La version 7 d’elementary OS est sortie le 31 janvier. Nous l’avons prise en main pour mesurer le chemin parcouru depuis la mouture 6. L’évolution est claire, mais certains reproches faits en 2021 sont toujours valables.
elementary OS était initialement un simple pack d’icônes pour GNOME, que Canonical a d’ailleurs repris comme base de travail pour ses icônes Humanity. L’autrice du pack, Danielle Foré, également développeuse, se lance alors dans la création d’une nouvelle distribution avec d’autres. Les règles sont posées : un système aussi simple que possible et des canons ergonomiques absolus.
elementary OS reçoit une nouvelle version majeure tous les deux ans. Ce rythme n’est pas un hasard : le système est basé sur Ubuntu LTS. À Ubuntu 22.04 sorti en avril 2022 succède donc elementary OS 7, qui en reprend pratiquement toute la base technique. À cela viennent s’ajouter de nouvelles fonctions un peu partout.
Base technique : le grand saut
En deux ans, les évolutions ont été nombreuses, avec la parution de quatre versions d’Ubuntu. elementary OS 7 reprend l’ensemble, auquel vient s’ajouter le noyau Linux 5.15. On ne refera pas l’inventaire de toutes les nouveautés, mais ces deux changements permettront à eux seuls de s’installer sur un plus grand nombre de machines, avec une meilleure reconnaissance du matériel et une gestion améliorée de l’énergie. Nous reviendrons d’ailleurs sur ce point.
Avec ce gros changement en vient un autre : la transition vers Gtk4. Comme de nombreuses distributions, elementary OS modernise ses interfaces avec ce kit d'outils, aboutissant à des applications dont le contenu est pleinement « responsive ». En d’autres termes, ce que contient la fenêtre s’adapte beaucoup mieux à la taille disponible de l’écran, surtout quand la place vient à manquer. C'est particulièrement visible dans le Centre d'applications.

Cette transition se fait surtout grâce à Granite, la bibliothèque utilisée par les développeurs d’elementary OS 7 pour concevoir les interfaces des applications intégrées. Plusieurs nouveaux éléments y sont apparus, comme RICH_LIST pour le contrôle du padding (définition des marges de remplissage sur les quatre côtés d’un élément), ou encore Placeholder en remplacement d’AlertView, pour générer des alertes avec plus de capacités, comme des boutons et la mise en forme du texte.
Interface et fonctions : beaucoup de nouveautés
Commençons par les deux assistants principaux, ceux d’installation du système et de configuration initiale. Les grandes lignes n’ont pas bougé, mais on note des ajouts. Durant l’installation, le système prévient désormais si l’ordinateur n’est pas sur secteur, affiche le statut de la connexion et prévient qu’en cas de machine virtuelle, l’expérience peut être dégradée. Quelques ajouts également au premier lancement, avec notamment la possibilité d’adapter le thème (clair ou foncé) selon l’heure de la journée.
Pour le reste, l’un des ajouts les plus pratiques est sans doute l’enrichissement des coins actifs. Ces derniers permettent à présent de définir des commandes personnalisées, qui peuvent prendre la forme de commandes de terminal. L’outil est donc puissant. On peut déclencher par exemple n’importe quelle fonction du système ou n’importe quelle application, graphique ou en ligne de commande.
Le Centre d’applications reçoit plusieurs mises à jour bienvenues. Les descriptions d’applications sont plus complètes, les informations plus nombreuses et les captures souvent présentes en format large. Le Centre s’occupant aussi des mises à jour, une nouvelle option fait son apparition pour que leur installation soit automatique. Celles du système sont en revanche téléchargées, mais pas appliquées. elementary OS 7 attend en effet le redémarrage ou l’extinction de la machine pour le faire.
Autre évolution notable, la présence de GNOME Web 43 comme navigateur par défaut. Cette version supportant l’installation des applications web, on peut ajouter celles-ci dans le menu Applications, disponible en haut à gauche de l’écran. La gestion de ces applications web se fait depuis le navigateur.
Les applications internes intègrent aussi des nouveautés intéressantes. Mail affiche une nouvelle interface plus plate et une boite de réception unifiée prenant maintenant en charge les comptes Microsoft 365. Tasks supporte le mode hors ligne pour les nouvelles tâches, les synchronisant quand la connexion est restaurée. Ce support s’étend aux comptes CalDAV. L’application Music a été complètement réécrite, pour s’adapter à l’évolution des besoins, beaucoup n’utilisant plus ce type d’application aujourd’hui que pour écouter brièvement un titre. Toutes les fonctions de tri restent présentes, et la nouvelle version se veut meilleure dans la lecture des métadonnées.
Dans les paramètres, on note pour la première fois l’arrivée de profils de gestion de l’alimentation : Économie d’énergie, Équilibré et Performance. Ce dernier mode ne sera disponible que pour les machines le supportant. Selon l’équipe de développement, les gains en autonomie devraient être significatifs grâce à ces modes.
