent plus de provoquer des remous. D’impacts diplomatiques en ricochets politiques, de nombreux pays impliqués réagissent désormais de manière épidermique. Le Parlement européen vient d'ailleurs de voter à une très large majorité une résolution condamnant fermement l’espionnage américain et ouvrant une enquête sur le sujet.

nsa prism snowden

Crédits : Digitale Gesellschaft, licence Creative Commons

L'Europe exige des explications 

Il y a un mois maintenant, Edward Snowden faisait les premières révélations sur le programme Prism. Surveillance des communications étrangères, aspiration des métadonnées, croisement des informations dans le cadre de la lutte antiterroriste : de nombreux aspects techniques ont suscité le scandale un peu partout. Ces révélations ont été suivies par d’autres, mais c’est la pose de micros et l’espionnage direct de certaines instances européennes et de pays de l’Union qui ont provoqué les plus gros remous sur le Vieux continent.

 

Le Parlement européen a justement décidé hier de chercher des réponses. Dans une résolution votée par une écrasante majorité (483 pour, 98 contre, 65 absentions), les députés ont voté une résolution condamnant fermement l’espionnage des instances européennes, au cas où celui-ci serait avéré. Les parlementaires ont de plus appelé les autorités américaines à leur fournir, « dans les meilleurs délais », des informations complètes sur ces allégations. Comme nous l’avons détaillé dans notre actualité dédiée au sujet, le Parlement souligne également que l’affaire de l’espionnage américain « serait de nature à affecter les relations transatlantiques ».

La situation française

La France est un peu en retrait sur le terrain des réactions. Comme on l’a vu hier, elle possède son propre mécanisme d’espionnage qui, à l’inverse de Prism, ne repose sur aucun cadre légal et vise les échanges d’informations réalisés en France. Les emails, les conversations, les SMS ou encore les appels téléphoniques génèrent une montagne de données que la DGSE peut capter.

 

Mais la France doit aussi réagir sur le plan international. Invité hier par BFMTV, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a précisé que le cas d’Edward Snowden était « un dossier extrêmement compliqué ». Interrogé sur la potentielle demande d’asile politique à l’Hexagone, Valls a indiqué qu’elle poserait « de nombreux problèmes juridiques » si elle était déposée. Il a ajouté qu’il n’y était lui-même « pas très favorable ». Cependant, ces déclarations ont été suivies quelques heures après par un très laconique communiqué de la Place Beauvau, dans lequel il est précisé que « compte tenu des éléments d'analyse juridique et de la situation de l'intéressé, il n'y sera pas donné suite ».

 

La France a en outre dû rendre des comptes à la Bolivie concernant l’interdiction faite au président bolivien Evo Morales de traverser son espace aérien. Le ministère des Affaires étrangères a ainsi exprimé ses « regrets » pour cette situation, tandis que François Hollande a, lui, parlé d’informations contradictoires « sur les passagers qui étaient à bord ». Il a cependant affirmé : « Dès lors que j'ai su que c'était l'avion du président bolivien, j'ai donné immédiatement l'autorisation de survol ».

 

Un bon exemple des tensions internationales provoquées par les révélations d’Edward Snowden alors qu’en Bolivie, des drapeaux tricolores sont brulés devant l’ambassade de France. Le pays d’Amérique du Sud envisage également de fermer l’ambassade des États-Unis en réaction aux menaces américaines à peine voilée concernant le potentiel accord de l’asile politique à Edward Snowden.

Lignes de failles entre l’Europe et les États-Unis

Les hasards du calendrier sont multiples. Alors que le scandale de l’espionnage américain grandit depuis plusieurs semaines, lundi prochain marquera le départ des négociations autour de l’accord TAFTA. Mais ces mêmes négociations se font désormais sous la gouvernance de la Lituanie. Or, la présidente du pays, Dalia Grybauskaite, a déjà indiqué qu’elle ne chercherait pas à obtenir des excuses de la part des États-Unis, mais des informations.

 

Le climat politique des prochaines semaines sera ainsi assez lourd. La présidente, citée par The Guardian, a en effet affirmé qu’elle espérait que les échanges avec les États-Unis seraient menés parallèlement avec une réflexion autour du respect de la vie privée et donc de la portée du programme Prism. Elle a cependant indiqué que les États-Unis s’étaient montrés volontaires et qu’ils désiraient s’expliquer sur cette situation : « Ils sont ouverts à la coopération. Ils sont ouverts aux explications » a-t-elle ainsi déclaré, ajoutant qu’elle ne voulait pas mettre en péril « l’importance du libre-échange ».

 

La commissaire européenne Neelie Kroes n’est cependant pas aussi optimiste. Elle a effectivement mis en garde les États-Unis contre les retombées économiques de l’affaire Prism sous la forme d’une crise de confiance. Également citée par The Guardian, elle a affirmé : « Si les entreprises ou les gouvernements pensent qu’ils pourraient être espionnés, ils auront moins de raisons de faire confiance au cloud, et ce seront finalement les fournisseurs de solutions cloud qui rateront des opportunités. Payeriez-vous quelqu’un d’autre pour héberger vos secrets commerciaux ou autres si vous suspectez qu’ils sont partagés sans votre consentement ? ».

 

Pour la commissaire, la situation est simple : ce sont bien les firmes américaines qui pourraient pâtir de la situation, tout simplement parce qu’elles sont souvent les leaders de ce domaine. En outre, les utilisateurs européens pourraient se détourner massivement de ces services, avec pour conséquence une perte « de plusieurs milliards d’euros » pour ces entreprises : « Si j’étais un fournisseur américain de solution cloud, je serais actuellement assez frustré de mon gouvernement ».

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