Le Parlement européen a décidé hier à une large majorité d’ouvrir une enquête sur les récentes révélations portant sur différentes affaires d’espionnage et de surveillance. Un rapport est attendu pour la fin 2013. Les eurodéputés n’ont cependant pas jugé bon d’en appeler à une suspension des négociations relatives à l’accord de libre-échange avec les États-Unis, TAFTA, au grand dam de certaines organisations politiques ou citoyennes.
Par 483 voix pour, 98 voix contre et 65 abstentions, le Parlement européen a adopté hier une résolution relative aux récentes accusations d’espionnage portées à l’encontre des États-Unis. Pour rappel, des informations sorties le week-end dernier dans la presse allemande et britannique - à partir de documents détenus par Edward Snowden - font état d’une surveillance des communications téléphoniques et électroniques de représentations diplomatiques de l’Union européenne et de différents États membres, dont la France, par les autorités américaines.
Au travers de ce texte dépourvu de valeur juridique, les eurodéputés soulignent que le Parlement « condamne vivement l'espionnage des représentations de l'Union européenne », dans la mesure où, « si les informations actuellement disponibles venaient à être confirmées », cette affaire « constituerait une grave violation de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques et serait de nature à affecter les relations transatlantiques ». L’administration Obama est une fois de plus tenue « de fournir immédiatement des éclaircissements à ce sujet ».
Le Parlement européen s’est également penché sur le programme de surveillance Prism au travers de cette résolution. Les eurodéputés ont en effet invité les États-Unis « à fournir à l'Union européenne, dans les meilleurs délais, des informations complètes » sur ce programme, mais aussi sur tous les « autres programmes similaires permettant la collecte de données ».
La commission des libertés civiles chargée d'enquêter pour le Parlement européen
Surtout, les eurodéputés ont confié le soin à la commission des libertés civiles du Parlement européen de mener une « enquête approfondie » sur ces affaires. Son objectif ? Collecter des informations et preuves afin de faire la lumière « sur les soupçons relatifs à des activités de surveillance qui seraient menées par les autorités des États-Unis ainsi qu'à toute activité similaire à l'initiative de certains États membres ». Le champ est donc très vaste, d’autant que les investigations devront s’appuyer sur des sources européennes et américaines. Les parlements nationaux seront d’ailleurs associés à cette enquête.
Second enjeu de cette enquête : formuler « des recommandations visant à prévenir de nouvelles violations et à garantir un niveau élevé et crédible de protection des données à caractère personnel des citoyens de l'Union par des moyens adéquats, notamment l'adoption d'un paquet relatif à la protection des données digne de ce nom ». L’idée est donc non seulement de faire le point sur la situation actuelle, mais aussi d'en tirer des conclusions pour mieux anticiper le futur. Au terme de cette enquête, la commission des libertés civiles devra rendre un rapport, lequel est attendu pour la « fin de l’année » 2013.
Les négociations continuent sur TAFTA
Cependant, contrairement à ce que souhaitaient certains eurodéputés, le Parlement européen n’en a pas appelé à une suspension des négociations de l’accord de libre-échange avec les États-Unis (TAFTA). Comme l’indique Le Monde, les négociations devraient en effet démarrer lundi prochain. Un véritable coup manqué, selon les eurodéputés socialistes, dont Françoise Castex. « La décision de la Commission européenne de poursuivre les négociations avec les Américains est intolérable ! » a-t-elle ainsi réagi hier, avant de poursuivre : « M. Barroso ferait mieux de relire l’article 17 du Traité qui stipule que la Commission européenne promeut l’intérêt général de l’Union européenne ! ». D’autant plus qu’en début de semaine, François Hollande avait pourtant exigé des « garanties » avant d’entamer toute négociation, dans tout domaine, avec les États-Unis.
De son côté, La Quadrature du Net a profité de l’occasion pour enfoncer le clou contre TAFTA, qu’elle considère être un nouveau cheval de Troie comportant des dispositions de l’accord commercial ACTA, rejeté il y a un an par le Parlement européen. « Dans un contexte où toute communication entre les négociateurs européens sera potentiellement accessible à leurs homologues américains, comment la Commission pourrait-elle se trouver en position de force et défendre les libertés des citoyens européens ? Comment les négociations pourraient-elles être équilibrées ? » s’est ainsi emporté Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’association. Selon lui, « dans un contexte d'espionnage massif des communications des citoyens européens par les institutions et les entreprises américaines, TAFTA pourrait devenir un nouvel accord illégitime trahissant les citoyens européens ».