Enfin, presque toutes les icônes ont été retravaillées, dans de nouvelles versions légèrement 3D accompagnées d’ombres douces. Et comme toujours, la nouvelle mouture du système s’accompagne d’un fond d’écran flambant neuf. On lui reprochera cependant, comme aux autres, un petit manque de qualité. Et puisque l’on parle d’interface, les polices nous ont semblé étrangement petites, à la limite parfois du lisible, surtout dans le Centre d’applications.
Installation d’applications : toujours un peu galère
Si elementary OS 7 propose des évolutions notables un peu partout, on n’en trouve pas vraiment dans l’installation des applications. Nous avions déjà signalé cet élément comme un point faible de la distribution dans notre prise en main de la version 6.
La situation n’a que peu évolué. Le Centre d’applications se veut toujours l’endroit pour s’alimenter en logiciels, d’autant plus que le système est livré avec uniquement les applications de base. Problème, le Centre contient encore peu de logiciels. Si vous en cherchez des classiques comme Firefox, Chrome ou Visual Studio Code, vous ferez chou blanc.
La raison n’a pas changé : elementary OS propose une ergonomie spécifique et seules les applications pleinement adaptées au système sont présentes dans le Centre d’applications. Au vu des problématiques rencontrés par les éditeurs, cela revient pour eux à créer une autre version spécifique de leur produit aux seules fins de la distribution, ce que la plupart ne font pas.
La solution à ce souci est donc la même que pour elementary OS 6 : passer par les flatpak, le système étant compatible depuis plusieurs versions. On récupère par exemple Firefox sur Flathub puis, une fois téléchargé, on fait un clic droit sur le fichier et on choisit « Ouvrir avec Sideload ». Une fenêtre s’ouvre alors pour informer de ce qui se passe, notamment du poids estimé (880 Mo dans le cas présent), son absence de contrôle par elementary OS et ainsi les risques auxquels il peut exposer.
Point important : chaque fois que vous récupèrerez un flatpak depuis une source tierce, l’installation valide la source et l’inscrit dans le Centre d’applications. Dans ce dernier, on pouvait ainsi retrouver ensuite tous les résultats de Flathub, faisant exploser le nombre d’applications présentes et rendant le Centre beaucoup plus utilisable. Dommage, rien ne dit clairement sur chaque fiche s’il s’agit d’un flatpak. On peut déduire l’information un peu plus bas, car un petit avertissement signale que la sécurité de l’application n’a pas été contrôlée, de même que sa confidentialité ou l’intégration dans le système.
Ajoutons que le comportement du Centre d’applications a été plusieurs fois erratique. Même si nous n’avons fait fonctionner elementary OS 7 qu’en machine virtuelle, le constat était valable dans VMware Workstation 17.0.1 et VirtualBox 7.0.6. La recherche bloquait parfois l’application, qui se fermait sans raison. L’un de ces blocages a même entrainé celui du système entier, nous obligeant à un redémarrage.
Une vraie évolution néanmoins
En dépit de ces points agaçants et pas forcément logiques – surtout pour les nouveaux venus – elementary OS 7 reste une évolution majeure, ne serait-ce que parce qu’elle utilise Ubuntu 22.04 et le noyau Linux 5.15, avec toutes les évolutions que cela suppose en deux ans. La migration vers Gtk4 est en bonne voie.
Nous avons retrouvé avec plaisir les performances élevées que nous avions remarquées avec la version 6, avec un système se lançant et s’éteignant très vite, des applications s’ouvrant rapidement et la réactivité générale de l’ensemble. Cette fois, le constat peut être fait aussi depuis une machine virtuelle, alors que la version 6 manquait de souffle dans ce type d’utilisation.
On aimerait cependant qu’elementary OS accueille un peu mieux les personnes qui ne le connaissent pas. Les assistants d’installation et de configuration initiale sont très bien faits, mais on lâche rapidement la main ensuite. La gestion des applications n’a rien de simple, surtout avec un Centre d’application donnant toutes les apparences d’un composant qui se suffirait à lui-même. Ce n’est pas le cas, loin de là. D’autres comportements risquent également d’étonner, comme l’interdiction de mettre quoi que soit sur le bureau.
Dans notre précédent article, nous avions remarqué à quel point le système s’inspirait de macOS. Le constat est toujours valable, et on s’étonne encore que le système, qui vise la simplicité dépouillée, se montre aussi rigide par moments. Il ne manque pourtant pas grand-chose à cette distribution : quelques applications de plus dans sa formule initiale, des indications supplémentaires pour l’installation d’applications, un panneau dans le Centre d’applications pour activer des sources supplémentaires…
Mais elementary OS 7 reste un bon système, dans le sens où ses performances, le soin porté à l’interface et les ajouts de cette version sont autant d’arguments. Si la distribution vous intrigue, n’hésitez donc pas à vous en créer une machine virtuelle, maintenant que le système s’y comporte mieux.
Terminons par un avertissement : aucun chemin de migration n’est pour l’instant proposé. On ne peut pas simplement mettre à jour elementary OS 6 vers 7. C’est un vrai problème, surtout en 2023. La seule solution est – pour l’instant en tout cas – de faire une sauvegarde de vos données et une installation neuve.