Najat Vallaud-Belkacem, la ministre des Droits des femmes, a présenté hier son projet de loi pour l’égalité entre femmes et hommes. Une disposition courte, mais importante, va impacter les nouvelles technologies : elle augmente la responsabilité des intermédiaires techniques, FAI et hébergeurs, à l’encontre des discours haineux fondés notamment sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle. Pour ces propos appelant à la discrimination, les acteurs du Net devront mettre en place un signal d’alarme et dénoncer aux autorités les contenus rapportés.
L’association SOS Homophobie dispose depuis peu d’un « compte Twitter spécial », lui permettant de faire signaler et donc faire retirer plus rapidement des tweets racistes ou homophobes. Dans quelques temps, tous les internautes auront cette même capacité à l’égard des FAI et des hébergeurs, en raison du projet de loi présenté hier par Najat Vallaud-Belkacem.
« Les images sexistes pourront désormais faire l’objet d’un signalement » annonce-t-on rapidement en sortie de Conseil des ministres. De fait, le gouvernement profite surtout de l’instant pour revoir l’épineux statut juridique des intermédiaires techniques sur Internet. Tout se joue à l’article 17 du projet de loi, une disposition qui n’est pas des plus limpides : « Au troisième alinéa du 7° du I de l’article 6 de la Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la Confiance dans l'Économie Numérique, les mots : "et huitième" sont remplacés par les mots : ", huitième et neuvième" ».
Aussi léger soit-il, ce rajout du « et neuvième » va avoir de lourds effets. Et pour cause : il oblige les intermédiaires techniques, FAI et hébergeurs, à agir activement à l’encontre des discours haineux, sexistes, homophobes et handiphobes qui leur auront été signalés.
Pas d’obligation de surveillance généralisée, mais...
Détricotons. L’article 6-I-7 de la LCEN pose le principe selon lequel FAI et hébergeurs n’ont pas à surveiller la légalité des contenus qu’ils transmettent ou stockent. Sans ce filet, ces intermédiaires techniques seraient obligés de mettre en place quantité de mesures de filtrage. Pire, ils devraient également répondre pénalement des défauts de ces mesures. Ce même article oblige cependant ces acteurs à des mesures beaucoup plus actives contre un petit nombre de contenus manifestement illicites, ceux dont l’illégalité saute aux yeux. C’est la répression de l'apologie des crimes contre l'humanité, de l'incitation à la haine raciale ainsi que de la pornographie enfantine.
Pour toutes ces infractions graves sur l’échelle sociale, les intermédiaires sont tenus de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données ». En somme, ils doivent installer un signal d’alarme permettant à tout un chacun de dénoncer par exemple un contenu pédopornographique. En outre, FAI et hébergeurs doivent « informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites » qui leur seraient signalées par ce canal. Enfin, ils doivent « rendre publics les moyens [qu’ils] consacrent à la lutte contre ces activités illicites ». Le moindre écart de leur part est puni pénalement.
Extension de l’obligation de vigilance et de dénonciation
Le projet de loi sur l’égalité propose d’étendre ces obligations à de nombreuses formes d’incitations à la haine. C’est l’effet du « neuvième alinéa » (de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881) qui vise spécialement les propos sexistes, homophobes et handiphobes. Les effets ne sont pas minces : si dans un forum ou sur un réseau social, un internaute se lance dans ce genre de discours sexistes avec quelques propos fleuris appelant à la discrimination, l’hébergeur devra impérativement dénoncer ces contenus aux autorités dès lors que ceux-ci lui auront été signalés par un individu.
Mais pour Najat Vallaud-Belkacem, il n’y a aucune difficulté : l’extension proposée « ne devrait pas susciter, du côté des professionnels, de charges excessives, le dispositif de signalement ayant, par rapport à la situation d’origine, progressivement intégré un nombre accru de problématiques (telles les provocations au terrorisme), sans créer de heurts majeurs » (extrait de l’étude d’impact).
Quand un internaute signale une provocation au terrorisme (ex : mettez de l’essence dans une bouteille, allumez, invoquez tel dieu et balancez le tout sur l’ambassade de ce pays) ces signalements arrivent sur Pharos, un dispositif administré depuis 2009 par l’OCTLTIC (Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l’information et de la communication, au sein du ministère de l’Intérieur). En 2012, celle-ci a reçu en tout 120 000 signalements.
Si la loi passe en l’état, les intermédiaires techniques devront faire preuve de vigilance et dénoncer aux autorités le moindre discours haineux, sexiste ou homophobe signalé. Quant au ministère de l’Intérieur, il devra continuer à tracer les actes de pédopornographies et les appels au terrorisme, parmi le flot des propos condamnant par exemple le mariage pour tous.