Retraite pour InSight, la mission d'étude de la structure interne de Mars

Retraite pour InSight, la mission d’étude de la structure interne de Mars

Power off

Avatar de l'auteur
Martin Clavey

Publié dans

Sciences et espace

23/12/2022 7 minutes
8

Retraite pour InSight, la mission d'étude de la structure interne de Mars

La NASA a mis fin mercredi à la mission martienne InSight arrivée en 2018, avec un sismomètre et une sonde pour étudier la chaleur provenant du cœur de la planète. Retour sur ces quatre années de mission, parsemées de difficultés et de découvertes.

Lundi, le compte Twitter de promotion de la mission expliquait déjà que les batteries du module d'InSight, qui s'est posé sur Mars en novembre 2018, étaient presque à plat. Mercredi, la NASA a annoncé officiellement la fin de la mission après avoir essayé de la joindre deux fois sans succès.

Plus tôt cette année, l'agence spatiale américaine avait déjà fait savoir que le module allait progressivement s'éteindre à cause de la poussière recouvrant ses panneaux solaires, ce qui réduisait la puissance récupérée – dix fois moins qu'à son arrivée sur la planète. Et, malheureusement, aucune tempête n'est venue souffler sur les panneaux du module.

Ces quatre ans d'activité sont quand même une réussite pour InSight dont la mission avait été prévue pour durer deux ans à l'origine.

Depuis son arrivée sur Mars, InSight a détecté plus de 1 300 événements sismiques (1 319 selon le communiqué de la NASA, 1 318 selon celui du CNRS) grâce au sismomètre SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure), dont la supervision avait été confiée au CNES.

Un départ décalé de deux ans par une fuite dans SEIS

Choisi en 2012 par la NASA pour être la douzième mission du programme Discovery, le départ vers Mars d'InSight devait se dérouler en mars 2016. Mais une fuite dans l'un de ses instruments scientifiques principaux, le sismomètre SEIS, a obligé la NASA à retarder le décollage de deux ans.

Marc Pircher, à l'époque directeur du centre spatial de Toulouse, expliquait que « c’est la première fois qu’un instrument aussi sensible est réalisé. Nous étions très près du résultat, mais une anomalie s’est produite, nécessitant des investigations complémentaires. Nos équipes trouveront une solution, mais malheureusement pas à temps pour le vol de 2016 ».

Finalement, après un report de deux ans – les fenêtres de lancement vers la planète rouge s’ouvrent tous les deux ans –, qui a contraint la NASA à rajouter 153,8 millions de dollars au budget initial, le SEIS est prêt et la mission en a profité pour sécuriser l'ensemble des dispositifs embarqués. Insight a décollé en mai 2018 et s'est posé sur Mars en novembre.

InSight devait initialement durer deux ans, mais l'ingéniosité des équipes en charge du projet a permis de la prolonger de deux ans. Ils ont eu l'idée d'utiliser le bras et la petite pelle du module, prévus à l'origine pour poser des instruments scientifiques sur la surface de la planète, pour enlever la poussière des panneaux solaires d'InSight lorsque l'énergie commençait à diminuer.

Mars Insight

Caractérisation de la structure interne de Mars

Une fois posé et installé, SEIS, sorte de stéthoscope pour « écouter » l’activité de Mars, a pu s'atteler à la tâche de mesurer les soubresauts de la planète à l'aide de ses six sismomètres. La difficulté est plus grande que sur Terre, où l'on a les capacités d'en placer un peu partout sur la surface. SEIS, lui, est seul sur Mars à faire son travail.

Mais, selon Philippe Lognonné, principal responsable de l’instrument et géophysicien à l’Institut de physique du globe de Paris, SEIS est « la station sismique la moins bruitée du système solaire » et ses équipes « ont pu mesurer des signaux dix fois plus faibles qu’anticipés ».

Dès sa première année sur Mars, SEIS confirme un a priori : « l’activité sismique martienne se situe entre celle de la Terre et celle de la Lune ».

Mais surtout, le sismomètre a réussi en 2021 à détecter trois discontinuités dans la croûte martienne. La première a été observée à une dizaine de kilomètres de profondeur, la deuxième se trouve à 20 km et une troisième – moins marquée – est à 35 km sous la surface. « La croûte martienne sous InSight fait donc entre 20 et 35 kilomètres d’épaisseur », en conclut Philippe Lognonné.

Plus de 1 300 événements sismiques, dont un de magnitude 5

Au final, la mission aura détecté plus de 1 300 événements sismiques au cours de ses années sur Mars dont un particulièrement important.

Jeudi 5 mai 2022 à 4h environ heure locale (1h 27 heure française), SEIS a enregistré un séisme de magnitude 5 sur l’échelle de Richter. Et la chance a voulu qu'InSight se situe à une relativement proche distance de l'épicentre du séisme, 2 250 km « seulement ».

Pour Philippe Lognonné, « cette faible distance épicentrale et la très forte magnitude expliquent l’ampleur du signal, et le fait que les ondes de volume mais aussi celle de surface sont si claires. Ce séisme est d’une certaine façon une mine d’or pour non seulement confirmer nos modèles de structure interne mais aussi les améliorer ! ». Nous avons déjà expliqué ce que sont les ondes de volume P et S ainsi que les ondes de surface R.

La dernière nouvelle en date des découvertes de SEIS, publiée fin octobre dans la revue Science [PDF], est l'impact de deux météorites sur la surface de Mars à la fin de l'année 2021.

