Le niveau d’exposition aux ondes reste « globalement faible », l’ANFR se questionne sur les points atypiques

Le niveau d’exposition aux ondes reste « globalement faible », l’ANFR se questionne sur les points atypiques

Ondes atypiques

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Sébastien Gavois

Publié dans

Société numérique

14/12/2022 10 minutes
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Le niveau d’exposition aux ondes reste « globalement faible », l’ANFR se questionne sur les points atypiques

L’année 2021 a battu tous les records sur les mesures d’exposition aux ondes, avec plus de 4 000 mesures. Si la médiane des mesures reste stable à 0,38 V/m, les niveaux les plus élevés ont tendance à augmenter. Le nombre de points atypiques (dépassant 6 V/m) reste élevé. Avec des délais de traitement parfois à rallonge, l’ANFR se pose la question de revoir sa définition d’un point atypique.

En 2021, 4 022 lieux ont fait l’objet de mesures d’exposition aux ondes, « en dehors des campagnes de mesures lancées par l’État ou certaines villes en concertation avec l’ANFR », précise l’Agence nationale des fréquences. Si on prend en compte l’ensemble des mesures, on arrive à plus de 10 000, « dont près de 9 470 mesures réalisées dans la bande 100 kHz – 6 GHz dans le cadre du dispositif national de surveillance de l’exposition, incluant la campagne nationale de l’État pour accompagner le déploiement de la 5G et des campagnes spécifiques à certaines villes qui font l’objet d’analyses séparées ».

La suite de cette actualité ne concerne donc que les 4 022 mesures. 76 % sont faites en milieu urbain, 24 % en zones rurales. Un peu plus de la moitié (57 %) sont réalisées en extérieur. Après une petite baisse en 2020 due à la pandémie de Covid-19 et aux mesures de confinement, le nombre de mesures était en hausse l’année dernière, poussée par le déploiement de la 5G. « L’année 2021 […] est à ce jour l’année qui a enregistré le nombre record de mesures depuis la mise en place du dispositif en 2014 »… et de loin puisque le précédent record datait de 2015 avec 3 554 mesures. 

La médiane reste stable, mais la moyenne augmente

Commençons par quelques chiffres globaux. Le niveau d’exposition moyen est de 0,85 V/m, le point médian se trouve à 0,38 V/m, cela signifie qu’il y a autant de mesures en dessous et au-dessus de 0,38 V/m. Une « grande majorité (76 %) » des mesures sont inférieures à 1 V/m. Pour rappel, les valeurs limites réglementaires à ne pas dépasser oscillent entre 28 et 87 V/m suivant la bande de fréquence, on en est donc très loin pour la grande majorité des cas.

ANFR exposition ondes 2021ANFR exposition ondes 2021

Pour 1,5 % des mesures, le niveau d’exposition dépasse les 6 V/m (51 mesures) ; leur nombre est en hausse par rapport aux années précédentes. L’ANFR parle de ce seuil comme d’une « valeur d’attention » ou un « point atypique ». Dans ce genre de situation, une mesure détaillée en fréquence est obligatoire afin de déterminer la source émettrice et tenter de baisser les niveaux. Nous y reviendrons à la fin de cette actualité. 

Depuis maintenant huit ans, la valeur médiane reste relativement stable aux alentours de 0,38 V/m. Dans le même temps, la moyenne (0,85 V/m en 2021) augmente doucement, mais surement, au fils des années puisqu’elle n’était que de 0,68 V/m en 2014. Conséquence mathématique : « l’augmentation du niveau d’exposition ne concerne donc pas tous les lieux de mesures, mais les niveaux les plus élevés, qui ont tendance à augmenter ».

« Ces données sont stables par rapport à l’année 2020. On peut toutefois noter une confirmation de la tendance des années passées à une légère hausse des valeurs les plus élevées. Mais cette tendance a peu d’incidence sur la moyenne globale des niveaux mesurés, qui reste limitée et qui a très peu augmenté depuis 2014 : + 0,17 V/m », résume l’ANFR.

ANFR exposition ondes 2021ANFR exposition ondes 2021

La téléphonie mobile, principal contributeur

Dans 3 068 cas (sur 4 022), l’ANFR précise que des mesures suivant le cas B de son protocole ont été réalisées. Rappelons que le cas B permet d'avoir le détail de la contribution des fréquences (pas uniquement un niveau global) et peut être directement demandé via le formulaire de l’ANFR. Il devient obligatoire en cas de point atypique (à 6 V/m ou plus).

