Milliardaires de la tech : pourquoi altruisme efficace et longtermisme font-ils débat ?

Milliardaires de la tech : pourquoi altruisme efficace et longtermisme font-ils débat ?

Une sombre histoire d'entrepreneurs de la tech qui voient trop loin

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Mathilde Saliou

Publié dans

Société numérique

04/01/2023 10 minutes
56

Milliardaires de la tech : pourquoi altruisme efficace et longtermisme font-ils débat ?

Remises sur le devant de la scène par la chute du courtier en cryptomonnaies FTX Sam Bankman-Fried, les idéologies de l’« altruisme efficace » et du « longtermisme » sont partagées par un nombre croissant de milliardaires de la tech. Problème : ces courants de pensée soulèvent un certain nombre de débats.

Quand la fortune du milliardaire de la crypto Sam Bankman-Fried est tombée à zéro, en novembre dernier, ce fut la désillusion pour certains de ses adeptes. Le fondateur de la plateforme FTX et de la société d’investissement Alameda Research se retrouvait accusé de fraude alors qu'il s’était toujours proclamé « altruiste efficace ». Cité et financé aussi bien par le patron d’Amazon Jeff Bezos, le fondateur d’Ethereum Vitalik Butlerin que le co-fondateur de Facebook Dustin Moskovitz, ce courant de pensée (effective altruism en version originale, EA pour ses adeptes) fait des émules dans le microcosme le plus argenté du monde numérique. Il consiste à œuvrer pour l'humanité de manière aussi rationnelle que possible.

Émanation de l'altruisme efficace, le longtermisme consiste à réfléchir au meilleur moyen de préserver les vies futures. Persuadés que l’humanité est proche de l’extinction, Elon Musk et ses autres tenants déversent des millions dans des innovations dédiées à la préservation de l’humanité à naître… voire font beaucoup d’enfants (neuf, dans le cas du PDG de Tesla).

Quel problème y a-t-il à vouloir sauver les vies d'aujourd'hui et de demain ? A priori, aucun. Sauf que devant le succès croissant de ces grands principes philanthropiques, les critiques s’amoncellent.

La rationalité des gros sous

Ébullition numérique, changement climatique, expansion de la population mondiale, pandémies… Le contexte était favorable au développement de philosophies ancrées autour de la survie de l’humanité. Il aura tout de même fallu les coups de pouce de quelques penseurs pour permettre à l’altruisme efficace et au longtermisme de décoller.

Philosophe australien, titulaire de la chaire d’éthique de l’université de Princeton, aux États-Unis, Peter Singer est de ceux qui ont participé à répandre la vision ultra-rationaliste du premier, notamment via une conférence TED diffusée en 2013. Il y explique que l’altruisme efficace consiste à analyser le plus froidement possible la situation face à laquelle on se trouve de sorte à y appliquer la logique la plus altruiste possible. Il oppose la rationalité à l’émotion, estimant que la seconde empêche de sauver le plus grand nombre.

Un exemple ? Dépenser 40 000 dollars pour former un chien d’aveugle est généreux, certes, admet Singer. Mais ça n’est pas aussi utile que de les dépenser pour soigner le trachome en Afrique, puisqu’une telle opération ne coûte qu’une cinquantaine de dollars. Si le second choix est adopté, la même somme permettra de rendre la vue à bien plus de monde.

En développant cette logique, le philosophe parvient à une conclusion qui pourrait paraître paradoxale : le moyen le plus efficace de sauver des vies, selon lui, est de faire une carrière dans un secteur très rémunérateur. Si vous devenez milliardaire grâce à la finance ou, encore plus efficace ces derniers temps, grâce à la tech, vous pourrez reverser beaucoup plus d’argent dans des œuvres caritatives ensuite. En France, cela a plu au moine bouddhiste Matthieu Ricard, qui a témoigné son soutien à la création de l’association Altruisme Efficace France, en 2016. Dans le monde, cette logique financière explique certainement que le mouvement ait du succès auprès de Bill Gates et ses amis.

Le longtermisme, un altruisme efficace appliqué au futur

Sur la scène tech anglophone, les publications de deux essais, The Precipice (2020, non traduit), où le philosophe anglais Toby Ord déclare que l’humanité joue à la roulette russe avec ses inventions nucléaires et algorithmiques, et What We Owe To The Future (2022, non traduit), du philosophe William MacAskill, ont, entre autres, poussé la réflexion de l’altruisme efficace un cran plus loin.

En effet, l’altruisme efficace postule qu’une vie en vaut une autre, quelle que soit la distance : à coût égal, il vaudrait donc mieux sauver cent ou mille personnes en Afrique qu’une seule en Europe ou aux États-Unis. Le longtermisme, lui, estime que les vies se valent aussi à travers le temps : ce courant affirme que les populations futures, y compris celles à naître dans plusieurs centaines, milliers ou millions d’années, ont une importance égale à celles déjà vivantes.

Célébrée par Elon Musk, entre autres personnalités du numérique, cette philosophie considère par ailleurs que l’humanité fait face à une série de risques existentiels (x-risks) dont il s’agit de réduire les effets au maximum. A priori, jusque-là, toujours pas de problème énorme. Sauf que…

Des critiques sur les postulats…

Les longtermistes, pour commencer, sont beaucoup plus préoccupés par l’émergence d’une intelligence artificielle générale (« IAG », risques qu’ils proposent de mitiger en créant plus de technologies) que par le réchauffement climatique. Autre élément surprenant : la conquête spatiale leur paraît urgente. Des penseurs comme le transhumaniste Nick Bostrom déclarent en effet que chaque année de perdue sur la colonisation de l’univers engendre la perte des vies qui pourraient potentiellement être vécues dans des régions proches de l’espace.

