Debian 12 : ce que la distribution a en réserve

Debian 12 : ce que la distribution a en réserve

Branle-bas de combat

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Vincent Hermann

Publié dans

Logiciel

04/04/2023 7 minutes
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Debian 12 : ce que la distribution a en réserve

Debian 12 n’est pas encore là, mais il est possible de se pencher sur le système au travers de ses préversions, surtout maintenant que la distribution est en « hard freeze », signifiant que plus aucune nouveauté ne sera ajoutée. Faisons donc le tour de ses apports.

Debian est une distribution à part. En soi, les nouveautés qu'elle propose dans la version 12 n’ont rien d’extraordinaire. Pour la plupart, elles se retrouvent dans d’autres systèmes Linux depuis un bon moment déjà. La nouvelle version majeure sortira même avec des composants et applications que l’on peut considérer comme « en retard » sur d’autres distributions.

Pour Debian cependant, l’intérêt n’est pas là. D’une part, l’intégralité du cycle de vie de cette distribution est centrée sur la fiabilité. Les composants ne sont pas forcément dernier cri, mais ils sont éprouvés. Aucune mise à jour majeure n’intervient tant que le système lui-même ne passe pas à la version suivante, à l’exception de certaines applications comme le navigateur. Chaque passage d’une mouture majeure de Debian à la suivante se traduit donc par des bonds conséquents dans les paquets.

D’autre part, Debian est la racine d’un très grand nombre d’autres distributions, dont la plus connue est Ubuntu, qui sert elle-même de socle à de nombreux systèmes, dont Linux Mint. Même si ces distributions « filles » ont leurs propres évolutions, la sortie d’une nouvelle Debian est toujours une étape marquante dans le paysage Linux, d’autant que cela ne se produit que tous les deux ans en moyenne.

Debian 12, nommée Bookworm, ne fait pas exception. Elle doit arriver durant ce trimestre en version finale, mais peut être testée sans trop de problème, même s'il s'agit toujours officiellement de l'alpha 2. Comme toujours dans ce cas, nous ne conseillons pas son installation sur un environnement de production ou sur un ordinateur important. Une machine dédiée ou un environnement virtualisé sont à privilégier.

Modernisation de la base

Quand Debian 11 (Bullseye) est sortie durant l’été 2021, elle était accompagnée d’un noyau 5.10. Contrairement à la plupart des autres distributions, Debian n’utilise que des versions LTS (longterm support) du noyau et reste sur la même mouture principale pendant toute la durée de vie de sa version majeure. Actuellement, dans Debian 11.6, la version du noyau est ainsi la 5.10.0-21.

Debian 12 embarque quant à elle un noyau Linux 6.1, ce qui implique des améliorations significatives à bien des niveaux, notamment pour le support du matériel et des hausses de performances diverses (surtout sur les systèmes de fichiers). Notez que les utilisateurs peuvent tout à fait choisir de passer sur un noyau plus récent en cours d’utilisation, mais beaucoup préfèrent se contenter des seules mises à jour officielles, pour préserver la fiabilité inhérente à la plateforme.

Avec ce changement de noyau en vient un autre : l’utilisation par défaut de Pipewire pour la gestion du son, en lieu et place de Pulseaudio pour GNOME. Cette bascule a déjà été observée dans d’autres distributions et apporte une gestion plus efficace du traitement basse latence et du partage multimédia. Il est conçu pour fonctionner avec le serveur d’affichage Wayland, lui aussi utilisé par défaut dans Debian 12.

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Signalons également la présence du gestionnaire de paquets Apt en version 2.6. Celle-ci amène principalement la prise en charge des firmwares non libres (propriétaires). Cet ajout va de pair avec un autre changement de Debian 12 : il n’est plus besoin de choisir entre les images ISO libres et non libres. Le téléchargement se fait maintenant sur une image unique, dont on choisit la taille en fonction des besoins (complète, netinstall, etc.). Des questions supplémentaires sont posées pendant l’installation sur la possible activation des dépôts non libres, Apt se chargeant ensuite du reste, y compris des mises à jour.

