Si une banque fait faillite, les fonds des particuliers sont-ils sécurisés ?

La monnaie svp
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Si une banque fait faillite, les fonds des particuliers sont-ils sécurisés ?
Crédits : Alice Pasqual/Unsplash

La faillite, le 10 mars, de la Silicon Valley Bank envoie des ondes de choc dans le système bancaire. Sur le continent européen, ceux-ci se ressentent surtout du côté du Crédit Suisse. Mais qu’est-ce qui est prévu, au juste, pour les cas où une banque française mettrait la clé sous la porte ?

Le 10 mars, à l’issue de la conjonction de mauvaises décisions de gestion, d’une recherche de capital qui a inquiété les capitaux-risqueurs californiens et d’une panique bancaire (bank run) localisée, la Silicon Valley Bank (SVB) a fait faillite. Vu les répercussions de l’affaire jusqu’en Europe, voici un récapitulatif des événements et de quelques mécanismes de protection. 

Pourquoi SVB a-t-elle fait faillite ? 

La Silicon Valley Bank a fait une erreur de gestion. Depuis la crise de 2008, les banques sont sommées de garder une part importante de cash pour faire face à de potentiels retraits massifs. Or la SVB en avait placé une bonne partie dans des obligations d’État, peu risquées, mais à taux fixe et à long terme. Avec la hausse des taux d’intérêt, ces obligations ont perdu de la valeur.

Or, face aux difficultés économiques du secteur, un nombre croissant de gérants d’entreprise tech sont venus récupérer leurs dépôts. Pour récupérer des liquidités, la SVB s’est retrouvée obligée de vendre une partie de ses obligations à perte. Cette opération a mis un coup de projecteur sur ses erreurs et a provoqué une panique bancaire. 

Qu’est-ce qu’une panique bancaire ? 

Un bank run, ou panique bancaire, est un phénomène vieux comme la première banque (et potentiellement fatal) : le système financier repose sur la confiance que les clients, entreprises ou particuliers, portent en l’institution à laquelle ils confient leurs dépôts (et au système financier lui-même). 

Pour résumer grossièrement, la banque X récupère donc les dépôts de ses clients. Elle utilise ensuite les dépôts des uns pour financer les emprunts des autres. En cas d’excès de capitaux, elle peut aussi les échanger avec d’autres banques sur le marché interbancaire ou en placer une partie sur les marchés financiers  (ce qui revient, toujours en résumant très sommairement, à prêter à d’autres types d’acteurs).

Si, outre les difficultés économiques qui les poussent à retirer, les clients de la banque se mettent à se méfier de leur banque X et décident tous de retirer leurs dépôts en même temps, cette dernière se retrouvera face une problématique existentielle : elle n’aura pas suffisamment de liquidités pour répondre aux demandes. Les fonds étant bloqués ailleurs, la banque X ne pourra plus réaliser l’une de ses principales missions : répondre à la demande de ses clients lorsque ceux-ci décident de retirer leurs dépôts.

Pourquoi la Silvergate Bank et la Signature Bank ont-elles été aussi fermées ? 

Spécialisée dans les cryptomonnaies, la Silvergate Bank a en réalité été la première des trois banques américaines à fermer. Mise sous tensions par les aléas de l’univers crypto et l’implosion de la plateforme FTX, elle a annoncé d’elle-même qu’elle allait se mettre en liquidation volontaire, en respect des réglementations en vigueur. 

Deux jours plus tard, la SVB était contrainte de la suivre faute de liquidités. La Signature Bank, elle, a reçu un autre traitement : le 12 mars, la Réserve Fédérale américaine a effectivement prononcé sa fermeture d’office. 21e banque américaine, comptant de gros acteurs des cryptos comme Circle ou Coinbase parmi ses clients, cette dernière était sous le coup d’une enquête de la Securities and Exchange Commission (SEC) sur les dispositifs adoptés contre le blanchiment d’argent.