L’un des principaux risques de ces visions du monde est de réduire à néant la valeur des vies humaines d’aujourd’hui, pointe Philosophie Magazine. Si l’on reste sur l’exemple de l’industrie spatiale, les investissements qui y sont déversés participent de fait à sa destruction puisque celle-ci est très polluante. C’est même extrêmement dangereux « quand on en vient à relativiser des catastrophes historiques majeures en considérant qu’elles ont été des atrocités en termes absolus, mais qu’en termes relatifs, à l’échelle du destin cosmique plus que millénaire de l’humanité, ce ne sont que des faux pas », déclare à l’ADN le philosophe Emile Torres.

Un autre problème est que ces idées sont portées par des individus si riches et influents que le longtermisme (ou du moins le souci des générations futures) est désormais inscrit à l’agenda des débats de l’ONU en septembre 2023. Avant d’en arriver là, plusieurs fonds et personnalités de l’altruisme efficace ont financé des personnes ou des actions publiques pour peser sur la vie politique des États-Unis et d’ailleurs. En bref, l’altruisme efficace et le longtermisme transparaissent déjà dans les arènes politiques locales et internationales. Ils influent aussi largement sur l’économie, puisque c’est au nom de ces idées qu’Elon Musk est capable de qualifier SpaceX, Tesla, Neuralink et la Boring Company de projets philanthropiques.

… sur la destination des fonds…

Pourtant, derrière l’altruisme efficace et le longtermisme, il y a toujours cette logique philosophiquement, économiquement et politiquement sujette à débat : celle qui consiste à assimiler des vies, y compris (voire surtout) à venir, à des sommes de dollars. Et de ne raisonner qu’en fonction de cette prémisse. Bien qu’on ne parle pas de petites enveloppes, bon nombre de critiques pointent d’ailleurs le manque de transparence autour de l’allocation des fonds dédiés à la question.

Le scandale autour de Sam Bankman-Fried a tout de même permis de réaliser que les 132 millions de dollars de son fonds philanthropique FTX Future Funds étaient destinés à des problématiques liées au futur lointain… ou au développement de la pensée longtermiste elle-même. Si l’organisation 80 000 Hours calculait en 2021 que l’altruisme efficace avait engrangé 46 milliards de dollars depuis 2015, rien ne permet de s’assurer qu’elle ou les autres sachent mieux que les organismes classiques de philanthropie où déverser les fonds de la manière la plus efficace.

Enfin, certains milliardaires comme Jeff Bezos ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils donneraient la majorité de leur fortune de leur vivant. Ce dernier a d’ailleurs évoqué explicitement sa volonté de le faire de la manière la plus efficace possible. Impossible, cela dit, de ne pas remarquer qu’il s’y met lentement comparé aux records de montants, de vitesse et de variété de donations qu’a battu son ex-femme MacKenzie Scott depuis qu’elle a reçu 4 % du capital d’Amazon au cours de leur divorce.

… et sur le sous-texte politique

Pour des mouvements qui se clament philanthropes et sauveurs de la pluralité du monde, les altruistes efficaces et les longtermistes manquent singulièrement de diversité de points de vue, pointe par ailleurs Timnit Gebru, spécialiste de l’éthique de l’intelligence artificielle et probablement l’une des plus grandes opposantes à ces philosophies. Dans une tribune pour Wired, elle cite les chiffres d’une étude menée par le forum de l’altruisme efficace lui-même, pointant l’écrasante dominance d’hommes (71 %) blancs (76 %) issus de milieux n’ayant jamais connu la pauvreté au nombre des adeptes de ces pensées.

La logique ultra-utilitariste du longtermisme permet surtout aux membres d’une minorité extrêmement privilégiée « d’assumer sans complexe la défense de leur statut de dominants », écrit de son côté Arrêt sur Images. Au nom de la protection du futur, elle permet de faire affluer toujours plus de fonds dans des entreprises déjà richement dotées, dédiées à la recherche de traitements contre la vieillesse (pensez à Peter Thiel, ou Larry Page et Sergey Brin), à la conquête de Mars ou au développement de l’intelligence artificielle (pour lutter contre l’avènement de l’IAG, vous suivez toujours ?).

Il est vrai qu’il y a de quoi s’interroger devant l’espèce de mélange futuriste, techno-utopiste et excluant que ce petit club très sélectif fait infuser dans les architectures numériques et financières, car ceux-ci adoptent une vision froide, mathématique et rationaliste des vies humaines et restent aveugles aux spécificités des contextes de chacun. Timnit Gebru fait pourtant partie des pontes du domaine qui ont démontré à de multiples reprises la propension des algorithmes à reproduire, voire amplifier, les biais racistes, sexistes, âgistes et autres qui existent dans la société.

De concert avec Emile Torres, elle a aussi pointé à plusieurs reprises les tendances eugénistes qui affleurent derrière certains discours longtermistes, à commencer par les propos de Nick Bostrom lorsqu’il assimile l’holocauste à une « simple bévue » (a blip) de l’Histoire. Dans certains cercles longtermistes, d’ailleurs, on ne se cache pas. Auprès de Business Insider, des promoteurs conservateurs de ces idées vantent ainsi logiques pronatalistes et sélection d’embryons « génétiquement supérieurs » grâce à la technologie, un discours aux relents aussi racistes (on discute des moyens d’éviter la chute de la « civilisation occidentale ») que transhumanistes.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître au premier abord, les grands critiques de l’altruisme efficace et du longtermisme craignent en fait que ces philosophies théoriquement tournées vers le reste de l’humanité n’aboutissent à l’émergence d’un nouveau type d’autoritarisme technologique… qui servirait toujours les mêmes.

