Les ambitions de l’Union européenne dans le domaine des batteries sont grandes. En moins de dix ans, elle compte jouer un rôle de premier plan dans leur production à l’échelle mondiale. Elle va également imposer des règles plus strictes, avec l’objectif affiché de verdir le secteur.
Le stockage de l’énergie est l’un des plus grands défis aujourd’hui, et il le restera longtemps. La capacité de créer des réserves joue directement sur le succès de nombre de produits, des smartphones aux véhicules électriques. Les batteries permettent de s’affranchir du câble et ont un rôle crucial à jouer dans l’électrification des transports.
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Deux problèmes cependant pour l’Europe : la production se fait ailleurs (essentiellement en Chine) et le secteur utilise des matériaux polluants et rares. Il y a quelques jours, l’Union a donc posé sur la table le premier « accord sur de nouvelles règles européennes relatives aux batteries », avec des ambitions très affirmées. Un accord jugé d’ailleurs comme « étape clé du pacte vert » et attendu de pied ferme, puisque l'Europe compte assurer un quart de la production mondiale d'ici quelques années seulement. Elle compte aussi assurer 20 % de la production mondiale de puces d’ici 2030. Les ambitions ne manquent pas, reste maintenant à s’en donner vraiment les moyens, d’autant que les Américains et les Chinois n’observeront pas sans réagir.
Tous les types de batteries actuellement vendues en Europe sont concernés : portables, SLI (fournissant de l'énergie pour le démarrage, l'éclairage ou l'allumage des véhicules), moyens de transport légers (MTL, comme les scooters, vélos électriques…), véhicules électriques (VE) et industrielles.
Il en va également de la souveraineté de l’Europe : « La mobilité électrique est un marché nouveau et convoité. La concurrence mondiale est féroce et la demande de batteries a fortement augmenté. Notre objectif est de ne pas être un simple sous-traitant dépendant des autres, et de veiller à ce que la mobilité propre génère des emplois en Europe », a ainsi déclaré Thierry Breton, commissaire au marché intérieur.
Un passeport produit et des informations claires
Les règles vont ainsi devenir plus strictes. À compter de 2024, une étiquette d’empreinte carbone devra être affichée sur l’ensemble des batteries VE, MTL et industrielle d’une capacité supérieure à 2 kWh. Elle devra fournir « des informations relatives à leur capacité, leur performance, leur durabilité, leur composition chimique ainsi qu’un symbole de "collecte séparée" ». Ces informations devront couvrir l’ensemble du cycle de vie des batteries, de l’extraction des matériaux au recyclage.
En outre, afin que « les informations restent disponibles dans le temps, celles-ci devraient également être mises à disposition au moyen de codes QR qui devraient respecter les orientations de la norme ISO/IEC 18004. Le code QR imprimé ou gravé sur toutes les batteries devrait donner accès au « passeport produit » de la batterie ». Ces informations devront notamment aider à choisir une batterie adaptée en comparant leurs caractéristiques.
L’Europe vise l’intégralité du cycle de vie
Un accent particulier va être mis sur la valorisation des matières premières recyclées.
Dès l’année prochaine, l’Europe imposera ainsi un taux de collecte de 45 % pour les batteries portables. Ce taux grimpera à 63 % en 2027, puis à 73 % en 2030. Pour les véhicules légers, le taux de collecte devra être de 51 % en 2028, puis de 61 % en 2031.
En 2031, soit dans à peine 9 ans, l’Union européenne exigera que 6 % du nickel, 16 % du cobalt et 85 % du plomb utilisés dans la confection de nouvelles batteries proviennent des filières de recyclage, y compris les batteries des véhicules. Pour ces derniers, à compter de 2027, les constructeurs ne pourront intégrer que des batteries dont l’empreinte carbone ne dépassera pas un certain palier, qui reste à définir.
« Toutes les batteries collectées doivent être recyclées et des niveaux élevés de valorisation doivent être atteints, notamment en ce qui concerne les matériaux précieux telles que le cuivre, le cobalt, le lithium, le nickel et le plomb, afin de garantir que ces matériaux sont récupérés à la fin de leur durée de vie utile et réintroduits dans l'économie en adoptant des objectifs plus stricts en matière d'efficacité de recyclage et de valorisation des matériaux au fil du temps », indique ainsi la Commission.
Le lithium en particulier sera au centre des attentions, avec une valorisation qui devra atteindre 50 % d’ici 2027 et 80 % d’ici 2031.
En outre, toute entreprise souhaitant commercialiser des batteries au sein de l’Union devra « démontrer que les matériaux utilisés pour leur fabrication ont été obtenus de manière responsable ». Ainsi, « les risques sociaux et environnementaux liés à l'extraction, à la transformation et au commerce des matières premières utilisées pour la fabrication des batteries devront être identifiés et atténués ».
Un remplacement simplifié des batteries
L’une des mesures phares du texte est l’obligation de rendre les batteries remplaçables pour toutes les catégories de batteries, trois ans et demi après l’entrée en vigueur de l’accord.
C’est un changement colossal qui attend les constructeurs, car de nombreux produits verrouillent cette opération, que ce soit pour des raisons de design ou simplement financières. La réparation exige alors de passer en boutique quand on n’a pas le matériel adéquat, sans même parler de la cassure dans la garantie.
Le Parlement définit ainsi l’opération : « Une batterie est facilement remplaçable lorsque, après avoir été retirée d’un appareil ou d’un moyen de transport léger, elle peut être remplacée par une batterie compatible sans altérer le fonctionnement, la performance ou la sécurité de l’appareil ou du moyen de transport léger »
On pense en particulier à Apple, donc aucune batterie n’est directement remplaçable aujourd’hui, que ce soit dans les iPhone, iPad, MacBook ou dans des accessoires comme les AirPods. Ce qui a d’ailleurs fait dire à Pascal Canfin, président de la Commission environnement du Parlement européen : « L’iPhone non réparable c’est fini ! ».
Un abus de langage, car l’iPhone est bien réparable, même si peu aisément par les clients. Cette déclaration ne semble pas tenir compte non plus du récent élargissement du programme de réparation à l’Europe, mais elle pointe un changement largement attendu : pouvoir remplacer facilement sa batterie, sans nécessiter d’outils spécifiques et coûteux. Reste que la période est aux changements pour Apple, qui a reçu des instructions claires sur l’USB Type-C pour l’iPhone et se préparerait au DMA avec la possibilité d’installer des applications autrement que via l’App Store.
Mais même si nous prenons Apple en exemple, de nombreux constructeurs sont concernés pour les smartphones et écouteurs, surtout intra-auriculaires, pratiquement considérés comme jetables.
Ne reste donc plus qu’à attendre l’entrée en vigueur de ce texte, qui promet de nombreux changements dans les années à venir. Il ne fait aucun doute cependant que cette validation devrait arriver très prochainement, puisque toutes les étapes ou presque sont déjà fixées, et que le Parlement et le Conseil ont déjà un accord provisoire.