Après plusieurs années passées dans la même entreprise, Gilles Y. est licencié. Son employeur lui reproche alors plusieurs faits graves (baisse de ses résultats, démotivation...) mais également son utilisation « quelque peu curieuse » de son ordinateur professionnel. Un motif et des justifications qui n'ont pas convaincu les juges de la cour d'appel d'Angers. Explications.
Au travers d’une décision rendue le 5 février dernier, la cour d’appel d’Angers devait statuer sur le licenciement d’un commercial travaillant depuis près de neuf ans pour une entreprise spécialisée dans la menuiserie. L’homme avait été remercié fin 2009 après que deux avertissements lui ont été adressés durant l’année. Son employeur invoquait alors différents motifs d’insatisfaction à son égard : une baisse jugée « totalement inadmissible » de ses résultats, un manque de professionnalisme, une démotivation totale, une « désinvolture » dans le suivi de ses clients...
Fait intéressant : dans sa lettre de licenciement, le patron de Gilles Y. reprochait également à son salarié son utilisation « quelque peu curieuse » de l’ordinateur portable mis à sa disposition dans le cadre de son travail. Mais que fallait-il comprendre derrière cette expression ? L’employeur se justifiait ainsi : « notre prestataire informatique a dû intervenir, comme il nous le confirme au mois de décembre 2009, pour la troisième fois en deux mois sur votre ordinateur portable à raison d'une utilisation de ceux-ci manifestement pour des motifs non professionnels ».
En avril 2010, Monsieur Y. décide de contester son licenciement. Il obtient d’ailleurs gain de cause devant le conseil des prud’hommes de Laval, en mai 2011. Sauf que l’employeur décide de faire appel de la décision.
Accusé d'utiliser son ordinateur pour des motifs non professionnels
S’agissant de l’usage jugé anormal du matériel informatique par Gilles Y., l’ancien employeur apporte comme preuve un courrier rédigé en décembre 2009 par l’entreprise chargée de la maintenance de son parc informatique. Le prestataire indique qu'il vient effectivement d'intervenir pour la troisième fois en deux mois sur l'ordinateur du salarié, et ce pour réinstaller complètement Windows ainsi que pour mettre en place deux logiciels professionnels. Il est également précisé que « les plantages constatés (pages bleus) pouvaient avoir plusieurs origines, en particulier, l'utilisation d'applicatifs inadaptés à usage non professionnel », notamment des jeux en flash ou des applicatifs de téléchargement.
En clair, les soupçons d’utilisation de son ordinateur pour des motifs n’ayant rien à voir avec le travail (jeux en ligne, téléchargement illégal,...) s’abattaient ainsi sur Gilles Y. Ce dernier a pourtant démenti formellement toute activité de ce type auprès des juges de la cour d’appel d’Angers. D’autant plus qu’il leur a expliqué habiter dans une zone non desservie en Internet du fait d'un problème de réseau. Pour sa défense, l’intéressé a en outre fait valoir que tous les ordinateurs de l'entreprise avaient déjà connu des difficultés et nécessité des interventions de maintenance.
Un grief imprécis pour la cour d'appel d'Angers
Statuant sur ce point précis, les magistrats angevins ont considéré que le courrier du prestataire « ne [permettait] pas, à lui seul, de faire la preuve d'un usage non professionnel de son ordinateur par M. Y. ». Pourquoi ? Parce que selon eux, ce document « n'établit pas un tel usage avec certitude mais émet une simple hypothèse, et en ce qu'il ne comporte aucune signature ». Autrement dit, l'utilisation à des fins non professionnelles est possible, mais pas prouvée. D'autre part, les juges avait un peu plus tôt critiqué l’utilisation des termes « quelque peu curieuse » par l’employeur, des mots qui « ne caractérisent pas un grief précis » d’après eux.
L’ex-employeur a à nouveau été condamné, le licenciement étant déclaré dépourvu de cause réelle et sérieuse. La société devra verser plusieurs milliers d’euros à Monsieur Y. (dont 23 000 euros au titre des dommages et intérêts), et ce au regard de l’ensemble des griefs dont il était question dans cette affaire - et non pas uniquement de l’utilisation du matériel informatique par le salarié.