L’Autorité de la concurrence publie une feuille de route intense pour 2023-2024

L’Autorité de la concurrence publie une feuille de route intense pour 2023-2024

Sans moyens supplémentaires

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Vincent Hermann

Publié dans

Économie

08/03/2023 8 minutes
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L’Autorité de la concurrence publie une feuille de route intense pour 2023-2024

Comme toujours à cette époque de l’année, l’ADLC a publié le programme qu’elle s’est fixée pour l’année à venir. Un programme chargé, « à budget et effectifs constants, ce qui suppose un effort de priorisation de ses actions ».

L’Autorité joue un rôle crucial en France en veillant au respect des règles de concurrence, notamment en contrôlant qu’une entreprise en particulier n’accumule pas un pouvoir « excessif » sur un ou plusieurs secteurs.

Dans sa nouvelle feuille de route 2023-2024, elle résume sa mission ainsi : « L’Autorité de la concurrence lutte avec l’ensemble des instruments que la loi lui confère contre les pratiques anticoncurrentielles et la concentration excessive du pouvoir de marché, afin de protéger les consommateurs et les entreprises et de soutenir l’innovation, la compétitivité et le pouvoir d’achat. Elle assume également un rôle de conseil et de recommandation aux pouvoirs publics pour favoriser un environnement normatif pro-concurrentiel. Enfin, elle éclaire les acteurs économiques afin d’encourager des comportements conformes aux règles de concurrence ».

Pour l’ADLC, l’économie française se remet doucement d’une « succession de crises » qui ont révélé tant des vulnérabilités qu’une résilience, couplée à une faculté d’adaptation au changement. Rien ne semble joué cependant, selon l’Autorité : « sa capacité à reprendre le chemin d’une croissance forte, durable et équitable dépendra des initiatives des différents acteurs – État, entreprises et ménages – mais aussi de la confiance dans un fonctionnement équitable des marchés ».

Conséquence, elle devra être très attentive aux « conditions de concurrence dans les secteurs qui comptent le plus pour le budget des ménages, tels l’énergie, les produits de grande consommation ou l’agriculture ». Mais pas seulement, puisque le numérique réclamera lui aussi une vigilance particulière, « justifiant un engagement de long terme et le déploiement de ressources importantes ». L’autorité compte également jouer de tout son poids dans la transition vers une économie décarbonée.

Les « problématiques du numérique »

Le numérique figure en bonne place des priorités de l’Autorité de la concurrence, qui évoque « la complexité croissante et la diversité des activités concernées », impliquant un engagement fort dans la durée.

Elle pointe l’arrivée prochaine du DMA (Digital Market Act), qui entrera en vigueur le 2 mai et sur lequel nous reviendrons bientôt avec un article récapitulatif. Elle rappelle que l’un des points forts sera la désignation de certaines plateformes comme « contrôleurs d’accès », qui seront alors soumis à des obligations supplémentaires.

Si le DMA devrait avoir un impact profond sur le numérique en Europe (et probablement faire tache d’huile dans d’autres régions du monde), l’Autorité estime que la loi et le droit de la concurrence sont « deux outils complémentaires, qui se renforcent mutuellement ». Deux points particuliers sont abordés : le DMA ne s’applique pas à tous les opérateurs et pratiques, et il renforce les capacités de contrôle des concentrations pour les autorités de concurrence. Ce sont elles, notamment, qui devront alerter la Commission européenne de toutes les opérations d’acquisitions.

Des « ressources significatives » continueront donc d’être affectées à plusieurs dossiers en cours. Par exemple, l’Autorité remettra pendant ce semestre les conclusions de son enquête sectorielle sur le cloud. Elle continuera également de participer aux réflexions européennes sur la régulation du secteur en Europe, en particulier dans le cadre du futur règlement sur les données.

Même chose en ce qui concerne les engagements pris par certaines grandes plateformes, comme Google au sujet des éditeurs et agence de presse, Google et Meta pour la publicité en ligne, ou encore Apple sur les protections des données personnelles dans iOS. Les données seront ainsi l’une des priorités de l’Autorité de la concurrence, leur rôle étant devenu « prégnant ».

Développement durable : l’autre grand axe

L’ADLC s’engage à poursuivre ses efforts « en faveur de la transition écologique, dans tous les aspects de son intervention ».

Elle affirme qu’elle sanctionnera « les comportements les plus nocifs » et qu’elle aidera les « entreprises souhaitant mettre en place des coopérations nécessaires pour réussir la transition ». Sur ce point, elle les invite d’ailleurs à se mettre en rapport avec elle pour un « dialogue informel », car l’arrivée du nouveau chapitre des lignes directrices de la Commission européenne sur les accords de développement durable marquera un tournant.

