Snowden demande l'asile politique à plusieurs pays, dont la France

Qui osera ?

Depuis ses premières révélations sur le programme américain de surveillance Prism, le lanceur d’alertes Edward Snowden est considéré comme un traître par le gouvernement américain. L’ancien agent de la CIA, toujours coincé à l’aéroport de Moscou, cherche désormais l’asile politique auprès de nombreux pays, tout en dénonçant l’attitude agressive de l’administration Obama.

snowden prism

Crédits : See-Ming Lee, licence Creative Commons

 

L’actualité autour de Prism recouvre essentiellement deux aspects : les conséquences des révélations autour du programme de la NSA et les « aventures » d’Edward Snowden, l’ancien technicien de la CIA qui en est à la source. Car ce dernier s’est enfui à Hong-Kong en emportant des milliers de documents classés top secret et comportant des informations ultra-sensibles : mécanique huilée du renseignement américain, espionnage des membres du G20 à Londres en 2009, intrusion de la NSA dans les routeurs chinois…

 

Des révélations qui ont fait de Snowden un homme à récupérer absolument pour les États-Unis. Une enquête criminelle a été ouverte à son encontre et le pays de l'Oncle Sam cherche par tous les moyens à le rapatrier sur son territoire. Mais Snowden, qui cherchait à rejoindre l’Équateur (et était aidé en cela par Julian Assange, fondateur de WikiLeaks), est depuis une semaine coincé dans l’aéroport de Moscou. Les États-Unis ont en effet révoqué son passeport, l’empêchant ainsi de prendre des vols internationaux. Pour autant, la situation n’est pas figée.

Un « J’accuse… ! » snowdenien

Dans un courrier publié sur le site WikiLeaks, le lanceur d’alertes accuse désormais l’administration Obama de vouloir le récupérer à n’importe quel prix, y compris quand cela suppose intimidation et menaces. Il s’insurge contre l’ingérence du président Barack Obama qui a indiqué la semaine dernière qu’il ne « permettrait pas » de négociations diplomatiques sur son dossier. On se souvient notamment des menaces à peine voilées faites à l’Équateur après que ce dernier a confirmé officiellement avoir reçu la demande d’asile de Snowden.

 

« Ce type de supercherie, de la part d’un dirigeant mondial, n’est pas de la justice, pas plus que ne l’est la sanction extralégale d’exil. Ce sont ici les dangereux outils classiques de l’agression politique. Leur objectif est d’effrayer, non pas moi, mais tous ceux qui voudraient m’aider » insiste Edward Snowden. Et de rappeler que « pendant des décennies, les États-Unis ont été l’un des plus ardents défenseurs du droit de l’homme à chercher asile ». Par opposition, l’administration Obama « adopte désormais la stratégie de la citoyenneté utilisée comme une arme » indique Snowden, avant d’ajouter que son passeport a été révoqué alors même qu’il n’était « reconnu coupable de rien ».

 

Pour Edward Snowden, tout est en fait question de vérité : « Finalement, l’administration Obama n’a pas peur des lanceurs d’alerte comme moi, Bradley Manning ou Thomas Drake. Nous sommes apatrides, emprisonnés ou impuissants. Non, l’administration Obama a peur de vous. Elle a peur d’un public informé, en colère, et réclamant le gouvernement constitutionnel qui lui a été promis. Et elle fait bien ».

Nombreuses demandes d’asile

La déclaration de Snowden, remorquée par WikiLeaks, a été suivie d’une autre information. Publiée très tôt ce matin par le même site, elle indique que la conseillère juridique du lanceur d’alertes, Sarah Harrison, a remis en mains propres des demandes d’asiles à plusieurs pays.

 

Harrison s’est adressée directement au consulat de Russie dans l’aéroport de Moscou afin que les courriers soient transmis aux ambassades des pays concerné. Les documents soulignent selon WikiLeaks les risques encourus par Edward Snowden. Dix-neuf pays ont donc désormais entre leurs mains une demande d’asile : l’Autriche, la Bolivie, le Brésil, la Chine, Cuba, la Finlande, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Italie, l’Irlande, les Pays-Bas, le Nicaragua, la Norvège, la Pologne, la Russie, l’Espagne, la Suisse et le Vénézuela.

 

La France est donc concernée par les demandes et le gouvernement devra prendre une décision à ce sujet, tout en sachant que les États-Unis accepteront difficilement une telle décision. Cependant, la réflexion sur le thème se déroulera sur fond de scandale à cause justement des révélations faites par Snowden sur l’espionnage intensif des instances européennes et de plusieurs pays, dont l’Hexagone. On remarquera en outre que la Chine a reçu une demande après que Snowden a quitté Hong-Kong.