Sans aucune surprise (c’est le cas depuis des années) le principal contributeur (59 % des mesures) de l’exposition aux ondes est la téléphonie mobile. « Cette tendance apparaît moins marquée en milieu rural où la téléphonie mobile reste le contributeur majoritaire le plus fréquent, mais avec une prévalence moindre (32 % des cas) ». La densité des antennes en zone urbaine n’y est certainement pas pour rien.

Avec 9 %, le Wi-Fi arrive en seconde position dans le classement des principaux contributeurs, mais son score est bien différent suivant les cas : il est le principal contributeur dans 16 % des cas lors de mesures en intérieur, mais passe à quantité négligeable en extérieur. Il faudra attendre les prochains rapports afin de voir si l’ouverture d’une partie de la bande des 5 GHz pour l’extérieur aura une incidence. 

La radio FM arrive en troisième position avec 6 %, puis les services HF (ondes courtes, moyennes et longues) à 2,7 %. Dans 3 % des cas, ce sont d’autres services. Si vous faites les comptes, on arrive à 79,7 %, qu’en est-il du reste ? Dans les 20,3 % restants, « aucune source détectable (c’est-à-dire produisant typiquement à elle seule plus de 0,05 V/m) n’est relevée ». L’ANFR explique que « ces cas correspondent à tous ceux où une mesure selon le cas B a été explicitement demandée, alors que le champ total était très faible ».

Lorsque la téléphonie mobile est le contributeur principal, les bandes de fréquences les plus représentées sont les 800, 900 et 1 800 MHz avec respectivement 28, 22 et 22 %. Les 700 MHz suivent à 15 %, les bandes à plus de 2 GHz sont à moins de 10 % chacune. Rappelons que plus les fréquences sont élevées, moins elles portent loin ; il est donc logique que les fréquences basses soient les plus représentées. 

ANFR exposition ondes 2021

51 points atypiques, dont 20 « hérités » des années précédentes

En 2021, « 51 points atypiques ont été identifiés [autant qu’en 2020, ndlr] parmi les 10 114 mesures effectuées dans des locaux d’habitation et dans des lieux accessibles au public ». Comme nous le disions précédemment, il s’agit des lieux dont le niveau d’exposition global est de 6 V/m ou plus. Précision importante : sur les 51 points, 31 sont nouveaux, les 20 restants concernent des lieux déjà identifiés lors des précédentes campagnes de mesures, mais pas (encore) résorbés. En 2020, 42 étaient nouveaux et seulement 9 déjà existants. 

ANFR exposition ondes 2021

Dans tous les cas, l’ANFR déclenche une procédure lorsque les 6 V/m sont dépassés : « l’Agence informe les administrations et les autorités affectataires concernées. Celles-ci prennent, conformément à l'article L. 43 du CPCE, dans un délai de six mois et sous réserve de faisabilité technique, des mesures permettant de réduire le niveau de champs émis dans les lieux en cause, tout en garantissant la couverture et la qualité des services rendus ».

L’ANFR instruit ensuite le dossier, parfois pendant plusieurs années, jusqu’à ce que le niveau soit passé sous les 6 V/m ou bien « lorsque l’exploitant justifie un maintien en l’état, soit enfin lorsque la mesure de contrôle est impossible à réaliser ». La situation peut-être « maintenue en l’état » par exemple si « l’exploitant se déclare dans l’impossibilité de réduire l’exposition du point atypique sans affecter la couverture ou la qualité des services rendus ». L’impossibilité de réaliser un contrôle peut arriver suite au changement de propriétaire d’un local d’habitation.

 

La difficulté de résorber un point atypique

Ce suivi des points atypiques a été mis en place en 2017. Toutes les procédures lancées à cette époque sont closes (cela peut être une baisse du niveau, un maintien en l’état, une impossibilité de contrôle). C’est la seule année dans ce cas ; il reste des dossiers en cours pour toutes les autres. En 2018, 91 % des dossiers sont clos (61 % par résorption), puis le pourcentage continue de descendre les années suivantes : 86 % en 2019 ont (75 % par résorption), 50 % en 2018 (par résorption), et enfin 18 % en 2021 (12 % par résorption). 

L’Agence rappelle à toutes fins utiles qu’il « n’existe pas d’action-type permettant la résorption d’un point atypique. Les différentes actions entreprises par les exploitants montrent que chaque cas est unique et nécessite une étude approfondie pour apporter une solution ». Plusieurs pistes sont envisageables : réduction de la puissance d’émission, ré-azimutage du faisceau et/ou déplacement de l’antenne, extinction d’une technologie, d’une bande de fréquences ou d’un secteur, etc. Cela prend du temps. 

