On sait depuis lundi que le lanceur d’alertes Edward Snowden a quitté son hôtel à Hong-Kong pour se rendre en Équateur. Selon le président russe Vladimir Poutine lui-même, l'Américain se trouve toujours dans la zone de transit de l’aéroport de Moscou. Mais alors que l’ancien technicien de la CIA voyage vers une terre d'asile, les documents volés font l’objet de toutes les attentions.
Crédits : Chris Hardie, licence Creative Commons
Snowden reste dans l'ombre
Voilà bientôt trois semaines qu’Edward Snowden a fait les premières révélations au sujet du programme américain de surveillance Prism. Filet géant lâché sur les données personnelles des internautes étrangers, il est piloté par la NSA qui a désormais fort à faire pour se justifier. Réfugié jusqu’à récemment à Hong-Kong, Snowden avait également dévoilé l’intrusion de la NSA dans les routeurs chinois ainsi que la surveillance active des participants aux réunions du G20 en 2009 par les renseignements britanniques.
Mais depuis plusieurs jours, le sombre futur de Snowden semble s’être éclairci avec la perspective d’un asile politique en Équateur. On apprenait également hier que Julian Assange, fondateur de WikiLeaks et résidant depuis plus d’un an dans l’ambassade équatorienne à Londres, avait aidé à sécuriser la voie pour Snowden. Mais il précisait également que les documents qu’il avait volés avaient été mis en sûreté, sans vraiment donner plus d’informations. Or, ce sont désormais ces documents qui attirent les regards et les convoitises.
Bombes médiatiques à retardement
Glenn Greenwald, le journaliste qui a révélé l’identité d’Edward Snowden (à sa demande) dans le journal The Guardian, a donné hier une interview au Daily Beast. Il y indiquait notamment que l'Américain « avait pris d’extrêmes précautions pour s’assurer que de nombreuses personnes différentes avaient ces archives, afin d’être certain que les histoires finiraient par être publiées ».
Mais comment être certain que ces personnes ne vont pas être tentées de publier tout de suite les fameux documents top secrets ? Elles « ne peuvent pas y avoir accès parce qu’ils sont fortement chiffrés et qu’elles n’ont pas les mots de passe » explique Greenwald. De fait, la suite ressemble à un scénario déjà vu des centaines de fois dans les films d’espionnage : « Si quoi que ce soit arrive à Edward Snowden, il s’est arrangé pour que ces personnes aient accès aux archives complètes ».
Arme de dissuasion
Résumons donc la situation. D’une part, Snowden est en possession de documents sensibles, volés grâce à une clé USB dans les serveurs de la NSA. Ces données, très sensibles, sont aptes à provoquer de nouveaux scandales, et le FBI a ouvert une enquête criminelle contre le lanceur d’alertes. D’autre part, Snowden, même s’il s’est dit prêt à mourir, cherche un moyen de s’en sortir et se rend en Équateur pour cette raison. Craignant pour sa vie, il confie des copies de ses documents à un nombre indéterminé de personnes.
Enfin, il profite du potentiel destructeur de ces données pour se créer un sauf-conduit en plaçant lui-même une épée de Damoclès sur la tête des agences de renseignement : en cas de problème, de multiples publications des documents pourraient survenir simultanément, et probablement sans aucun contrôle. Une explosion de petits WikiLeaks.
Attraper Snowden lui-même ne résoudrait pas donc pas les problèmes de la NSA, de la CIA, du FBI et plus globalement de l’administration Obama. Comme le signale le Daily Beast, ces informations font écho aux propos de Snowden lors de sa première interview au Guardian : « Tout ce que je peux dire maintenant est que le gouvernement américain ne pourra pas cacher ça en m’emprisonnant ou en m’assassinant. La vérité arrive, et elle ne peut pas être arrêtée ».
Dangereuses données
Ces documents représentent autant de bombes médiatiques pour le renseignement américain. Ils sont manifestement beaucoup plus nombreux que les informations ne le laissaient supposer. Au Congrès, les sénateurs pensaient ainsi que Snowden avait emporté environ 200 documents, mais le chiffre serait en fait de plusieurs milliers. Glenn Greenwald a reçu lui-même une copie des documents, mais il indique ne pas savoir si Snowden en possédait davantage. Le lanceur d’alerte souhaitait exposer la surveillance elle-même et non publier des informations qui pourraient mettre des vies en danger.
Il est clair dans tous les cas que les personnes ayant reçu des copies des documents ont dû prendre des mesures supplémentaires de protection électronique. Greenwald indique ainsi ne plus communiquer que par des emails fortement chiffrés. Il rapporte également que lorsqu’il était à Hong-Kong, il communiquait via Skype avec un collègue basé à Rio. Deux jours après lui avoir dit qu’il lui enverrait une copie des documents (ce qu’il n’a pas fait), le portable du contact était volé. Greenwald, lui, est certain que le gouvernement tente de récupérer les informations qu’il détient sur son propre ordinateur.