Difficile de savoir, à l’heure actuelle, si cette enquête a influé sur la fermeture de l’établissement ou s’il s’agissait simplement d’éviter les effets de contagion. Des commentateurs comme l’ancien député américain (et membre du conseil d’administration de Signature Bank) Barney Frank estiment de leur côté que cette dernière fermeture a été prononcée « pour l’exemple », pour signaler que les cryptoactifs sont toxiques. 

Pourquoi le Crédit Suisse est-il en souffrance ? 

Les difficultés du Crédit Suisse ne sont pas simplement dues à une contagion des problématiques américaines : l’institution a publié le 14 mars son rapport annuel, et celui-ci contient des « faiblesses substantielles » dont 7,3 milliards de francs suisses de pertes en 2022 (près de 7,4 milliards d’euros), soit sa pire performance depuis la crise financière de 2008.

Interrogé par Bloomberg TV, le président de la banque nationale saoudienne, qui détient 10 % du capital du Crédit Suisse, a clairement déclaré qu’il ne la renflouerait pas. Résultat, les actions de l'institution ont encore plongé – si le sujet du Crédit Suisse vous intéresse, nous vous recommandons la lecture de ce (très) long format du Temps. Pour faire face, la banque helvétique a annoncé un emprunt de 50 milliards de francs suisses à la banque centrale du pays.

Le 19 mars, UBS a racheté le Crédit Suisse dans l'espoir de « rétablir la confiance ».

Si une banque faisait faillite en France, qu’adviendrait-il des dépôts ?

Il existe un organisme, le Fonds de Garantie des Dépôts et de Résolution (FGDR), dont la mission consiste à éviter et gérer les crises du secteur bancaire et financier. Créé par une loi de 1999, il garantit les dépôts, les titres et les cautions, et intervient aussi bien en prévision d’une crise qu’en indemnisation, si des clients sont lésés. Comme indiqué sur son site web, l’une des principales missions du FGDR est d’éviter les risques de panique bancaire en renforçant la confiance. 

Fin 2021, le FGDR comptait 324 établissements adhérents, qui cotisent tous à la garantie des dépôts, pour un montant total de 6,1 milliards d’euros fin 2021. En Europe, les Fonds de garantie des dépôts sont réunis au sein du European Forum of Deposit Insurers (EFDI). Celui-ci compte 68 membres issus de 49 pays de l’Europe élargie. 

Les placements garantis (Livret A, Livret de Développement Durable et Solidaire, Livret d’Épargne Populaire) le sont directement par l’État, sans passer par le FGDR. Côté assurances, enfin, c’est le Fonds de garantie des assurances de personne (FGAP), lui aussi créé en 1999, qui agit. 

Dans quelle mesure le FGDR garantit-il les dépôts ? 

La loi oblige le FGDR à garantir 100 000 euros par déposant et par établissement. La garantie couvre tous les dépôts que vous avez dans une entité X, vos comptes courants, compte à terme, épargnes, etc. Et si vous êtes liés par mariage, PACS, ou que vous avez ouvert un compte-joint sous une autre modalité, votre partenaire et vous-mêmes serez considérés comme des déposants distincts.

Sous réserve que l’établissement teneur de compte soit une entreprise d’investissement et que le compte soit libellé en euros ou dans une devise de l’Espace économique européen, elle couvre les titres jusqu’à 70 000 euros. Le FGDR ne couvre pas les produits souscrits auprès d’organismes d’assurance (assurance-vie, plan épargne retraite – c'est la mission du FGAP) ni les plans d’épargne retraite collectif ou entreprises (PERCO, PEE, etc).

Est-ce que c’est pareil auprès des néo-banques et des banques en ligne ? 

Il existe une subtilité importante à connaître avec l’émergence des banques numériques : la garantie s’applique à tous les établissements bancaires agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Or certaines néo-banques sont commercialisées par de plus grandes entités adhérentes au FGDR, comme Hello Bank par BNP Paribas. Dans ces cas-là, si vous avez un compte chez Hello Bank et un compte chez BNP Paribas, le palier maximum de 100 000 euros s’appliquera aux deux comptes. 

