Italie : le logiciel d'affectation automatique des enseignants accusé d'avoir fait exploser l'école

Italie : le logiciel d’affectation automatique des enseignants accusé d’avoir fait exploser l’école

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Martin Clavey

Publié dans

Société numérique

20/04/2023 5 minutes
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Italie : le logiciel d'affectation automatique des enseignants accusé d'avoir fait exploser l'école

Vous vous rappelez Parcoursup ? Vous avez entendu parler de la plateforme « Mon Master » ? Sachez que le système de l'éducation italien utilise aussi une procédure automatisée, mais chez eux, elle est utilisée pour la gestion des affectations des enseignants... avec de nombreux couacs.

Les administrations étatiques utilisent de plus en plus des logiciels qui appliquent de façon automatisée des règles de décisions administratives pour remplacer les procédures auparavant suivies par les personnels de l'administration. En France, la plateforme Parcoursup a particulièrement été critiquée pour ça.

La France a du mal à trouver des candidats pour passer les concours de l'éducation nationale et devenir enseignant dans le primaire et le secondaire, au point que le Ministère a dû organiser des entretiens en « job dating » l'année dernière pour embaucher des personnes sur des contrats à l'année scolaire.

La situation en Italie n'est pas moins problématique. En 2020, un cinquième des enseignants y travaillait en contrat court alors qu'ils n'en représentaient qu'un neuvième en 2015, selon Algorithm Watch.

Pendant l'été 2020, un logiciel a été mis en place pour gérer automatiquement une nouvelle tâche administrative qui devient de plus en plus importante : les affectations des enseignants. Celui-ci est aussi très critiqué pour sa conception et les erreurs qu'il engendre.

Deux algorithmes de classements

L'idée, mise en place pendant le deuxième gouvernement Conte en 2020, était de simplifier la tâche de l'administration de l'éducation nationale italienne en lui permettant d'affecter les plus de 850 000 enseignants contractuels en un clin d'œil à un poste d'une école du pays.

Deux systèmes de gestion algorithmiques des enseignants et des candidats étaient mis en place par le ministère de l'éducation du pays pour gérer l'attribution des postes de manière équitable : le Classement régional des remplacements  (en italien, Graduatorie Provinciali per le Supplenze, GPS) et le Classement régional sous réserve de disponibilité (Graduatorie Provinciali a Esaurimento, GAE).

Mais comme l'explique la version italienne de Wired, ce système n'a pas eu l'effet attendu : il a donné un poste à quelqu'un qui avait moins de diplômes qu'une autre, attribué un poste de soutien type AESH à quelqu'un qui postulait pour un poste d'enseignant...

La loi 104, qui permet à certaines personnes en situation de handicap un accès prioritaire à l'emploi, a aussi été mal respectée. Bref, le logiciel a entrainé beaucoup d'erreurs qui ont eu des répercussions sur de nombreux personnels de l'éducation dans le pays.

Selon Wired, rien qu'à Milan, le syndicat CGIL dénombrait en décembre dernier environ 1 800 erreurs dans les affectations sur un total d'environ 11 000 enseignants contractuels.

Le média en ligne a demandé et obtenu les documents du ministère concernant le projet. Le contrat de 5,3 millions d'euros a été remporté par un consortium regroupant Enterprise services Italia (une filiale de Dxc Technology) et Leonardo, une importante entreprise italienne du secteur de la défense.

Pas conforme aux documents officiels du projet

Selon les documents, le système est assez simple avec, dans le dossier de candidature, les indications sur les qualifications de l'enseignant, les cours auxquels il postule et une liste d'établissements et de villes où il préfèrerait travailler, ainsi que les créneaux horaires souhaités.

L'algorithme qui se base sur celui du NRMP (National Resident Matching Program), toujours selon les documents obtenus par Wired, trie les candidats petit à petit en prenant à chaque fois la personne dont les qualifications sont les plus hautes. Il est censé aussi prendre bien en compte le classement par les candidats du type de postes auxquels ils veulent être affectés. Mais ce n'est pas ce qui est constaté dans la réalité.

De même, le système est censé, selon les documents, prendre en compte la loi 104 qui oblige à mettre au-dessus de la pile les personnes en situation de handicap qui ont les mêmes qualifications que les autres.

Les développeurs n'auraient pas réalisé des « stress tests »

Malgré le nombre de cas très important traités par le logiciel, les développeurs n'auraient pas vu la nécessité de réaliser des « stress tests » selon un des documents officiels.

