L’application Observer La Loi, sur l’Apple Store, permet à quiconque de dénoncer les incivilités de la vie courante. Votre voisin fume, fait du bruit en pleine nuit ou se gare mal ? Sa femme porte le voile intégral dans un lieu interdit ? Un petit doigt sur l’écran et voilà le fait dument géolocalisé sur une carte. Si Observer la loi n’est plus disponible pour l'instant, le ministère de l’Intérieur vient tout de même de répondre à Benoist Apparu, inquiet du risque de dérives de ces outils de dénonciation.
Au député Benoist Apparu, en quête de solutions pour limiter la création et l'utilisation de ce genre d'application, Manuel Valls répond que finalement… ce n’est pas si simple. Pourquoi ? Rendre publics ces agissements répréhensibles n’est problématique qu’à la condition « que les auteurs de ces agissements soient identifiés ou identifiables ». Dans ce cas, il y a effectivement un risque pour les utilisateurs de l’application et le gestionnaire de l’application « de poursuites et de condamnation pour diffamation. »
Diffamation ? « Aux termes de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la diffamation est définie comme toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » rappelle le ministre de l’Intérieur. Et il y aura donc atteinte à l'honneur « lorsqu'on impute à une personne la commission d'une infraction » poursuit-il en précisant qu’il n'est pas nécessaire que la personne visée soit nommée ou expressément désignée. « Il suffit que son identification soit rendue possible par les termes du discours ou de l'écrit ou par des circonstances extrinsèques qui éclairent et confirment cette désignation de manière à la rendre évidente ». Un des cas qui permettrait une personne d’agir en diffamation pourrait cependant être l’occupant d’une maison par exemple, dénoncé par un gentil voisin pour des bruits ou tapages nocturnes… Mais sauf erreur, cela ne s’est jamais produit.
Manuel Valls indique que ses services avaient contacté l’éditeur pour l’inviter à revoir son outil de dénonciation de femmes voilées. La loi du 11 octobre 2010 interdit en effet la dissimulation du visage dans l'espace public. Or, « il peut s'agir du voile intégral, mais aussi d'une cagoule, d'un bas, d'un masque, etc. En conséquence, j'ai invité l'éditeur de l'application « observer la loi » à procéder aux rectifications nécessaires pour éviter que cette application ne soit perçue comme discriminante et à prendre les mesures nécessaires au regard du risque pénal encouru. »
Confrontée à l'application App-Licra, qui permet de signaler des tags racistes, Fleur Pellerin.avait balayé les critiques, flairant plus un acte citoyen qu'une délation malodorante. « Nous sommes dans l’épure du geste citoyen » expliquait la ministre déléguée au numérique. « Signaler un tag raciste n’est pas une atteinte aux libertés. Il s’agit juste d’une façon de faire respecter la loi, de lutter contre les incivilités. »