Écrit par Mathilde Saliou

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

La rationalité des gros sous

Le longtermisme, un altruisme efficace appliqué au futur

Des critiques sur les postulats…

… sur la destination des fonds…

… et sur le sous-texte politique

Commentaires (56)


Au vu du sujet sensible, on vous remercie d’avance de rester dans le thème et courtois (oui, vous lisez parfaitement entre les lignes :D)


Bon allez j’me lance.



Est ce qu’il est vraiment utile de sauver un maximum de vie alors que nous sommes déjà trop nombreux sur terre ?


Tandhruil

Bon allez j’me lance.



Est ce qu’il est vraiment utile de sauver un maximum de vie alors que nous sommes déjà trop nombreux sur terre ?


D’où le spatiale


Tandhruil

Bon allez j’me lance.



Est ce qu’il est vraiment utile de sauver un maximum de vie alors que nous sommes déjà trop nombreux sur terre ?


Réponse : oui.
Mais la solution n’est peut-être pas “de ne pas sauver” pour équilibrer la balance, mais plutôt “arrêter de faire des gamins à tout va”, autrement dit préserver ce qui existe déjà …



Et pour rester dans la même vision altruiste de nos milliardaires, ça revient à faire réparer son produit (préserver l’existant) plutôt que d’en racheter un autre plus efficient.



Mais bon, le compte en banque participe beaucoup à ce genre de vision à mon sens.


Arcy

Réponse : oui.
Mais la solution n’est peut-être pas “de ne pas sauver” pour équilibrer la balance, mais plutôt “arrêter de faire des gamins à tout va”, autrement dit préserver ce qui existe déjà …



Et pour rester dans la même vision altruiste de nos milliardaires, ça revient à faire réparer son produit (préserver l’existant) plutôt que d’en racheter un autre plus efficient.



Mais bon, le compte en banque participe beaucoup à ce genre de vision à mon sens.


Milliardaire qui pour certain sont des usines à gosse.


Arcy

Réponse : oui.
Mais la solution n’est peut-être pas “de ne pas sauver” pour équilibrer la balance, mais plutôt “arrêter de faire des gamins à tout va”, autrement dit préserver ce qui existe déjà …



Et pour rester dans la même vision altruiste de nos milliardaires, ça revient à faire réparer son produit (préserver l’existant) plutôt que d’en racheter un autre plus efficient.



Mais bon, le compte en banque participe beaucoup à ce genre de vision à mon sens.


Mais bon, le compte en banque participe beaucoup à ce genre de vision à mon sens.



ça, c’est comme ceux qui, peuvent se permettre, “d’être végétariens”
je ne connais, pas bcp. de gens au ‘RSA’ qui le sont ! :fumer:


Politiquement c’est une sorte de prés 1984


Je ne trouve pas, 1984 est dans un contexte post apocalyptique, d’économie de guerre avec ses privations, ses communications centralisées et verrouillées, la gestion du corps des femmes contraint à la reproduction et celle du corps des hommes contraint à la production, une méfiance vis à vis de l’individualisme etc.



Là on est dans la libre entreprise dans un monde (encore) prospère avec foultitude de loisirs et animé de fortes personnalités quasi toutes individualistes forcenées. Les motivations, les contraintes et les idéologies mises en oeuvre sont totalement différentes.



Eventuellement on peut parler de fond idéologique pré 1984 si on est pessimiste sur la morale des milliardaires de la tech mais je pense juste que c’est autre chose à titre personnel.


Petite coquille dans l’article, Elon Musk n’est pas le fondateur de Tesla, juste un investisseur.


non…rien !
(je m’ auto-censure) :fumer:


Tout cela me fait penser que si ces personnalités et les entreprises qu’elles possèdent étaient imposés à leur juste valeur, elles auraient beaucoup moins d’argent à dépenser dans ces projets loufoques et néfastes pour certains. Et c’est l’état qui déciderait comment faire profiter de cet argent au plus grand nombre.



Je sais que l’état est faillible mais au moins ça ne repose entre les mains d’une seule personne.


des états? Soit les organisations qui ont fait le plus de mal aux humains depuis Ghengis Khan ? :mad2: Les organisations responsables de l’exploitation mondiale forcenée de toutes les ressources naturelles (pour pas être faibles face aux autres états, en résumé) et donc de la catastrophe climatique. Les organisations qui ont savamment génocidé au cours des 19e et 20e siècle toutes les propositions politiques centrées sur l’humain et sa liberté ?



Restons rationnels svp, si l’ensemble du courant socialiste/humaniste voulait se débarrasser des états historiquement (ou en limiter considérablement les possibilités) c’est qu’il y a une raison. :transpi:


En tout cas merci beaucoup sur ce sujet que je découvre. Je ne savais pas qu’il y avait un vrai courant de pensée « construit » sur ces thématiques.


Pareil ici, je ne connaissais pas ce courant de pensé. La fin de l’article fait tout de même froid dans le dos et montre bien à quel point cela pourrait vite dériver en plus d’être promus par un petit nombre de personnes. On reste positif en ce début d’année 2023 et on se dit que ça va bien se passer.