Mais dans les faits, « lorsque l'algorithme trouve un candidat idéal pour un poste, il ne réinitialise pas la liste des candidats restants avant de commencer la recherche pour le poste suivant », explique Algorithm Watch.

Interrogé par le site, Giorgio La Placa, du bureau national du syndicat la Gilda degli Insegnanti, ajoute que « l'algorithme n'a pas été conçu avec les mêmes règles dans toute l'Italie car les paramètres ont été fixés au niveau régional, si bien que certaines administrations ont été moins vertueuses que d'autres dans la gestion des classements, rendant le panorama de toute la péninsule encore plus complexe ». Une situation qui rappelle la gestion locale dans chaque université des classements de Parcoursup.

Écrit par Martin Clavey

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Sommaire de l'article

Introduction

Deux algorithmes de classements

Pas conforme aux documents officiels du projet

Les développeurs n'auraient pas réalisé des « stress tests »

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Commentaires (4)


Je ne suis pas certain d’avoir tout compris.



Les problèmes décrits n’auraient pu être identifiés avec des stress tests; c’est simplement que l’application ne fonctionnait pas comme l’imaginaient les utilisateurs. Ce que décrit très bien la phrase “lorsque l’algorithme trouve un candidat idéal pour un poste, il ne réinitialise pas la liste des candidats restants avant de commencer la recherche pour le poste suivant”.



Problème qui aurait été identifié avec de simples tests fonctionnels.



De plus, ce sont rarement “les développeurs” qui décident de comment/à quel degré doit être traité une application. C’est le client.



Même chose sur la qualité du livrable, c’est le client qui a accepté l’application en l’état. S’ils l’avaient testé correctement avant de l’utiliser en production, ils auraient constaté les problèmes et auraient refusé l’application.



Si au restaurant le serveur nous amène un plat couvert de moisissure et qu’on décide de le manger quand même, c’est de notre faute si on est malade. Personne ne nous a obligé à manger un plat qui était vraisemblablement impropre à la consommation.


ton exemple du restaurant et pas mal, sauf qu’en réalité le restaurant te doit un repas non avarié et doit respecter les regles d’hygiène en vigueur, appris lors de ton diplôme en cuisine. ce sont les regle de l’art



sinon c’est une fraude



c’est toujours délicat de faire des analogies matériel avec de l’immatériel :chinois:



/mavie



j’ai passé un capet en mars, j’étais le seul candidat dans la matière dans l’académie, sujet un peu long et difficile je trouve, je suis très curieux de voir si je suis admis à l’oral, je pense avoir entre 3 et 7 sur 20 :D, l’éducation national est t’elle vraiment désespéré ou c’est juste une façade ? réponse le 2404


sanscrit

ton exemple du restaurant et pas mal, sauf qu’en réalité le restaurant te doit un repas non avarié et doit respecter les regles d’hygiène en vigueur, appris lors de ton diplôme en cuisine. ce sont les regle de l’art



sinon c’est une fraude



c’est toujours délicat de faire des analogies matériel avec de l’immatériel :chinois:



/mavie



j’ai passé un capet en mars, j’étais le seul candidat dans la matière dans l’académie, sujet un peu long et difficile je trouve, je suis très curieux de voir si je suis admis à l’oral, je pense avoir entre 3 et 7 sur 20 :D, l’éducation national est t’elle vraiment désespéré ou c’est juste une façade ? réponse le 2404


Elle est désespérée, mais c’est pas elle qui choisit le nombre de places aux concours, ni du salaire des enseignants…



NiCr a dit:


De plus, ce sont rarement “les développeurs” qui décident de comment/à quel degré doit être traité une application. C’est le client.



Même chose sur la qualité du livrable, c’est le client qui a accepté l’application en l’état. S’ils l’avaient testé correctement avant de l’utiliser en production, ils auraient constaté les problèmes et auraient refusé l’application.




Alors oui … et non.
Je veux bien faire porter une partie de la responsabilité au client qui a accepté un produit qui ne correspondait pas à son besoin. Mais ça n’excuse en aucun cas les dev, chef de projet, productowner et autres de ne pas avoir fait des tests fonctionnels et d’avoir livré un logiciel qui ne respectait pas le cahier des charges.



Pour en revenir à l’article en lui-même; ca rassure un peu de voir que les problèmes rencontrés en France arrive aussi dans les autre pays ( #oupas).