En outre, et puisque la transition vers une économie « net zéro » suppose des investissements majeurs (publics et privés), l’Autorité devra « explorer les enjeux concurrentiels de cette transition et mettra pour cela à profit sa capacité d’autosaisine en matière consultative ». Dans ce domaine, elle cite en exemple le lancement récent d’une enquête sectorielle sur le déploiement des bornes de recharge pour les véhicules électriques.

Toujours dans le domaine des transports, elle donne deux autres exemples. D’une part, elle doit rendre un avis prochainement sur une opération de concentration dans le secteur des mobilités partagées et la location des deux-roues en libre-service. D’autre part, elle a ouvert une enquête de sa propre initiative sur le fonctionnement concurrentiel des transports terrestres de passagers, pour « promouvoir la croissance et l’innovation dans ce secteur ». Cet avis fait d’ailleurs l’objet d’une consultation publique durant ce premier trimestre et devrait mener l’ADLC à revisiter ses avis antérieurs sur le sujet, pour « prendre en compte l’essor de l’intermodalité et le rôle-clé de ce secteur pour le développement durable »

Le pouvoir d’achat reste une priorité

Évoquant la sortie progressive de crises multiples, en dépit d’une inflation continue, l’Autorité indique qu’elle pèsera de tout son poids sur les secteurs concernant au plus près les ménages.

Comment ? En portant un intérêt particulier au secteur de l’énergie. Elle en est d’ailleurs certaine : son « ouverture à la concurrence doit s’accompagner de bénéfices tangibles pour les entreprises et les consommateurs, et de la sanction des abus ».

Elle a d’ailleurs deux dossiers en cours dans ce domaine. Le premier concerne de « possibles pratiques relatives à l’approvisionnement, au stockage et à la distribution des carburants en Corse », le second « le secteur de l’assainissement et du démantèlement nucléaires ». Elle se dit prête également à contribuer à la réflexion sur « la réforme des marchés européens de l’énergie ».

Autre sujet majeur d’intérêt, la grande distribution, tant les « relations entre fournisseurs et distributeurs » que les « éventuelles opérations de concentration et aux pratiques susceptibles d’affecter les prix ou la qualité des produits, en particulier ceux de consommation courante ou d’équipement des ménages ». Elle se dit aussi vigilante sur le secteur agricole, notamment les opérations de concentration et les « pratiques susceptibles d’affecter les prix et la qualité des produits ».

Une légère variation face aux années précédentes

Dans son document, l’Autorité de la concurrence cite d’autres domaines qu’elle examinera de près, dont la concurrence dans les Outre-mer, puisque le « coût de la vie y demeure particulièrement élevé ». La conséquence en particulier des transports, dont les territoires insulaires sont très dépendants, et qui sont un facteur de « renchérissement des prix ». Elle compte également collaborer « étroitement » avec les autorités de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie pour renforcer leurs capacités.

Elle annonce aussi le développement d’outils spécifiques pour lutter plus efficacement contre les « pratiques qui faussent les règles de la commande publique et lèsent le contribuable », et une attention particulière portée à la liberté d’installation pour les professions réglementées du droit.

Par rapport aux années précédentes, on retrouve des thématiques déjà abordées, comme l’action pour le bon fonctionnement concurrentiel des marchés numériques, la transition vers une économie neutre en carbone ou encore la préservation du pouvoir d’achat en période de crise.

Cependant, les aspects « crise » et « environnement » prennent une importance nouvelle, tandis que les Outre-mer et l’inspection des commandes publiques n’apparaissaient pas aussi frontalement.

En outre, la conclusion de cette feuille de route contient un message en filigrane : « Dans un contexte d’élargissement de ses missions – notamment à l’égard des signalements des infractions aux règles de concurrence par les lanceurs d’alertes, ou en matière d’enquêtes pour la mise en œuvre des obligations prévues par le règlement européen sur les marchés numériques – l’Autorité devra s’assurer de la meilleure allocation possible de ses ressources, à budget et effectifs constants, ce qui suppose un effort de priorisation de ses actions ».

Une manière polie de rappeler qu'elle manque de moyens.

Écrit par Vincent Hermann

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Introduction

Les « problématiques du numérique »

Développement durable : l’autre grand axe

Le pouvoir d’achat reste une priorité

Une légère variation face aux années précédentes

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Commentaires (1)


De la bureaucratie ou ils ont déjà servi à quelque chose? (c’est une vraie question, pas un troll)