Des banques en lignes comme Boursorama ou Fortuneo, en revanche, sont agréées établissements bancaires (pour vérifier les agréments d’une entité, c’est par là). Celles-ci sont donc protégées comme des banques traditionnelles.

banque
Crédits : « Néo-banques » et garantie des dépôts, FGDR, mars 2022

Du côté des néo-banques étrangères – Revolut ou N26, par exemple –, les fonds qui y sont déposés seront garantis par les fonds de garantie de leurs pays d’agrément (la Lituanie pour la première, l’Allemagne pour la seconde). 

Les services non agréés établissement bancaire, comme Lydia ou Green Got ne sont pas protégés directement. Cela dit, ceux qui sont agréés établissements de paiement ont des partenaires bancaires (la BNP pour Lydia, le Crédit Mutuel Arkéa pour Green Got) dont les dépôts sont, eux, garantis par le FGDR. 

S'il y a crise, comment ça se passe ? 

Point de vue client, c’est automatique. Côté bancaire, c’est l’ACPR qui saisit le FGDR si une banque vacille, rappelle Ouest-France. La banque en question a dans ce cas deux jours pour envoyer à le FGDR un fichier contenant toutes les positions des clients. Puis c’est au Fonds de contacter par mail et SMS les clients, le but étant d’éviter à tout prix une panique bancaire. Dans un tel cas, chaque personne concernée s’enregistre sur la plateforme du FGDR pour recevoir son épargne garantie sur un compte - qu’elle possède déjà ou aura donc ouvert auprès d’une autre enseigne.

En 2014, la directive européenne DGSD2 a par ailleurs ajouté de nouvelles spécifications, parmi lesquelles le raccourcissement du délai d’indemnisation de 20 à 7 jours ouvrables, l’extension de la garantie à tous les dépôts et devises (officielles d’État, les monnaies régionales et virtuelles ne sont pas prises en compte) et la garantie des « dépôts exceptionnels temporaires » (provenant d’une succession, d’une donation, d’une vente, etc) jusqu’à 500 000 euros.

Quels sont les mécanismes en place pour éviter une crise ? 

À part à sa fondation, le FGDR n’a jamais été sollicité. Néanmoins, la crise financière de 2008 - 2010 a laissé des traces, démontrant qu’un seul établissement mal capitalisé ou instable pouvait mettre en danger une bonne partie du système financier. 

Pour pallier ce problème, les établissements entrants dans le champ du régime dit « de résolution bancaire » (expression qui désigne la possibilité d’user de pouvoir coercitifs pour gérer la liquidation d’un établissement défaillant) sont obligés de soumettre chaque année à l’ACPR un « plan préventif de rétablissement ». Ceci permet à l’ACPR de préparer son propre plan d’action spécifique pour gérer la résolution de chaque établissement dit systémique

Quels sont les risques actuels pour les banques françaises ?

Dans une économie mondialisée, les coups de semonce envoyés par la faillite de la SVB ont résulté, entre autres, en une chute des actions des groupes bancaires français sur les marchés financiers. Mais cela donne plus d’information sur l’état d’esprit des investisseurs (ils sont inquiets) que sur celui des banques.

À ce dernier sujet, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire s’est exprimé dès lundi 13 mars au matin sur France Info. Son message : le système bancaire est « solide », les banques françaises aussi, elles disposent d’un « ratio de liquidités qui est élevé » et elles sont « très diversifiées » – traduction : elles ne sont pas aussi largement exposées aux aléas du secteur de la tech ou de la crypto que l’étaient la SVB ou Signature Bank. La Première ministre Elisabeth Borne a répété le même message le 15 mars.

En décembre 2022, la Banque de France notait que le système français disposait de « capacités importantes d’absorption de chocs » tout en appelant à la vigilance… à cause du contexte (économique, géopolitique, cyber, environnemental) incertain. Pourquoi, alors, une telle chute des cours sur les marchés ? Auprès du Monde, un économiste résume : « effet moutonnier classique ». D'abord on vend, ensuite on trie.

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