Cette fin d’année est chargée du côté des régulateurs. Discord, EDF, Free… la CNIL a multiplié les sanctions pour violation du RGPD ces dernières semaines. La DGCCRF n’est pas en reste avec la mise en ligne de plusieurs enquêtes et une demande de règlement de 3,33 millions d’euros auprès d’Amazon.
La répression des fraudes rappelle qu’en septembre 2019, la boutique en ligne avait été condamnée par le Tribunal de commerce de Paris à 4 millions d’euros d’amende pour des « clauses déséquilibrées dans le contrat qu’Amazon imposait aux entreprises utilisant sa place de marché en ligne ». C’était la conclusion d’une affaire débutée en 2017, dont l’épilogue n’arrive que maintenant.
En 2020, la DGCCRF utilisait son « nouveau pouvoir »
En 2020, la répression des fraudes lançait une nouvelle enquête sur les conditions imposées par Amazon aux vendeurs tiers. Cette fois encore, la conclusion n’était pas bonne : la DGCCRF mettait en lumière « de nouvelles irrégularités au regard de l’équilibre du contrat et du respect du règlement "Platform to Business" » (PtoB).
La Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes a alors « décidé de faire usage, pour la première fois, du nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte prévu par le Code de commerce ». Ce pouvoir lui permet de « fixer des montants d’astreinte dissuasifs, pouvant aller jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires mondial ».
90 000 x 37 = 3,33 millions, le compte est bon !
La DGCCRF demandait à la boutique en ligne de corriger rapidement ses conditions contractuelles « avant le 22 mars 2022, sous astreinte de 90 000 euros par jour de retard ». À cette date butoir, « plusieurs points sources de déséquilibre commercial ou des clauses non conformes au règlement PtoB subsistaient ».
Le compteur se met en route le 22 mars, avec 90 000 euros venant s’ajouter à la cagnotte chaque jour. Il faudra attendre le 28 avril, soit plus d’un mois de retard, pour que de nouvelles conditions contractuelles entrent en vigueur, explique la Direction.
« En raison du retard pris dans l’exécution des demandes qui lui ont été adressées, Amazon doit désormais s’acquitter du paiement d’une astreinte de 3,33 millions d’euros à l’issue des vérifications et d’une période de contradictoire imposée par la procédure ». Il y a en effet 37 jours entre le 22 mars et le 28 avril, multiplié par 90 000 euros, on arrive bien aux 3 330 000 euros réclamés par la répression des fraudes.
Démarchage téléphonique : des manquements à la pelle
Hier également, la DGCCRF publiait le bilan de son enquête sur le démarchage téléphonique réalisé en 2020 : la conclusion est sans appel ni surprise : « des manquements dans la moitié des établissements contrôlés », souvent suite à des signalements de consommateurs.
Trois points sont mis en avant :
- L’absence d’information du consommateur de la possibilité de s’inscrire sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.
- La prospection commerciale auprès de consommateurs inscrits sur la liste d’opposition au démarchage téléphonique.
- Le démarchage téléphonique pour la vente d’équipements ou la réalisation de travaux pour les logements en vue de la réalisation d’économies d’énergie.
La répression des fraudes explique comment certaines entreprises tentent de contourner la loi : « Par exemple, elles appellent les consommateurs pour d’autres motifs (traitement de la charpente, ravalement...) afin d’obtenir un rendez-vous pour finalement proposer des travaux de rénovation énergétique. Elles proposent également des études d’éligibilité ou des diagnostics gratuits… ».
185 avertissements, 175 injonctions et 52 procès-verbaux
Au total, 791 établissements ont été contrôlés avec un palmarès assez inquiétant. Il y a ainsi eu 185 avertissements et 175 mesures de police administrative. Dans la plupart des cas, les professionnels se sont mis en conformité avec la modification de leurs CGV ou la souscription d’un abonnement à Bloctel afin de vérifier la présence ou non des numéros avant d’appeler.
49 procès-verbaux administratifs et 3 procès-verbaux pénaux ont été dressés « quand les professionnels utilisaient des listes non expurgées des numéros de consommateurs s’étant inscrits sur Bloctel, ou ne respectaient pas l’interdiction de démarcher par téléphone dans le secteur de la rénovation énergétique ». Dans ce dernier cas, une entreprise dans le Gard a été sanctionnée à hauteur de 342 230 euros.