L’installateur de la distribution, actuellement en RC1, a reçu d’autres évolutions, comme l’utilisation d’un firmware UEFI 32 bits quand le système se charge sur une machine AMD64, l’abandon de win32-loader, le support de Windows 11 dans la détection du multiboot, la prise en charge d’EFI Zboot sur les machines ARM64, ainsi que quelques remaniements visuels pour adapter notamment l’interface au thème de Debian 12 (notamment le nouveau fond d’écran, nommé Emerald).

Attention cependant, il reste quelques problèmes. Par exemple, la gestion des volumes LVM chiffrés peut échouer sur des ordinateurs ayant une faible quantité de RAM, de même que le mode « guided - use entire disk and setup LVM » peut bloquer sur des systèmes UEFI.

Environnements de bureau

Voici probablement le point sur lequel les personnes se servant de Debian verront les plus gros changements. Comme pour les versions du noyau, Debian ne change en effet pas de version d’un environnement de bureau pendant son cycle de vie. Mettre à jour vers une mouture majeure de Debian signifie donc de nombreuses nouveautés, selon ce que l’on utilise.

Debian 12

GNOME est ainsi présent en version 43. La version 44 est sortie trop récemment en version finale pour pouvoir être intégrée, le « hard freeze » (gel de la liste des composants) de Debian 12 étant intervenu le 12 mars. Mais même ainsi, c’est un bond conséquent : Debian 11 est fournie avec GNOME 3.38 et n’a donc pas connu la branche 4X de l’environnement. Or, toutes ces versions ont apporté de nombreuses nouveautés, en particulier les moutures 40 et 41.

Même constat pour les autres environnements, que l’on peut choisir à l’installation du système. KDE Plasma est ainsi fourni en version 5.27 et est rejoint par LXDE 11, LXQt 1.2, MATE 1.26 ou encore Xfce 4.18. Il s’agit à chaque fois des dernières révisions stables disponibles au moment du hard freeze.

Applications et modules développeurs

La philosophie générale de Debian est très bien illustrée par les choix des versions pour les applications et autres modules. Cas emblématique, Firefox est présent dans sa révision 102.9, autrement dit la dernière ESR (Extended Support Release). Même chose pour LibreOffice, présent en version 7.4.4, la branche 7.5 étant trop récente (ce qui correspond d’ailleurs aux propres recommandations de la Document Foundation).

Côté développement, on note tout particulièrement l’arrivée de Python 3.11 et l'abandon de python2. On y trouve aussi LLVM 15 (la version 16 est présente dans des distributions plus rapides comme Ubuntu 23.04 et Fedora 38, toutes deux en bêta), OpenJDK 11.6, PHP 8.2 ou encore Samba 4.17.

Debian 12

Support du matériel

C’est l’un des points forts de Debian : on peut l’installer sur pratiquement n’importe quoi. Debian profite du noyau Linux 6.1 qui apporte, comme nous l’avons mentionné, de nouveaux pilotes pour des processeurs, GPU et SoC ARM supplémentaires.

Plus spécifiquement, Debian 12 prend en charge de nombreux nouveaux appareils ARM comme les Banana Pi BPI M2 Ultra, ODROID-C4, ODROID-HC4, ODROID-N2, ODROID-N2+, le smartphone Linux Librem 5r4 (Evergreen), ainsi que le pc portable modulaire MNT Reform Version 2.

Bookworm apporte également le support de nouveaux appareils RISC-V comme le SiFive HiFive Unmatched, le BeagleV Starlight Beta et le Microchip PolarFire-SoC Icicle Kit.

Dans l’ensemble, Debian 12 s’annonce comme une énorme mise à jour et une évolution majeure de la plateforme. La version finale est attendue pour ce trimestre, mais sans plus de précisions pour l’instant.

Écrit par Vincent Hermann

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Modernisation de la base

Environnements de bureau

Applications et modules développeurs

Support du matériel

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Commentaires (26)


GNOME est ainsi présent en version 43. [...] Debian 11 est fournie avec GNOME 3.38 et n’a donc pas connu la branche 4X de l’environnement.