(reply:2113040:alex.d.) très juste c’est corrigé



Merci Mathilde pour cet article très instructif, sur un courant que je ne connaissais pas du tout !
Ca pose des questions philosophiques très intéressantes sur la rationalité versus les émotions, ainsi que notre rapport à la vie !
Bon ok ca fait aussi froid dans le dos d’entrevoir les excès vers lesquels ces courants peuvent nous mener…


Voilà un article qui dénote de ce que je connaissais de Next Inpact jusqu’ici.
C’est un peu plus “orienté” qu’un article de presse “normal”, mais c’est frais !
J’aime bien et je me réjouis de voir le sens de renouveau que prend le journal !
Bravo et merci ! 😊


merci pour l’article, beaucoup de questions en effet, voire même se demander si certains ne font pas semblant tellement les fortunes amassées/dépensées/investies sont énormes…


Merci pour cet article très intéressant. J’ai l’impression que ces concepts servent d’excuses à certains pour justifier de leur comportement très discutable et leurs actions au bénéfice réduit. Hâte de lire d’autres papiers sur ce sujet. :yes:


En schématisant, on pourrait dire que des pseudo-philosophes hors-sol donne une caution morale aux délires égocentriques causés par la crise de la cinquantaine des milliardaires de la tech US ?



Il y a un genre de pensée comme ça chez les milliardaires en Asie ?


Ce qui est intéressant avec la philosophie, c’est qu’il déjà plusieurs siècles que les philosophes ont pensé que les pauvres sont en réalité jaloux des riches, et qu’être riche et puissant n’est pas un tord (je schématise - beaucoup).
Il est donc normal que de tels courant philosophiques viennent rassurer les riches et les puissants.


dematbreizh

Ce qui est intéressant avec la philosophie, c’est qu’il déjà plusieurs siècles que les philosophes ont pensé que les pauvres sont en réalité jaloux des riches, et qu’être riche et puissant n’est pas un tord (je schématise - beaucoup).
Il est donc normal que de tels courant philosophiques viennent rassurer les riches et les puissants.


Effectivement de tous temps des courtisans ont flatté les maitres. Ca n’en est qu’une enième itération basée sur la philosophie utilitariste animé par des Voltaires bas de gamme. :D


Le vrai altruisme est de participer à un pot commun géré collectivement.
Dans nos sociétés, on appelle cela l’impôt, qui trouve son fonctionnement le plus équitable implémenté dans la répartition par tranche, rendant l’imposition progressive au fur et à mesure que les revenus augmentent.



Quand on accapare de la richesse, on peut ensuite se chercher une caution morale dans les choix de sa dépense. Or, cela n’est que du maquillage, car le problème de fond reste le même : l’accaparement a été personnel, et cet accaparement a privé d’autres de cette richesse.
Cela signifie généralement que par différentes manœuvres, le pot commun a été évité. Il est donc moralement impossible de se draper d’altruisme derrière sauf à (se) mentir.



Tous les grands mécènes, toutes les fondations, cherchent à “blanchir” l’argent brassé de la manière dont il a été perçu : immoralement et/ou illégalement.
On ne peut être réellement altruiste si on a réussi à accaparer un grand volume de richesse, nécessaire au détriment d’autres.


+1 :yes:




Arcy a dit:


Réponse : oui. Mais la solution n’est peut-être pas “de ne pas sauver” pour équilibrer la balance, mais plutôt “arrêter de faire des gamins à tout va”, autrement dit préserver ce qui existe déjà …




En effet, et du coup j’ai du mal à comprendre les concernés dans ce passage de l’article :




Émanation de l’altruisme efficace, le longtermisme consiste à réfléchir au meilleur moyen de préserver les vies futures. Persuadés que l’humanité est proche de l’extinction, Elon Musk et ses autres tenants […] font beaucoup d’enfants (neuf, dans le cas du PDG de Tesla).




Ils constatent un problème et trouvent une solution qui est en fait à l’origine du problème… :reflechis:



Ou alors leur problème est le suivant :




Le longtermisme, lui, estime que les vies se valent aussi à travers le temps : ce courant affirme que les populations futures, y compris celles à naître dans plusieurs centaines, milliers ou millions d’années, ont une importance égale à celles déjà vivantes.




Et qu’ils considèrent qu’une vie non crée est équivalente à une perte (un peu comme les ayants-droits considèrent qu’un téléchargement est une vente perdue :D ).
Mais dans ce cas-là, est-ce qu’ils considèrent que toute femme ayant ses menstruations est une meurtrière (et qu’elle devrait être enceinte dès 12-13 ans et dès que possible après chaque accouchement) ?


Et au passage, bienvenu à Mathilde dont c’est semble-t-il la 1ere publication qui nous change effectivement de ce que nous avions l’habitude de voir sur NI :reflechis:


Sa troisième, les deux précédentes sont ici et . :chinois:


Et ben, ça fait plaisir de lire ce genre d’article.
Ça change des sujets habituels et c’est très bien écrit / sourcé.
Merci !


Si j’avais des millions à dépenser, je prendrai un abonnement à NextInpact et donnerai le reste à la rédaction :)


Merci beaucoup pour cet article très instructif, bien rédigé, qui change des sujets habituellement abordés ici :chinois:



Article qui me rend d’ailleurs un peu plus techno-sceptique malgré que je reste un technophile (ce qui peut paraître contradictoire… ou pas).


