L’Europe avance (doucement) « pour surmonter la pénurie de semi-conducteurs »

Qui va piano va… piano
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L’Europe avance (doucement) « pour surmonter la pénurie de semi-conducteurs »
Crédits : Nicolas Loran/iStock

Après les ambitions de la Commission européenne sur la production de semi-conducteurs en Europe, les députés du Parlement sont désormais « prêts à négocier une loi pour développer l’industrie des semi-conducteurs » et donc entamer les négociations avec le Conseil. 

En guise de préambule, le Parlement européen rappelle que la production de micropuces « repose sur une chaîne d'approvisionnement extrêmement complexe et interdépendante » au niveau mondial. Un exemple : « Une grande entreprise de semi-conducteurs peut s'appuyer sur pas moins de 16 000 fournisseurs hautement spécialisés situés dans différents pays ». Et il ne faut pas oublier les difficultés pour obtenir certains matériaux rares et/ou critiques.

Cette interdépendance mondiale fragilise la chaîne d'approvisionnement. En effet, des événements géopolitiques, même lointains, peuvent avoir des conséquences tangibles à nos portes. Et ces dernières années ne nous ont pas épargnés… c’est le moins que l’on puisse dire. 

Une pénurie, des causes multiples 

On pense évidemment à la pandémie de Covid-19 et aux mesures de confinements qui ont suivi, mais ce n’est pas le seul élément, loin de là : « Des développements récents comme la guerre en Ukraine [dont l’invasion a débuté il y a un an presque jour pour jour, ndlr] ont suscité des inquiétudes supplémentaires pour le secteur des puces. D'autres événements tels que des incendies et des sécheresses ont touché de grandes usines de fabrication et ont aggravé la crise ».

Le Parlement européen estime que « la pénurie actuelle de micropuces devrait se poursuivre tout au long de 2023 car la plupart des solutions ont de longs délais de livraison. Par exemple, il faut deux à trois ans pour construire une nouvelle usine de fabrication de puces ».

Les semi-conducteurs sont partout

S’il est besoin de le préciser, rappelons que les puces électroniques sont des briques indispensables à tous les produits numériques du quotidien : smartphone, voiture, ordinateur, gestion de l’énergie, santé, communication, etc. Le Parlement explique qu’un « téléphone portable contient environ 160 puces différentes alors que des voitures électriques hybrides en contiennent jusqu'à 3 500 ».

Ces puces sont également à la base des technologies qui transforment notre monde numérique comme l’intelligence artificielle, l’Internet des objets, le cloud, les supercalculateurs… Bref, elles sont partout et dirigent presque le monde.

Problème pour le Parlement, « en moyenne, près de 80 % des fournisseurs des entreprises européennes opérant dans l'industrie des semi-conducteurs ont leur siège en dehors de l'UE ». 

Les ambitions de la Commission

Il y a un an, la Commission européenne faisait part de ses ambitions fortes dans le domaine des semi-conducteurs avec la volonté de « passer à une vitesse radicalement supérieure en matière de développement, de production et d'utilisation de cette technologie clé », selon sa présidente Ursula von der Leyen.

L’Europe veut ainsi doubler sa part de marché d'ici à 2030 – c’est-à-dire passer d'entre 8 et 10 % actuellement à 20 % –, contre 24 % en 2000), ce qui implique de quadrupler sa production puisque la quantité de puces produites à cette époque devrait doubler. Pas simple, d’autant que les États-Unis aussi veulent augmenter leur part du gâteau et que les Chinois ne vont pas se laisser faire. 

Peu de temps après, le Chip Act européen était lancé avec un plan d’investissement de 43 milliards d’euros – rehaussé depuis à 45 milliards d’euros –, dont 11 milliards de fonds publics. Il y a un an, la Commission se réjouissait d’avoir adopté « une communication, deux propositions de règlement et une recommandation » sur le sujet des semi-conducteurs. Elle renvoyait alors la balle dans le camp du Parlement européen et des États membres pour la suite de la procédure législative.

Le Parlement européen approuve le « règlement sur les semi-conducteurs »…

Le Parlement vient justement d’établir « sa position de négociation » sur deux textes. Le premier sur « le règlement sur les semi-conducteurs, qui vise à renforcer la capacité technologique et l’innovation dans le secteur des semi-conducteurs de l’UE, et l’autre sur l’entreprise commune "Semi-conducteurs", qui vise à accroître les investissements pour développer ce type de présence européenne ».

Dans le premier cas, les députés ont « approuvé le texte adopté par la commission de l’industrie ». Celui-ci met notamment « l'accent sur les semi-conducteurs et les puces quantiques de nouvelle génération ». Il est aussi question de développer et attirer de nouveaux talents sur les trois piliers que sont la recherche, la conception et la production ; des éléments indispensables pour avancer de manière souveraine. 

Le règlement est articulé autour de trois grands axes : 

  • « Le lancement de l’initiative "Semi-conducteurs pour l’Europe" qui est destinée à renforcer la compétitivité, la résilience et la capacité d’innovation de l’Union ». Cela comprend la mise en place de centres de compétences.
  • « Un nouveau cadre pour garantir la sécurité de l'approvisionnement : il s’agit d’attirer des investissements et de renforcer les capacités de production ».
  • « La mise en place d’un mécanisme de coordination entre les États membres et la Commission pour le suivi de l’approvisionnement des semi-conducteurs et la réaction en cas de crise à des pénuries de semi-conducteurs ».

Et voilà l’entreprise commune « Semi-conducteurs »

Le second texte concerne la proposition d’une entreprise commune « Semi-conducteurs ». L’objectif général est de « soutenir le renforcement des capacités à grande échelle par des investissements dans des infrastructures de recherche, de développement et d’innovation à l’échelle de l’UE et ouvertement accessibles ». Elle doit aussi mettre en commun des ressources au sein de l’Union européenne. 

Quatre objectifs spécifiques sont également mis en avant :

  • « le renforcement des capacités de conception à grande échelle pour les technologies intégrées des semi-conducteurs […]
  • l’amélioration des lignes pilotes existantes et le développement de nouvelles lignes pilotes […]
  • le développement de technologies avancées et de capacités d’ingénierie pour accélérer le développement de puces quantiques […]
  • la création d’un réseau de centres de compétences dans toute l’Europe ».

Budget de 3,3 milliards d’euros, négociations avec le Conseil en vue

Le budget de l’Union européenne pour ce projet est de 3,3 milliards d’euros, provenant à parts égales des programmes Horizon Europe et Europe numérique. « Sur ce montant total, 2,875 milliards d’euros de ce soutien seront mis en œuvre par l’intermédiaire de l’entreprise commune "Semi-conducteurs", 125 millions d’euros par l’intermédiaire d’InvestEU et 300 millions d’euros par l’intermédiaire du Conseil européen de l’innovation (CEI) », précise le Parlement.

Eva Maydell, rapporteure sur l’entreprise commune « Semi-conducteurs » revient sur la question du budget, face aux dizaines de milliards annoncées outre-Atlantique : « Nous n’avons peut-être pas l’énorme puissance financière des États-Unis, mais le budget proposé par la Commission et le Conseil doit refléter l’importance du défi ». 

Le Parlement indique qu’il est désormais « prêt à entamer les négociations avec le Conseil sur ces deux dossiers ». Le petit train législatif continue, mais on ne sait pas quand arrivera le prochain arrêt et encore moins le terminus. 

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