Italie : le logiciel d'affectation automatique des enseignants accusé d'avoir fait exploser l'école

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Italie : le logiciel d'affectation automatique des enseignants accusé d'avoir fait exploser l'école
Crédits : monkeybusinessimages/iStock

Vous vous rappelez Parcoursup ? Vous avez entendu parler de la plateforme « Mon Master » ? Sachez que le système de l'éducation italien utilise aussi une procédure automatisée, mais chez eux, elle est utilisée pour la gestion des affectations des enseignants... avec de nombreux couacs.

Les administrations étatiques utilisent de plus en plus des logiciels qui appliquent de façon automatisée des règles de décisions administratives pour remplacer les procédures auparavant suivies par les personnels de l'administration. En France, la plateforme Parcoursup a particulièrement été critiquée pour ça.

La France a du mal à trouver des candidats pour passer les concours de l'éducation nationale et devenir enseignant dans le primaire et le secondaire, au point que le Ministère a dû organiser des entretiens en « job dating » l'année dernière pour embaucher des personnes sur des contrats à l'année scolaire.

La situation en Italie n'est pas moins problématique. En 2020, un cinquième des enseignants y travaillait en contrat court alors qu'ils n'en représentaient qu'un neuvième en 2015, selon Algorithm Watch.

Pendant l'été 2020, un logiciel a été mis en place pour gérer automatiquement une nouvelle tâche administrative qui devient de plus en plus importante : les affectations des enseignants. Celui-ci est aussi très critiqué pour sa conception et les erreurs qu'il engendre.

Deux algorithmes de classements

L'idée, mise en place pendant le deuxième gouvernement Conte en 2020, était de simplifier la tâche de l'administration de l'éducation nationale italienne en lui permettant d'affecter les plus de 850 000 enseignants contractuels en un clin d'œil à un poste d'une école du pays.

Deux systèmes de gestion algorithmiques des enseignants et des candidats étaient mis en place par le ministère de l'éducation du pays pour gérer l'attribution des postes de manière équitable : le Classement régional des remplacements  (en italien, Graduatorie Provinciali per le Supplenze, GPS) et le Classement régional sous réserve de disponibilité (Graduatorie Provinciali a Esaurimento, GAE).

Mais comme l'explique la version italienne de Wired, ce système n'a pas eu l'effet attendu : il a donné un poste à quelqu'un qui avait moins de diplômes qu'une autre, attribué un poste de soutien type AESH à quelqu'un qui postulait pour un poste d'enseignant...

La loi 104, qui permet à certaines personnes en situation de handicap un accès prioritaire à l'emploi, a aussi été mal respectée. Bref, le logiciel a entrainé beaucoup d'erreurs qui ont eu des répercussions sur de nombreux personnels de l'éducation dans le pays.

Selon Wired, rien qu'à Milan, le syndicat CGIL dénombrait en décembre dernier environ 1 800 erreurs dans les affectations sur un total d'environ 11 000 enseignants contractuels.

Le média en ligne a demandé et obtenu les documents du ministère concernant le projet. Le contrat de 5,3 millions d'euros a été remporté par un consortium regroupant Enterprise services Italia (une filiale de Dxc Technology) et Leonardo, une importante entreprise italienne du secteur de la défense.

Pas conforme aux documents officiels du projet

Selon les documents, le système est assez simple avec, dans le dossier de candidature, les indications sur les qualifications de l'enseignant, les cours auxquels il postule et une liste d'établissements et de villes où il préfèrerait travailler, ainsi que les créneaux horaires souhaités.

L'algorithme qui se base sur celui du NRMP (National Resident Matching Program), toujours selon les documents obtenus par Wired, trie les candidats petit à petit en prenant à chaque fois la personne dont les qualifications sont les plus hautes. Il est censé aussi prendre bien en compte le classement par les candidats du type de postes auxquels ils veulent être affectés. Mais ce n'est pas ce qui est constaté dans la réalité.

De même, le système est censé, selon les documents, prendre en compte la loi 104 qui oblige à mettre au-dessus de la pile les personnes en situation de handicap qui ont les mêmes qualifications que les autres.

Les développeurs n'auraient pas réalisé des « stress tests »

Malgré le nombre de cas très important traités par le logiciel, les développeurs n'auraient pas vu la nécessité de réaliser des « stress tests » selon un des documents officiels.

Mais dans les faits, « lorsque l'algorithme trouve un candidat idéal pour un poste, il ne réinitialise pas la liste des candidats restants avant de commencer la recherche pour le poste suivant », explique Algorithm Watch.

Interrogé par le site, Giorgio La Placa, du bureau national du syndicat la Gilda degli Insegnanti, ajoute que « l'algorithme n'a pas été conçu avec les mêmes règles dans toute l'Italie car les paramètres ont été fixés au niveau régional, si bien que certaines administrations ont été moins vertueuses que d'autres dans la gestion des classements, rendant le panorama de toute la péninsule encore plus complexe ». Une situation qui rappelle la gestion locale dans chaque université des classements de Parcoursup.

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