La taille de l'impact qui a eu lieu le 24 décembre 2021 et la nature de la surface sur laquelle il a eu lieu ont notamment permis de détecter des ondes de surface provenant de l'événement, ondes qui n'avaient jamais encore été observées sur la planète. « Ces ondes de surface aident à démêler la structure de la croûte martienne, qui comporte diverses quantités de roches volcaniques et sédimentaires, ainsi que de la glace en dessous de la surface, dans différentes régions de la planète », expliquaient les chercheurs dans le résumé de leur article.

Un sol très difficile à percer pour HP3

Si SEIS a bien réussi à analyser les secousses qui se produisent sur Mars, la mission de la sonde HP3 (Heat Flow and Physical Properties Package) – qui se trouve également sur InSight – a été beaucoup plus compliquée. Développée par le Centre allemand pour l'aéronautique et l'astronautique (en allemand, Deutsches Zentrum für Luft- und Raumfahrt , DLR), HP3 a rencontré un sol beaucoup plus résistant que ce que ses concepteurs prévoyaient.

Équipée d'un ruban sur lequel sont fixés des thermomètres, elle devait, à l'origine, s’enfoncer dans le sol jusqu’à 5 m de profondeur pour évaluer «  la vitesse de refroidissement de la planète afin de reconstituer son "histoire thermique" ».

Tombée sur un sol très dur dès les premiers centimètres de profondeur, l'équipe a dû se résoudre à arrêter la mission en janvier 2021.

SEIS HP3 InSight
Crédits : IPGP/Nicolas Sarter.

Écrit par Martin Clavey

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Un départ décalé de deux ans par une fuite dans SEIS

Caractérisation de la structure interne de Mars

Plus de 1 300 événements sismiques, dont un de magnitude 5

Un sol très difficile à percer pour HP3

Fermer

Commentaires (8)


Malgré le couac HP3, InSight a quand même été une mission très enrichissante. De quoi aider les prochaines du genre à mieux se préparer :yes:



Tombée sur un sol très dur dès les premiers centimètres de profondeur, l’équipe a dû se résoudre à arrêter la mission en janvier 2021.




C’était pas plutôt un sol trop mou ? Ils ont essayé de créer plus de friction en posant la pelle a côté, pour faire pression sur le sol.

Enfin, pour être plus précis, d’un manque de friction, ce qui faisait que le mécanisme pour auto-creuser ne fonctionnait pas.



Cqoicebordel a dit:


C’était pas plutôt un sol trop mou ?




Non : s’il avait était trop mou, le truc se serait enfoncé comme dans du beurre. Mais là, le sol était tellement dur (car gelé) que passé les premiers centimètres, il devenait impossible de creuser plus avec ces outils pas pensés pour un sol pareil.



(reply:2111775:Trit’)




Non.



https://earthsky.org/space/nasa-calls-halt-to-attempts-by-insight-mole-to-dig-into-mars/



D’ailleurs au passage, le sol ne peut pas être gelé sur Mars pour cause d’absence presque complète (autre que traces) d’eau.

Et les scientifiques auraient été cons s’ils avaient pas prévu l’appareil pour creuser dans un sol qui correspond à Mars.

L’article parle bien de manque de friction.


Contre-intuitif au premier abord, mais d’accord.



Et pour « gelé » : OK, « extrêmement froid, plus que ce qu’ils avaient supposé », ça te va mieux ?



(reply:2111896:Trit’)




Non pas vraiment, puisqu’ils savaient quelle température il allait faire, et que la température influe peu sur la dureté du sol sur Mars.



Oui, je suis d’accord, c’est contre intuitif. Mais je suis tout de même étonné que ce soit écrit dans un article de NXi, sachant que je n’arrive pas à trouver une source pointant vers un sol trop dur comme problème. Un article ne devrait pas être écrit sur une intuition (et, ne le prend pas trop personnellement, mais je pense qu’un commentaire péremptoire ne le devrait pas non plus)



Cqoicebordel a dit:


Non pas vraiment, puisqu’ils savaient quelle température il allait faire, et que la température influe peu sur la dureté du sol sur Mars.




Je me rappelle pourtant bien avoir lu des articles sur le fait que le sol était trop dur pour le creuser. Mais peut-être pas pour InSight (Curiosity, plutôt ?) ?




Cqoicebordel a dit:


Un article ne devrait pas être écrit sur une intuition (et, ne le prend pas trop personnellement, mais je pense qu’un commentaire péremptoire ne le devrait pas non plus)




Ayant toujours préféré la franchise honnête à une politesse hypocrite, je te remercierais plutôt de me dire où je peux pécher. ^^



(quote:2111990:Trit’)
Je me rappelle pourtant bien avoir lu des articles sur le fait que le sol était trop dur pour le creuser. Mais peut-être pas pour InSight (Curiosity, plutôt ?) ?




Ca pouvait être pour Curiosity en effet, vu qu’il se déplace et qu’il peut rencontrer des sols différents.

Aucun souvenir de ça pour Insight. Mais je peux me tromper.




Ayant toujours préféré la franchise honnête à une politesse hypocrite, je te remercierais plutôt de me dire où je peux pécher. ^^




Dans ce cas, en toute honnêteté, c’est le “Non” péremptoire de ton commentaire qui m’a “choqué” : j’avais commencé mon commentaire précédent sous la forme d’une question parce que je n’étais pas sûr à 100 %, étant humainement faillible, mais par pure précaution.

Et le fait que tu répondes non, à tort, sans source, et sans précautions, m’a gêné. Que tu émettes une hypothèse, ça aurait été tout à fait acceptable hein, mais là, c’était présenté comme factuel.

Bref, c’est pas grave. Je préfère juste le péremptoire quand c’est factuel :)