Je n’ai pas compris ce passage. On parle de la version 43, puis d’une version 3.38.
Merci de votre aide :)



Et je me réjouis de l’arrivée de Podman en version 4.3.


la numérotation de gnome a changée (cf wikipedia) après la 3.38, c’est passé à 40 puis 41 …


c’est debian 11 qui utilise gnome 3.38. La debian pre-12 utilise gnome 43.


Thoscellen

c’est debian 11 qui utilise gnome 3.38. La debian pre-12 utilise gnome 43.


Ah exact merci, je me suis embrouillé sur les versions de Debian. Merci !


C’est gnome qui à changé ça numérotation.
après gnome 3.X (ex : 3.38) il sont passé au une numérotation 4X (ex : 43).
il ont juste retirer le point.


On peut upgrader depuis une D11 dès maintenant ou il faut réinstaller depuis l’ISO D12 ?


Il n’a jamais été nécessaire de réinstaller. ;)


À noter, c’est le système d’installation (Debian Installer) qui est en « Release Candidate ». Nous attendons en général d’être à une étape (avancée) du freeze pour basculer de la dénomination « Alpha » à la dénomination « RC », et bien que le travail de l’équipe de publication garantisse une testing dans un état plutôt intéressant la plupart du temps, il n’y a pas de notion de « Release Candidate » au niveau de la distribution tout entière.


Exact, merci de l’avoir signalé, c’est corrigé, pardon pour la confusion :chinois:


allez, hop, dans une VM pour tester…


J’ai regardé le lien en début d’article « Télécharger la Release Candidate 1 de Debian 12 Bookworm ». Quel souk ! Ils souhaiteraient décourager les gens, chez Debian, qu’ils ne s’y prendraient pas autrement.



Sinon, je suis utilisateur fort satisfait de Debian 11 sur une vieille machine 32 bits. Cela ressemble beaucoup à Lubuntu comme expérience utilisateur. Mais, pour télécharger l’ISO, je suis passé par https://debian-facile.org/, moins rebutant, plus clair…


Je l’utilise depuis plusieurs semaines en production et c’est agréable à utiliser. L’ensemble est déjà bien stable. Même le GPU AMD est fonctionnel avec Blender 3.4.1 et 3.5, cette dernière étant disponible depuis hier.


Le passage sur Wayland par défaut si on utilise Gnome (et KDE ?) est un sacré morceau aussi, Debian n’est pas le 1er choix en desktop, mais je trouve que ça a son importance concernant la perception de la maturité du projet Wayland.



Gnome et KDE ont fait un gros travail sur Wayland, mais tous les DE n’ont pas forcement vocation à l’utiliser, X11 a encore de beaux jours devant lui.



Patatt a dit:


Gnome et KDE ont fait un gros travail sur Wayland, mais tous les DE n’ont pas forcement vocation à l’utiliser, X11 a encore de beaux jours devant lui.




La question sera de savoir si X11 va encore être supporté longtemps… c’est une architecture vétuste qui pose des problèmes de sécurité quasi-impossibles à corriger. Le premier frein à l’adoption systématique de Wayland était la compatibilité des pilotes propriétaires, mais ce problème est maintenant plus ou moins réglé, donc on risque rapidement de voir les distributions se faciliter la vie en ne supportant qu’une seule pile graphique.


J’ai cru comprendre que du côté de Wayland, il y avait un certain manque côté API “haut niveau”, n’étant pas très calé sur le sujet j’en ai compris que pour développer “facilement” un environnement de bureau il y avait moins d’outil à dispo et que les complexités supplémentaires de Wayland car la sécurité est plus au goût du jour ne facilite pas les choses.
Gnome et KDE ont les équipes pour gérer cette complexité/nouveauté de Wayland, ce qui n’est pas forcement le cas pour d’autre projet de plus petite envergure.



C’est vrai, tout dépend ce que l’on recherche, Debian ne correspond pas à mon besoin, je joue sous linux, du coup je voulais un écosystème plus à jour. Si ça tousse de temps en temps, ce n’est pas grave, aucun impératif sur le PC de la maison et puis ça ne me dérange pas (trop) de bricoler de temps en temps.