Merci pour cette article de fond, très bien sourcé et documenté. Je me permet de rajouter cette article expliquant là où le longtermism se plante au niveau de son analyse du changement climatique EDIT: ainsi que les mensonges de McAskill sur ses prétendus soutiens scientifiques https://thebulletin.org/2022/11/what-longtermism-gets-wrong-about-climate-change/


Un jour, parler de surpopulation ne sera plus tabou (car oui, avec 5 ou 6 milliards d’habitant au lieu de 9 ou 10, le réchauffement climatique serait bien réduit et on ne vivrait pas à crédit tel qu’actuellement où on consomme en environ 6mois ce que la terre peut produire annuellement)



Après, ça ne me choque absolument pas de réfléchir de façon posé plutôt que de réagir avec ses émotions : c’est bien là le principe même du savant !


C’est au moment ou tu joueras les sélectionneurs que des gens ne seront plus d’accord
:mdr:


Plutôt réfléchir à diminuer ton confort d’Européen et à augmenter légèrement le niveau de vie des Africains et des Asiatiques. Mais on sait tous comment ça finira probablement : retour au féodalisme et au tribalisme parce que les dominants ne lâchent jamais leurs privilèges.



Parler de surpopulation, c’est oublier que depuis 3 siècles les 2 tiers de la population mondiale meurt de famine, de malnutrition, d’épidémies, de conditions de travail difficiles. Aujourd’hui que le niveau de vie mondial s’améliore, des gens émettent l’idée de faire ce qu’on a toujours fait. LOL


Tout-à-fait. Le gros problème c’est qu’il n’existe aucun moyen pour faire baisser rapidement la population humaine qui respecte la dignité humaine et qui conserve une pyramide des âges équilibrée. La question a été abordée de façon très vivante par Susan George dans son roman “Le rapport Lugano” (Fayard 2000). Le rapport Meadow au Club de Rome de 1972 (Les limites à la croissance), confirmé dans ses 2 mises à jour, prévoit un effondrement incontrôlé de la population (réduction d’un facteur 5 à 10 en quelques années) à partir de la fin du siècle pour les scénarios “business as usual”. Effondrement qui se produira bien sûr par tous les moyens qu’il faudrait éviter parce qu’ils ne respectent pas la dignité humaine : guerres, génocides, catastrophes naturelles et industrielles, famines, épidémies/pandémies.


C’est bizarre d’écrire




Si l’organisation 80 000 Hours calculait en 2021 que l’altruisme efficace avait engrangé 46 milliards de dollars depuis 2015, rien ne permet de s’assurer qu’elle ou les autres sachent mieux que les organismes classiques de philanthropie où déverser les fonds de la manière la plus efficace.




Alors que l’évaluation de l’efficacité réelle des organisations caritatives est au cœur de l’altruisme efficace. Pas seulement sur l’action visée (comme l’illustre l’exemple sur la cécité) mais aussi sur l’organisation qui l’entreprend (en gros, si vous donnez 1000€ combien combien partiront en frais de gestion).

Ça n’a rien d’incompatible avec le fait de donner aux philanthropies ‘classiques’ lorsque celles-ci ont des vocations efficaces et sont bien gérées, mais ça incite à se poser la question de si elles le sont.



Certaines organisations qui se revendiquent de l’altruisme efficace se positionnent d’ailleurs comme des méta-charités. Elles ne font elles-mêmes pas d’action caritatives, mais elles évaluent les philanthropies ‘classiques’ afin de faciliter la tache à ceux qui souhaitent orienter leurs donations en fonction de ces critères.



C’est pas parfait bien sûr, on peut y trouver des tas de choses subjectives, des erreurs objectives et, comme partout où l’argent circule, quelques authentiques escrocs. Mais même sans la pousser aussi loin que les partisans du mouvement, la démarche de se poser la question de l’effet réel d’une donation me semble assez saine.



Quant à l’ami SBF, dont les frasques mettent ce mouvement sous les projecteurs, à part l’utiliser pour tenter de justifier ses actions, je n’ai pas trouvé de trace qu’il ait réellement pratiqué de l’altruisme à grande échelle.


+1, cette partie de l’article m’a aussi fait tiquer.



Je ne comprends pas pourquoi l’altruisme efficace fait autant débat. L’une des associations historiques, “Giving What We Can”, invitent à donner une portion importante (10% par ex) de ses revenus à des associations efficaces, par exemple dans le domaine de la pauvreté mondiale, du changement climatique, du bien-être des humains et des animaux, et des causes existentielles. Est-ce vraiment un problème ? Qu’il y ait des débats et des préférences personnelles sur ce qui est le plus important et le plus efficace, soit. Qu’il y ait aussi des personnalités douteuses qui donnent leur argent, soit. Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.



Pour les curieux, le livre de Peter Singer “The Life You Can Save” pose bien les enjeux et les limites de l’altruisme efficace.



(reply:2113141:consommateurnumérique)




Sauf erreur de ma part la population des occidentaux (pourquoi se limiter à l’Europe) diminue régulièrement (fécondité inférieure à 2)



Parler de surpopulation c’est prendre conscience qu’on est passé de 1,8 milliard d’habitants au début du 20e siècle à 8 milliards aujourd’hui (à titre de comparaison nous étions 6 milliards en 2000).



C’est amusant de constater que les adeptes de la décroissance le soit pour ce qui est matériel mais pas pour la population.


Y’a de tout, dans les “adeptes de la décroissance”. Certains sont pour la réduction de la population, d’autre contre.



La population occidentale grossit toujours:
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_des_%C3%89tats-Unis
https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_l%27Europe



La fécondité diminue mais l’espérance de vie augmente (ou stagne pour les USA) et l’immigration augmente.



Et ceux qui sont contre la diminution de la population s’oppose parce que bizarrement quand on parle de réduction de la population, on parle de la population africaine, chinoise ou indienne et pas occidentale qui pollue et a un historique de pollution plus importante. Sans parler du fait que c’est aussi une façon de rejeter la faute sur les autres.



budz a dit:


+1, cette partie de l’article m’a aussi fait tiquer.