Volte-face de l’Équateur

Mais alors que deux dizaines d'États doivent réfléchir à ces demandes d’asile, l’Équateur change son fusil d’épaule. Le président équatorien, Rafael Correa, avait souhaité montrer l’indépendance de son pays face aux menaces de répercussions des États-Unis si l’asile devait être accordé à Snowden.

 

Selon le journal The Guardian, Rafael Correa a ainsi indiqué que chercher à aider Snowden était une « erreur ». Il s’agit d’ailleurs d’une opposition assez étrange : d’un côté, une lettre rédigée par Snowden contient des remerciements au président équatorien pour lui avoir fourni un sauf-conduit entre Hong-Kong ; de l’autre, les dénégations de Correa sur toute aide fournie à Snowden. Le président a d’ailleurs insisté sur un autre point : impossible d’accorder l’asile politique au lanceur d’alertes tant que ce dernier ne se trouve au sein des frontières du pays.

 

En fait, un document a été bien été émis par le consulat équatorien de Londres, sous l’influence potentielle de Julian Assange, qui y réside depuis plus d’un an. Mais Correa précise que quelle que soit l’explication (il émet l’hypothèse que le consulat n’aurait pas réussi à joindre le ministre des Affaires étrangères, alors en Asie), le document était « sans aucune validité, sans autorisation, sans même que nous le sachions ». Fidel Narvaez, consul équatorien à Londres, sera probablement sanctionné, a-t-il ajouté.

Doutes sur l’authenticité de certaines informations

L’affaire, déjà complexe, se corse avec les doutes qui entourent le message d’accusation de Snowden sur WikiLeaks. Ainsi, le journaliste Farhad Manjoo se demandait il y a quelques heures si le texte était authentique dans la mesure où un américain n’aurait sans doute pas utilisé la formule « have been » derrières « les États-Unis », mais « has been », au singulier. Et alors même que TechDirt publiait un article sur le sujet, le texte sur WikiLeaks a été modifié, transformant le « have been » en « has been ».

 

snowden prism

 

Parallèlement, bien que la France soit supposée être concernée par une demande d’asile, l’AFP indique que le ministère des Affaires étrangères n'a reçu « aucune demande officielle » de la part de Snowden. De fait, soit il y a erreur dans la dernière publication de WikiLeaks, volontaire ou non, soit l'exécutif ne souhaite pas révéler cette information.

George W. Bush « fier » d’avoir initié le programme Prism

L’ancien président américain Georges W. Bush ne regrette en tout cas pas d’avoir permis à Prism de naître. Dans une interview publiée ce matin par CNN, il était manifestement en accord avec lui-même sur ce sujet : « J’ai mis ce programme en place pour protéger le pays. L’une des certitudes a été que les libertés civiles ont été garanties ». Celles des américains, tout du moins.

 

Des propos qui font écho à ceux de Barack Obama. Le président insistait en effet sur l’équilibre délicat entre les nécessités imposées par la chasse aux terroristes et le respect des libertés garanties par la constitution américaine. Bush a abondé en ce sens : « Je pense qu’il est nécessaire d’avoir un équilibre et, comme le président l’a expliqué, il y a un équilibre approprié ». On notera d’ailleurs que Bush n’a pas souhaité critiquer Obama : « C’est un travail dur. Il a un agenda très bien rempli. C’est difficile. Un ancien président n’a pas besoin de rendre les choses plus complexes. D’autres présidents ont pris des décisions différentes, ceci est la mienne ».

Les ondes n’ont pas fini de se propager

On peut être surpris par l’ampleur des révélations de Snowden, dont les conséquences grandissent chaque jour. Et pourtant, la situation est sans doute loin d’avoir trouvé son épilogue.

 

En effet, l’affaire Prism recouvre plusieurs aspects dont certains auront des conséquences plus graves que d’autres. En outre, les réactions ne proviennent pas toutes des mêmes sphères : si le grand public peut ne pas savoir, s’insurger ou au contraire ne pas s’en soucier, la classe politique en prend bonne note. Les intérêts en jeu sont colossaux et ces renseignements particulièrement brutaux devraient largement peser dans les différentes négociations. Les États-Unis pourraient ainsi se retrouver isolés sur le plan international pendant un certain temps, notamment à cause d’un espionnage actif sur des alliés proches tels que la France.

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