Patatt

J’ai cru comprendre que du côté de Wayland, il y avait un certain manque côté API “haut niveau”, n’étant pas très calé sur le sujet j’en ai compris que pour développer “facilement” un environnement de bureau il y avait moins d’outil à dispo et que les complexités supplémentaires de Wayland car la sécurité est plus au goût du jour ne facilite pas les choses.
Gnome et KDE ont les équipes pour gérer cette complexité/nouveauté de Wayland, ce qui n’est pas forcement le cas pour d’autre projet de plus petite envergure.



C’est vrai, tout dépend ce que l’on recherche, Debian ne correspond pas à mon besoin, je joue sous linux, du coup je voulais un écosystème plus à jour. Si ça tousse de temps en temps, ce n’est pas grave, aucun impératif sur le PC de la maison et puis ça ne me dérange pas (trop) de bricoler de temps en temps.


Effectivement, Wayland est beaucoup plus spartiate question fonctionnalités, mais bon, XOrg ne va plus durer éternellement.



Ce sera comme d’habitude dans le monde opensource: ou un projet s’adapte à l’évolution de ses dépendances, ou il fait un fork de celles-ci et prend en charge la complexité pour ne pas avoir à évoluer , ou il tombe en désuétude.


Bon, après test, Gnome ne marche plus quand j’active selinux :transpi:



Mais à première vue pour un serveur sans affichage ça pourrait faire le boulot.


Je vais guetter l’évolution prochaine de la distri Emmabuntüs (basée sur Debian et XFCE/LXQt).



Patatt a dit:


Debian n’est pas le 1er choix en desktop,




Bof, c’est un peu une idée reçue qui date des années 90 début 2000.



J’ai utilisé Debian sur mon ordi pro pendant des années et par rapport à Windows 1011 j’ai eu nettement moins de problèmes



(reply:2127998:consommateurnumérique)




Je ne connaissais pas, je vais regarder. De ce que j’ai lu rapidement, ils étaient basés sur Ubuntu avant de switch sur Debian, un peu comme Mint le fait.
ça devient contagieux de quitter la base Ubuntu pour retourner sur la vraie base Debian on dirait :transpi:


Bon, l’installateur GUI est toujours aussi moche, je pensait que depuis le temps, ils auraient pris exemple sur l’installateur graphique de rocky pour faire un truc plus propre, mais non…



bah disons que les snap sur des machines peu puissantes, c’est l’enfer… clairement.



Et comme Emmabuntüs est fait pour “donner une seconde vie” aux machines peu puissantes / anciennes…
(comme ToutouLinux à une époque mais avec des machines un peu plus récentes, ToutouLinux était fait pour fonctionner même sur des i386 de mémoire…)



jpaul a dit:


Bof, c’est un peu une idée reçue qui date des années 90 début 2000.




Disons que ça dépend entièrement de ce qu tu fais avec le système et combien de temps tu comptes le faire. Personnellement, j’aime bien avoir mes outils très à jour, du coup debian ne me séduit pas trop pour le bureau… part contre pour les serveurs c’est du robuste


“Pipewire”
Je ne connaissais pas ça, je vais l’essayer sur ma distrib demain. :D
Si par hasard ça fonctionne, je serai super heureux d’abandonner pulseaudio.


Rien que pour sa gestion du bluetooth ça vaut le coup. Ça marche beaucoup mieux que sous pulseaudio.



Patatt a dit:


J’ai cru comprendre que du côté de Wayland, il y avait un certain manque côté API “haut niveau”, n’étant pas très calé sur le sujet




Ça fait bientôt 5ans que c’est stable sous gentoo (112018) !



Winderly a dit:


“Pipewire” Je ne connaissais pas ça, je vais l’essayer sur ma distrib demain. :D Si par hasard ça fonctionne, je serai super heureux d’abandonner pulseaudio.




Après quelques essais, Pipewire est vainqueur en tous points : qualité (mais j’ignore pourquoi), lag (je crois que c’est normal) et c’est juste agréable.