Je ne comprends pas pourquoi l’altruisme efficace fait autant débat. L’une des associations historiques, “Giving What We Can”, invitent à donner une portion importante (10% par ex) de ses revenus à des associations efficaces, par exemple dans le domaine de la pauvreté mondiale, du changement climatique, du bien-être des humains et des animaux, et des causes existentielles. Est-ce vraiment un problème ? Qu’il y ait des débats et des préférences personnelles sur ce qui est le plus important et le plus efficace, soit. Qu’il y ait aussi des personnalités douteuses qui donnent leur argent, soit. Mais attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.



Pour les curieux, le livre de Peter Singer “The Life You Can Save” pose bien les enjeux et les limites de l’altruisme efficace.




Pourquoi cela fait débat ?
Peut être parceque le notion “d’efficacité” n’est pas commune à toutes ces organisations qui n’ont certainement pas que le pourcentage du financement réellement mis dans l’action comme critère.
C’est décrit dans l’article, mais c’est aussi facilement concevable à partir du moment où certains croient détenir la vérité parcequ’ils ont de l’argent.



C’est toute la différence entre les financeurs de salon et ceux qui sont réellement sur le terrain: quand les premiers croient mieux savoir comment utiliser les fonds que les seconds car ils convertissent tout (y compris la vie) en chiffres, cela pose problème.


Pour être sûr qu’une action soit efficace, il faut se donner les moyens de l’évaluer, et souvent cela passe par des expériences, des études et des chiffres. C’est parfois lugubre, mais à ma connaissance on n’a pas mieux. L’Etat le fait (je présume) quand il décide d’allouer des fonds à la recherche contre une maladie plutôt qu’une autre, ou d’installer des barrières de sécurité le long de telle route plutôt qu’une autre. GiveWell fait aussi ses études, qui in fine recommendent la distribution de filets (lutte contre le paludisme), de traitements vermifuges, et de transferts monétaires inconditionnels, comme moyens efficaces de lutte contre la pauvreté et l’amélioration du bien-être. Comme la méthodologie est publiée, chacun peut la consulter et décider si elle paraît raisonnable ou non (pour moi, elle l’est).



Au fond, mon problème avec cet article est son manque d’équilibre : tout n’est pas parfait dans le milieu de l’altruisme efficace et du longterme, l’article l’explique bien. Mais pourquoi ne pas mettre en avant les résultats positifs de ce mouvement ? Par exemple, l’évaluation de GiveWell sur son impact est la suivante:






De 2009 à 2021, GiveWell a dirigé un total de 748 millions de dollars vers des organisations caritatives de premier plan capables de sauver des vies. Nous estimons que ce financement permettra de sauver un total d’environ 159 000 vies en :



Distribuant 65,5 millions de moustiquaires imprégnées d’insecticide aux ménages.
Traiter 42,4 millions d’enfants avec un traitement antipaludique complet
Fournissant des suppléments de vitamine A à 67,8 millions d’enfants.
Vaccination de 270 000 nourrissons qui n’auraient pas été vaccinés autrement.



(traduit avec DeepL)






Bref, dommage de ne parler que des travers. L’altruisme efficace n’est pas une lubbie de milliardaires, c’est aussi une communauté de petits donateurs qui cherchent à améliorer les choses autant que leur portefeuille le permette.


D’après France info, 2 Etats US ont autorisé le «compost humain» (des corps recyclés en humus, en terreau).



Bientôt Soleil Vert dans la réalité : les rationalistes du vivant et du social n’ont pas fini d’inventer des techniques perchées (mais efficaces).


Très content de trouver ce type d’article chez NI. Bravo et merci !
(maintenant il va falloir trouver le temps de le lire en détails ;)



(reply:2113190:consommateurnumérique)




Heu… en quoi est-ce problématique ? C’est une solution bien plus écologique que l’inhumation (qui va occuper du foncier pour des corps qui pourrissent…) et la crémation (grosse consommatrice de gaz).



Et même en terme de symbolique : avoir un arbre ou des plantes qui poussent à l’aide d’un corps je trouve ça; personnellement, bien plus puissant qu’une pierre tombale. Il y a une forme de métaphore que la vie continue même après la mort.



Ca n’a strictement rien à voir avec Soleil Vert :roll:


Mettre des corps dans une usine pour produire de l’humus, c’est très naturel en effet. LOL



Mihashi a dit:


En effet, et du coup j’ai du mal à comprendre les concernés dans ce passage de l’article :




De toute façon, altruisme et Musk dans la même phrase, ça colle pas vraiment.



aureus a dit:


La population occidentale grossit toujours: https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_des_%C3%89tats-Unis https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9mographie_de_l%27Europe




Si je me fie à tes liens, le solde naturel est négatif pour l’Europe et tend à diminuer pour les US




La fécondité diminue mais l’espérance de vie augmente (ou stagne pour les USA) et l’immigration augmente.




L’immigration n’est qu’un transfert de population au niveau mondial, l’augmentation en occident devrait contribuer à la diminution de la population dans les autres pays ainsi qu’à une amélioration de la qualité de vie des immigrés.




Et ceux qui sont contre la diminution de la population s’oppose parce que bizarrement quand on parle de réduction de la population, on parle de la population africaine, chinoise ou indienne et pas occidentale (…)




A titre personnel, j’aurais tendance à penser que si le taux de natalité n’est pas inférieur à 2 dans tous les pays du globe alors on court à la catastrophe. Et ça n’a rien de bizarre, j’aurais tendance à penser même que c’est du pragmatisme.


