Le Premier ministre a officiellement demandé hier après-midi à trois ministres de lui faire d'ici fin novembre des propositions de rapprochement entre le CSA et l’ARCEP, qui régulent respectivement l’audiovisuel et les communications électroniques (mobiles, Internet...) et les postes.
Une réflexion coordonnée avec la mission Lescure
Pierre Lescure et Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, ont souvent insisté sur ce point : la mission confiée à l’ancien PDG de Canal+ a un cadre bien plus large que la seule Hadopi. Hier, ce dernier insistait justement sur le fait qu’avec la TV connectée, le piratage serait « inarrêtable ».
L’annonce faite par le Premier ministre quelques heures après l’intervention de Pierre Lescure confirme que ce sujet sera effectivement un point privilégié de la mission sur l’acte II de l’exception culturelle. Jean-Marc Ayrault a en effet demandé à trois ministres (Aurélie Filippetti pour la Culture, Fleur Pellerin pour l’Économie numérique et Arnaud Montebourg pour le Redressement productif) de lui soumettre des propositions d’« évolutions législatives et réglementaires » de « rapprochement entre le CSA et l’ARCEP » pour fin novembre. Les réflexions préalables à ces propositions seront coordonnées avec la mission de Pierre Lescure, dont ses propres conclusions sont quant à elles attendues pour fin mars 2013.
« Face à la convergence des infrastructures numériques, des services et des contenus qu’elles acheminent, des réseaux et des services fixes et mobiles, et des terminaux à l’usage du public, il est aujourd’hui essentiel de s’interroger sur l’efficacité des modes de régulation des communications électroniques et de l’audiovisuel, à l’heure où les contenus audiovisuels sont de plus en plus diffusés par l’internet fixe et mobile, explique le communiqué du Premier ministre. En particulier, la diffusion des programmes audiovisuels acheminés par voie hertzienne est assortie d’une régulation des contenus destinée notamment à en assurer la qualité et la diversité, alors que les contenus diffusés via internet font l’objet d’une régulation plus limitée et parfois inadaptée ». Et c’est donc pour « assurer la cohérence et l’efficacité de la régulation » que Jean-Marc Ayrault affirme vouloir ces propositions de rapprochement entre les deux autorités de régulation.
Régulation du net
Le Premier ministre a également demandé à ses ministres de s’appuyer sur « les positions de l’ARCEP et du CSA ». Celle de Michel Boyon, président de l’autorité de régulation de l’audiovisuel, est bien connue, puisqu’il milite de longue date en faveur d’un rapprochement entre les deux institutions. En juillet dernier, il nous avait d’ailleurs confié que « des sujets d’intérêts communs [à l’ARCEP et au CSA] vont se multiplier à l’avenir », avec en tête de liste, la question du financement de l’audiovisuel et des réseaux, et celle de la neutralité du net. Tout comme Pierre Lescure hier, Michel Boyon avait insisté sur le sujet de la TV connectée, qui doit selon lui nécessiter une anticipation du législateur (Voir notre article : Michel Boyon : « Espace de liberté ne veut pas dire espace de non-droit »).
Le CSA, dont la vocation première est de gérer l’attribution des fréquences hertziennes dans un but d’intérêt général, ne s'est rarement caché de ses désirs de contrôler le net : sous prétexte que les flux arrivent sur le même écran (télévision, ordinateur, téléphone portable...), il aurait ainsi compétence pour imposer sa régulation sur tout ce qui ressemble de près ou de loin à un contenu audiovisuel.
Du côté de l’ARCEP, son président Jean-Ludovic Silicani a quant à lui expliqué en juin dernier aux Échos que « les régulations sont aux antipodes. Celle de l'audiovisuel est très forte dans un cadre entièrement national et celle des télécoms est légère dans un cadre entièrement communautaire ».
La Quadrature du Net a pour sa part mis en garde le Gouvernement : « La "régulation des contenus" par un acteur centralisé est une approche vouée à l'échec : Internet n'est pas un "service audiovisuel", les "contenus" sont produits aussi bien par des entreprises commerciales que par des individus » a prévenu Jérémie Zimmermann, porte-parole de l’association. Selon lui, « imposer qu'Internet soit régulé comme la télévision est un pas de plus vers un contrôle administratif du réseau et vers une censure des communications » a-t-il averti.
Fusion CSA/ARCEP, un sujet récurrent
L’idée d’un rapprochement entre CSA et ARCEP n’est pas nouvelle... On se souvient par exemple qu’un rapport parlementaire préconisait il y a deux ans la fusion entre ARCEP, CSA et Hadopi. À l’époque, le projet avait rencontré de vives oppositions, et notamment celle du Premier ministre, François Fillon, et de Frédéric Mitterand, ministre de la Culture. Ce dernier avait d’ailleurs expliqué que les missions de l’ARCEP et du CSA n’avaient strictement rien à voir, l’un veillant à une bonne concurrence, tandis que l’autre se consacre surtout à l’indépendance et au pluralisme des médias. Selon lui, une fusion entre les deux autorités aurait par conséquent présenté le risque de réduire les objectifs du CSA « au profit de l’aspect économique ».