La validation de la taxe Copé par la Cour de Justice de l’Union Européenne est applaudie au gouvernement comme par les ayants droit. Sans surprise, la joie est nettement plus contenue chez les fournisseurs d’accès.
Aurélie Filippetti lors des dernières rencontres cinématographiques de Dijon
Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, et Pierre Moscovovici, ministre de l’Économie, ont déjà considéré que « les arguments de la France ont convaincu les juges européens qu'il était possible, sans violer le droit communautaire, de taxer les fournisseurs d'accès. » En chœur, ils estiment que « le financement du service public de l’audiovisuel est ainsi sécurisé. »
Un frein à l'investissement
Du côté de la Fédération Française des Télécoms, qui avait été à l’origine de la plainte contre cette taxe, « la confirmation de sa légalité constitue naturellement une vraie déception ». Pour les FAI, c’est un véritable frein à l’investissement. Une décision qui tombe « au moment où l’économie du marché s’est beaucoup dégradée et où la pression sur les investissements dans les réseaux de nouvelle génération se renforce du fait des déploiements attendus dans le très haut débit, en fibre optique pour le fixe et en 4G pour le mobile. »
250 millions d'euros par an pérennisés
Du côté des ayants droit, l’humeur est cette fois plus aux cotillons qu'aux antidépresseurs. L’ARP, société civile de perception et de répartition des auteurs, réalisateurs et producteurs indépendants, voit dans cette validation « les prémices » de l’acte 2 de l’exception culturelle. « Cette décision, qui valide la légalité d’une participation obligatoire des opérateurs de télécommunications au financement de France Télévisions, confirme la vision d’un financement de la création par l’ensemble de ceux qui bénéficient de sa distribution » soutiennent les cinéastes de l’Arp.
Même satisfaction du côté de la SACD. « C’est évidemment une bonne nouvelle pour le financement du service public de l’audiovisuel qui voit ainsi se pérenniser un apport financier annuel d’environ 250 millions d’€ et obtient un gage de stabilité de ses ressources, dont bénéficiera aussi la création audiovisuelle et cinématographique ».
Les ayants droit pressent maintenant le dossier TST distributeur
Mais la joie de la SACD et l’ARP n’est pas tout à fait entière. L’une et l’autre embrayent d’ores et déjà sur un autre dossier en souffrance à la Commission européenne. Celui de la TSTD ou Taxe sur les Distributeurs de Services de Télévision. « Nous attendons donc d’autant plus que la notification de la taxe TSTD trouve enfin une issue favorable, avance l’ARP. « Au regard de cette jurisprudence de la Cour de Justice, elle demande à la Commission de valider la nouvelle mouture de la taxe sur les services de distribution de télévision qu’elle bloque depuis plus d’un an au nom de cette lecture très rigoriste de la réglementation applicable aux télécoms » rajoute la SACD qui avait évoqué ce sujet avec Aurélie Filippetti aux Rencontres de Dijon.
La TSTD est une taxe frappant la part TV des abonnements Internet. On se souvient que Free avait réduit sa contribution en rabotant son champ d’application. Son astuce, parfaitement légale, est simple: Free a relégué la TV à une simple option facturée 1,99 euro chaque mois. C’est sur cette somme que vient se calculer la TSTD alors qu’autrefois, la part TV était estimée forfaitairement à 40 % voire 50 % de l’abonnement internet…
Afin de colmater la brèche ouverte par Free, l'article 20 de la loi de finances pour 2012 a modifié l'assiette de la TST. La nouvelle mouture vise « non seulement les abonnements à des offres composites incluant des services de télévision, mais également les abonnements à des offres donnant accès à des services de communication au public en ligne ou à des services de téléphonie, dès lors que la souscription à ces services permet de recevoir une offre de services de télévision » expliquait voilà peu Aurélie Filippetti dans une réponse parlementaire.
La TSTD 2.0 a été notifiée auprès de la Commission européenne au titre des aides d'État. Paris est à ce jour suspendu au feu vert européen qui validera cette réforme. Dans le doute, son entrée en application a été repoussée au 1er janvier 2014, au plus tard. C’est justement ce temps européen qui agace les ayants droit de l’audiovisuel qui attendent la réponse de Bruxelles depuis des mois. Ils pressent l'Europe de purger au plus vite ce dossier, idéalement dans le bon sens. « Chaque mois, l’inertie de la Commission fait perdre plus de 11 millions d’€ au CNC qui sont de fait détournés du financement de la création » se lamente la SACD.
Mais une fois ces fonds débloqués, l’ARP devine la suite : « l’ensemble de ces décisions donnera désormais un terrain propice à la mise en œuvre des conclusions de la Mission Lescure ». Bref, un pont d’or pour l’exception culturelle.