Je suis étonné que l’article n’aborde à aucun moment la contradiction de cet “altruisme” construit sur la captation des richesses permise par d’une part par l’absence de redistribution des fruits de la production, ce qui crée massivement de la pauvreté et des inégalités, d’autre part par l’exploitation sans complexe des ressources de la planète qui nous amène à sa perte pure et simple.



Tandhruil a dit:



C’est amusant de constater que les adeptes de la décroissance le soit pour ce qui est matériel mais pas pour la population.




A ma connaissance c’est le cas historiquement quand le nom de décroissance est apparu dans les débats écolos (années 90). C’était le cas en tous cas à l’époque et jusque début 2000 dans le mouvement français de la décroissance volontaire (que j’ai cessé de suivre depuis donc je ne sais pas pour la suite).



yvan a dit:


Éventuellement on peut parler de fond idéologique pré 1984 …




C’était plus ça mon idée du politiquement pré 1984.
C’est pas 1984, mais y a un arriéré gout.



budz a dit:


Bref, dommage de ne parler que des travers. L’altruisme efficace n’est pas une lubbie de milliardaires, c’est aussi une communauté de petits donateurs qui cherchent à améliorer les choses autant que leur portefeuille le permette.




En effet, je vois aussi un déséquilibre. Si les principes sont bien expliqués, il est dommage de n’en évoquer que les dérives.



Cela dit, le longtermisme me parait très casse-gueule dans le principe. La psychohistoire, c’est de la science-fiction. Pas étonnant que, vu l’impossibilité de prédire ce qui serait efficace à long terme, des gens en viennent à le définir au doigt mouillé, selon leurs croyances, ou en fonction de leurs intérêts. Bref, en contradiction complète avec l’altruisme efficace.


+1



L’un des principes est que chaque vie humaine est égale. Par exemple : pour un million de dollars on peut financer une équipe de soignants qui séparent par chirurgie et sauvent deux jumelles siamoises: ça fait deux vies sauvées. Pour le même coût, distribuer des moustiquaires en zone empaludée peuvent sauver 2000 vies. Pour les altruistes effiaces, le calcul est vite fait : la seconde action est plus efficace que la première. C’est un exemple donné par Singer, je recommende chaudement son TED Talk et son livre The Life You Can Save pour d’autres exemples et des explications plus poussées.




(reply:2113540:consommateurnumérique)




Quantifier l’amour est en effet compliqué. Compter les vies ou les nombres d’heure de vie en bonne santé est heureusement plus simple :)



J’espère bien que cela coûte de plus en plus cher de sauver une vie, car cela veut dire qu’on s’est occupé en priorité et avec succès des cas les plus simples à résoudre. Si demain plus personnes ne meurent du paludisme ou de maladies évitables avec un vaccin, ça sera un grand progrès, pas une régression, quand bien même le coût pour sauver une vie aura augmenté.



Je ne suis pas d’accord que ce phénomène créé du désengagement. Beaucoup d’altruistes efficaces s’engagent à donner une proportion fixe de leur revenu (1%, 10%…) à des causes altruistes. Qu’il coûte 1 000 ou bien 10 000 euros pour sauver une vie ne change pas pour eux la somme donnée.



Penser que donner aux pauvres entretient la pauvreté, c’est oublier qu’il existe des trappes à pauvreté, et que certains dispositifs d’aide peuvent sortir durablement de la pauvreté les récipiendaires, chiffres à l’appui. Voir notamment les travaux d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie et spécialiste de la pauvreté, par exemple ici dans une vidéo récente.



budz a dit:

Bref, dommage de ne parler que des travers. L’altruisme efficace n’est pas une lubbie de milliardaires, c’est aussi une communauté de petits donateurs qui cherchent à améliorer les choses autant que leur portefeuille le permette.




Le problème dans l’altruisme efficace ce n’est pas tant l’altruisme (ça on sait à peu près ce que c’est), que l’adjectif “efficace” : selon quels critères ? décidés par qui ? avec quelles intentions où arrières pensées ? etc…



C’est comme l’égalité relative, la liberté conditionnelle, etc… on sens bien que le second terme a plus de poids que le premier.


Altruisme est une notion intangible. Efficace se mesure, se quantifie. Le jour où les sciences physiques auront une définition de l’amour, on pourra parler d’altruisme efficace.



budz a dit:


Bref, dommage de ne parler que des travers. L’altruisme efficace n’est pas une lubbie de milliardaires, c’est aussi une communauté de petits donateurs qui cherchent à améliorer les choses autant que leur portefeuille le permette.




Le travers est quand même très très très (très) gros. Leur motto est « Nous recherchons les organisations caritatives qui sauvent ou améliorent le plus de vies par dollar. »



L’humanitaire fonctionne bien quand il a un objectif humain non-chiffré : il s’agit d’aider des gens jusqu’à ce qu’ils n’en aient plus besoin de sorte à ne pas entretenir leur pauvreté en leur ayant fourni une aide insuffisante.



Le critère d’efficacité chiffrée a toujours eu et aura toujours le même résultat à grande échelle : la focalisation sur les situations les plus graves et le désengagement dès que les situations s’améliorent car plus les situations s’améliorent plus cela coûte cher d’aider. Le corollaire est évident : le bénéfice efficace par dollar d’aide diminue inéluctablement au fur et à mesure que l’on aide. Ce qui ne veut pas dire pour autant que les personnes en question ont reçu suffisamment d’aide pour devenir autonomes.



