Hier se tenait un colloque de l'Electronic Business Group (la vidéo) portant sur l'économique télécom et numérique. Outre Stéphane Richard, PDG d'Orange, et Xavier Niel, fondateur d'Iliad (Free), qui nous intéressent ici, étaient aussi invités des personnalités de Google, Publicis, La Poste, Total ainsi qu'Arnaud Montebourg.
Xavier Niel.
« On ne fait pas ce métier pour rendre contents nos concurrents »
Interrogé hier durant une demi-heure par le journaliste Jamal Henni (BFM) lors de l'Assemblée Générale de l'EBG à Paris, Xavier Niel a abordé de nombreux sujets. De l'école 42 à ses ambitions personnelles futures, en passant par sa retraite, l'exploitation de la marque Free pour faire autre chose, ou encore de la concentration des opérateurs en France, le fondateur d'Iliad a aussi discuté des prix des mobiles, annonçant qu'il y avait encore de la marge pour une diminution des tarifs en France. Des propos opposés à ceux de Stéphane Richard, qui a estimé que la marge était désormais réduite.
Mais alors que le journaliste faisait remarquer que les déclarations de Xavier Niel n'allaient pas rendre heureux Stéphane Richard, le directeur de la stratégie de Free a immédiatement répondu : « On ne fait pas ce métier pour rendre contents nos concurrents. » Une logique expliquée plus longuement quelques secondes plus tard : « Il faudrait que tout ce que fait le marché des télécoms rende les autres heureux. Mais ça c’est ce qui s’est passé avant ! Et ils ont été condamnés pour ça ! Nous, on veut que tout le monde soit malheureux de ce que font les concurrents, y compris nous... »
« Faut bien qu’ils vous inventent des trucs à vous vendre ! » (les consultants)
Affirmant que depuis l'arrivée de Free Mobile, la seule chose qui avait baissé (hormis les prix) était les marges et les dividendes de ses concurrents, Niel s'est aussi durement attaqué à la stratégie des autres opérateurs. Interrogé sur le fait qu'Orange, SFR et Bouygues justifient un prix plus élevé par une qualité de service supérieure, le patron a fait remarquer que c'est ce que les concurrents pensent pouvoir faire croire aux clients, ceci pour une simple raison.
« Quand vous avez une équipe marketing gigantesque, quand vous faites appel à tous les cabinets de consultants de la place, faut bien qu’ils vous inventent des trucs à vous vendre ! Donc à partir de ce moment-là, on vous vend la montée en gamme, l’avancée technologique. » Une dialectique sur le marketing qui ne s'est pas terminée ici, puisque le milliardaire rajouta au sujet de la 4G que pour le moment, elle a surtout « permis la remontée des prix des honoraires des consultants ».
Ce costard taillé sur pièce par Xavier Niel sera apprécié par les consultants et spécialistes du marketing français. Le fondateur d'Iliad note d'ailleurs que son équipe marketing est composée de seulement quatre personnes, une attachée de presse, une dédiée à l’achat d’espace, une pour gérer les boutiques et une pour la documentation interne. Quant au budget en consultant, sans surprise, il n'y en a pas.
Stéphane Richard
Marché unique européen : entre intentions et réalités
Précédant Xavier Niel, Stéphane Richard a été interrogé durant une vingtaine de minutes. Et le patron d'Orange a lui aussi abordé de nombreux sujets, bien que différents. Sa société étant mondiale contrairement à Free, Richard a ainsi parlé du marché unique européen des télécoms, grand thème de cette année 2013 du fait de l'obstination de la commissaire européenne Neelie Kroes. Mais pour le PDG, « pour l'instant, il y a des mots, de belles intentions », mais hormis le cas de la mort du roaming en Europe, le sujet du marché unique est encore loin d'être évident. Nous devrions toutefois y voir plus clair en septembre prochain.
Toujours dans la même veine du marché européen, l'idée d'une consolidation entre géants des télécoms du continent court depuis plusieurs années déjà. Outre Orange, l'Europe compte en son sein l'Allemand Deutstche Telekom, le Britannique Vodafone, l'Italien Telecom Italia, l'Espagnol Telefonica et le Fino-Suédois TeliaSonera. Mais une fusion entre ces groupes géants est-elle possible ? Pour Stéphane Richard, un tel scénario est très peu probable, ceci pour de nombreuses raisons :
« Séduisant par l'idée. C'est séduisant politiquement. (...) Mais cela se heurte à d'immenses difficultés, de toutes natures, des difficultés boursières, financières, politiques, sociales... Et donc je ne crois pas qu'aujourd'hui il y ait vraiment une opportunité, un projet précis qui puisse véritablement être engagé dans ce domaine. » Le patron a toutefois rajouté qu'Orange « a des discussions nourries et importantes avec nos partenaires, en particulier avec nos partenaires allemands », sans pour autant parler de possibles fusions entre ces deux sociétés. Richard note d'ailleurs qu'il recevra cette semaine le PDG de Deutsche Telekom afin d'échanger sur leurs activités communes (en Angleterre, etc.).
Enfin, Stéphane Richard a rappelé qu'Orange pourrait arriver en Asie via la Birmanie, tout du moins s'il arrive à obtenir une licence fixe et mobile, actuellement mises aux enchères. Sachant que la Birmanie est un pays où tout est encore à faire en matière de réseau télécom, le potentiel est immense a précisé le PDG. Qui plus est, ce sera la toute première fois qu'Orange mettra les pieds sur le continent asiatique si l'on exclut ses investissements au Moyen-Orient.