ANFR exposition ondes 2021ANFR exposition ondes 2021

Record 2021 : 27,04 V/m sur une terrasse à Toulouse

Sur les 51 points, 36 d’entre eux sont compris entre 6 et 9 V/m et deux sortent du lot car ils se trouvent entre 26 et 28 V/m ; ils sont donc proches de la limite basse. Le « record » revient à une terrasse d’habitation sur le toit d’un immeuble à Toulouse, avec 27,04 V/m. L’ANFR explique que l’analyse détaillée en fréquence « a révélé que l’exposition cumulée sur les différentes bandes de fréquence est restée en dessous des valeurs limites de l’exposition pour les bandes de fréquences considérées ».

Néanmoins, « en prenant en compte les facteurs d’extrapolation à puissance maximale des émetteurs, c'est-à-dire dans l'hypothèse, non constatée, où l'ensemble des technologies et fréquences de la station émettraient concomitamment au maximum de leurs capacités théoriques, ce niveau serait devenu supérieur aux limites ». Dans le détail, « l’opérateur SFR était le contributeur principal à hauteur de 94 % suivi par Bouygues Telecom », mais loin derrière. Les exploitants des fréquences ont immédiatement coupé le secteur et le niveau mesuré est retombé à 1,45 V/m, en dessous du seuil de point atypique.  

SFR est le « contributeur principal dans plus de 35 % des cas »

La téléphonie mobile est, là encore, en tête des contributeurs… et pas qu’un peu puisqu’elle est en pôle position dans 48 des 51 cas, les trois derniers étant des émetteurs de radiodiffusion. « Sur les quatre dernières années, la téléphonie mobile reste de loin le contributeur majoritaire sur les mesures atypiques ». Avec la densification des réseaux 4G et 5G des quatre opérateurs, cette situation devrait encore durer longtemps. 

Dans l’ensemble, Altice s’illustre… mais pas de la bonne manière : « l’opérateur de téléphonie mobile SFR est le contributeur principal dans plus de 35 % des cas, suivi par les opérateurs Bouygues Telecom et Free Mobile dans 23,5 % des cas et enfin Orange France dans près de 10 % des cas ».

ANFR exposition ondes 2021

L’ANFR pense à revoir sa définition de point atypique (les 6 V/m)

Pour terminer, l’ANFR soulève la question du palier de 6 V/m fixé pour identifier un point atypique, notamment face à l’augmentation des niveaux les plus élevés en 2021 et au délai de traitement des dossiers qui trainent parfois sur des années (il reste encore des dossiers de 2018 en instruction). Il peut en effet arriver qu’un dossier nécessite plusieurs instructions, car les mesures correctives proposées ne sont pas suffisantes pour descendre sous les 6 V/m… la procédure recommence alors. 

« Cette augmentation du nombre de sites dépassant 6 V/m, d’une part, et la persistance des points atypiques, d’autre part, posent la question de la révision éventuelle du niveau retenu pour délimiter les points atypiques ». L’Agence nationale des fréquences n’en dit pas plus pour le moment. 

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

La médiane reste stable, mais la moyenne augmente

La téléphonie mobile, principal contributeur

51 points atypiques, dont 20 « hérités » des années précédentes

La difficulté de résorber un point atypique

Record 2021 : 27,04 V/m sur une terrasse à Toulouse

SFR est le « contributeur principal dans plus de 35 % des cas »

L’ANFR pense à revoir sa définition de point atypique (les 6 V/m)

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Commentaires (4)


“« Cette augmentation du nombre de sites dépassant 6 V/m, d’une part, et la persistance des points atypiques, d’autre part, posent la question de la révision éventuelle du niveau retenu pour délimiter les points atypiques ». L’Agence nationale des fréquences n’en dit pas plus pour le moment. “



C’est quand même dingue de faire disparaitre un problème en augmentant le seuil de déclenchement de l’enquête, ça m’énerve au possible. Engager plus de personnes pour faire le taf, c’est possible, mais ça, faudrait quand même pas trop le dire , hein…



edit : merci pour l’article ;-)


Euh, j’ai une incompréhension de mon côté : le trio de tête c’est la téléphonie mobile, le wifi, et la radio FM. Ok.

Mais la télé dans tout ça ? Elle est pas évoqué de tout l’article, pas de mention de la TNT. Du coup, qu’en est-il ?


c’est pas le “HF” sur la figure 11 ?


vince120

c’est pas le “HF” sur la figure 11 ?


Peut-être, mais c’est pas clair :




La radio FM arrive en troisième position avec 6 %, puis les services HF (ondes courtes, moyennes et longues) à 2,7 %.




De manière intuitive, j’aurais imaginé que la TNT émettait plus d’ondes que la FM (plus de data, plus de débit, donc plus d’ondes). De plus, la HF représente toutes les fréquences entre 3 et 30 MHz.

Et la TNT semble émettre entre 490 et 770 MHz.



Bref, y’a un loup.