Pour l’exemple, c’est l’histoire du clochard qui n’a rien, on lui donne un carton c’est pas cher. C’est l’histoire du clochard qui n’a qu’un carton, on lui donne une tente c’est plus cher qu’un carton. C’est l’histoire du clochard qui n’a qu’une tente, on lui donne une caravane, c’est plus cher qu’une tente. C’est l’histoire du pauvre qui n’a qu’une caravane, on lui donne un appart’ moisi c’est plus cher qu’une caravane. C’est l’histoire du pauvre qui n’a qu’un appart’ moisi, on lui donne un appart’ sain, c’est plus cher qu’un appart moisi. C’est l’histoire du classe moyenne qui n’a qu’un appart’ sain, on lui donne une prime à la rénovation énergétique, c’est plus cher qu’un appart’ sain. C’est l’histoire du classe moyenne qui n’a qu’un appart sain et bien isolé, on lui donne une belle maison, c’est plus cher qu’un appart’ sain et bien isolé. C’est l’histoire du classe moyenne aisée qui n’a qu’une belle maison, on lui donne une aide à la création d’entreprise, c’est plus cher qu’une belle maison. C’est l’histoire du chef d’entreprise qui n’a qu’une pauvre petite entreprise, on lui donne une aide à l’embauche c’est plus cher qu’une aide à la création d’entreprise. C’est l’histoire du petit patron, on lui donne une loi contre les grèves, c’est plus cher qu’une aide à la création d’entreprise. C’est l’histoire du PDG de grosse boite, on lui donne un monopole, c’est plus cher qu’une loi contre les grèves. C’est l’histoire de l’ologarque qui n’a qu’un monopole, on lui donne une guerre c’est plus cher qu’un monopole. C’est l’histoire de la fin du monde, oups, il fallait s’arrêter d’aider avant…!



L’altruisme efficace pour moi c’est vicieux et cela entretien la pauvreté : il s’agit de s’assurer que le mendiant sera à nouveau là demain sur le parvis de l’église pour donner bonne conscience aux donateurs (petits et gros). C’est le retour à cette vieille charité féodale, discrétionnaire et arbitraire, sans considération pour ceux qui la reçoivent ! Ou bien on peut aussi le voir comme une extension à la pauvreté des principes du clientélisme politique, ce qui n’est pas mieux.



budz a dit:


J’espère bien que cela coûte de plus en plus cher de sauver une vie, car cela veut dire qu’on s’est occupé en priorité et avec succès des cas les plus simples à résoudre. Si demain plus personnes ne meurent du paludisme ou de maladies évitables avec un vaccin, ça sera un grand progrès, pas une régression, quand bien même le coût pour sauver une vie aura augmenté.




C’est parce que la rage était compliquée à soigner que Pasteur s’y est intéressé. Oui je sais, exemple caricatural, archi-éculé, etc. Mais à voir l’histoire des sciences et des progrès qu’elle fait, ça fonctionne totalement à l’envers des idées de l’altruisme efficace qui met chaque vie à égalité.




Je ne suis pas d’accord que ce phénomène créé du désengagement. Beaucoup d’altruistes efficaces s’engagent à donner une proportion fixe de leur revenu (1%, 10%…) à des causes altruistes. Qu’il coûte 1 000 ou bien 10 000 euros pour sauver une vie ne change pas pour eux la somme donnée.




Le désengagement dont je parlais est vis-à-vis des personnes recevant l’aide, que l’altruisme efficace propose d’interrompre à tout moment, ajoutant ainsi un degré de précarité non négligeable. Ce que tu réexpliques ici est bien le principe de la charité : untel donne en fonction de critères qui lui sont propres parce qu’il a l’opportunité de donner mais sans considération réelle pour les personnes à qui il donne.




Penser que donner aux pauvres entretient la pauvreté, c’est oublier qu’il existe des trappes à pauvreté, et que certains dispositifs d’aide peuvent sortir durablement de la pauvreté les récipiendaires, chiffres à l’appui. Voir notamment les travaux d’Esther Duflo, prix Nobel d’économie et spécialiste de la pauvreté, par exemple ici dans une vidéo récente.




Pas le temps de regarder, mais l’idée de « dispositif d’aide durable » me semble clairement opposée à l’idée de « dispositif d’aide efficace au sens de l’altruisme efficace ». La durabilité est un engagement de résultat et non pas de moyens comme l’impose le principe d’efficacité chiffrée. Par exemple (encore caricatural, désolé), dans une gestion forestière durable c’est impossible d’arrêter de financer après avoir coupé les bois et au moment de replanter… puisque ce ne serait plus que de l’abbatage classique, de la simple déforestation, donc rien de durable.



budz a dit:


L’un des principes est que chaque vie humaine est égale. Par exemple : pour un million de dollars on peut financer une équipe de soignants qui séparent par chirurgie et sauvent deux jumelles siamoises: ça fait deux vies sauvées. Pour le même coût, distribuer des moustiquaires en zone empaludée peuvent sauver 2000 vies.




Pour moi, il n’y a pas besoin du battage sur l’“altruisme efficace” pour justifier que l’on donne à l’Afrique pour combattre le paludisme, si on veut le faire on le fait, et personne ne viendra te le reprocher. Par contre pour justifier que tu oppresses tes employés dans tes entrepôts, là oui l’outil de l’“altruisme efficace” est utile : n’étant pas en danger de mort imminente, ils ne méritent pas l’attention de leur “altruiste” de patron, qui a mieux à faire. Bref c’est foireux jusqu’au trognon comme idéologie.