Dans le Val-d’Oise la Direction départementale de la Protection des populations (DDPP) a « innové » contre une société qui avait appelé 415 consommateurs inscrits sur Bloctel : « l’amende prononcée a été publiée chaque semaine pendant 1 mois dans le journal Le Parisien, aux frais du professionnel ».
Du changement à partir du 1er mars pour le démarchage
La DGCCRF rappelle que, à partir du 1er mars 2023, « le démarchage téléphonique des consommateurs sera autorisé du lundi au vendredi, de 10 heures à 13 heures et de 14 heures à 20 heures ». Il sera donc interdit les samedis, dimanches et jours fériés.
La réglementation concernant le démarchage téléphonique a été renforcée pour lutter contre ces sollicitations souvent intrusives et parfois frauduleuses. La DGCCRF prend les devants : elle « a déjà prévu des enquêtes à venir pour exercer une surveillance accrue et continue dans ce secteur ».
Professionnels de l’immobilier : le taux d’anomalie atteint 62,5 %
Vous en voulez encore ? Hier, c’était au tour des professionnels de l’immobilier d’être dans le collimateur de la répression des fraudes. Les contrôles portaient d’abord sur les sites internet des professionnels, puis dans les établissements. Les griefs sont nombreux, mais pas surprenants (comme pour Bloctel) : « Information incomplète des clients, allégations trompeuses, flou sur les honoraires… ». Le taux d’anomalie des établissements est de 62,5 %.
Le compte rendu de la répression des fraudes propose une liste à la Prévert des défauts constatés, trop longue pour la détailler ici. Sur l’état des lieux par exemple, « l’enquête a permis de constater que les agences ont tendance à réaliser elles-mêmes l’état des lieux d’entrée, succinctement (document d’environ 4 pages) alors qu’elles font appel à des prestataires externes pour la réalisation de l’état des lieux de sortie, aboutissant à la production d’un document exhaustif (d’environ 20 pages) ».
Honoraires, honoraires, honoraires…
On retrouve aussi des cas plus ou moins tirés par les cheveux de clauses illégales pour imposer aux vendeurs des honoraires. Or, « les clauses ayant pour seul objet de procurer au professionnel une somme équivalente à une rémunération, en l’absence de réalisation effective de la vente, sont illicites et peuvent être qualifiées de trompeuses », rappelle la DGCCRF.
On retrouve aussi un florilège des « nombreux manquements sur les barèmes d’honoraires et des informations erronées dans les annonces ». Pêle-mêle, citons des prix HT alors que la loi prévoit le TTC, « des honoraires calculés sur le prix de vente honoraires inclus », l’absence de DPE – ou indiqué comme « en cours » –, des affiches proposant des produits à la vente alors qu’ils sont vendus depuis des mois, etc. On vous laisse lire le reste sur cette page.
Le taux d’anomalie de 62,5 % est élevé, mais il est malgré tout en baisse par rapport à 2019, alors de 64 %. Sur 1 006 établissements contrôlés, la DGCCRF a distribué 760 avertissements et 861 injonctions. « 70 PV administratifs et 51 PV pénaux devraient également être dressés ».
Montres fantaisie et produits toxiques
Cette année, la répression des fraudes a publié sa première enquête sur les montres fantaisie, plus particulièrement la sécurité chimique vis-à-vis des restrictions définies par le règlement REACH entré en vigueur en 2007. Elles « portent sur la présence de plomb, de nickel, de cadmium, de chrome VI (cuir) et de colorants azoïques (tissus et cuir) dans les boîtiers et les bracelets de montres qui sont en contact avec la peau ».
Là encore, la conclusion n’est pas bonne : « Les analyses menées par le service commun des laboratoires (SCL) sur 59 produits ont conclu à la non-conformité et à la dangerosité de près de 29 produits, principalement en raison du dépassement des seuils autorisés par le règlement REACH en nickel, plomb et cadmium, dans les bracelets ou la tige du pont du bracelet ». Pour ces produits, des mesures de retrait, de rappel ou de destruction des produits ont été mises en place.
La DGCCRF rappelle les risques : « Le plomb est une substance toxique pour la reproduction et suspectée d’être cancérigène. Le cadmium est quant à lui cancérigène et suspecté d’être mutagène et toxique pour la reproduction, tandis que le nickel possède des propriétés de sensibilisant cutané et est également suspecté d’être cancérigène ».
Pour conclure, la DGCCRF indique que son « enquête a permis de constater que la plupart des metteurs sur le marché de montres fantaisie ne procède à aucun autocontrôle. Les enquêteurs ont donc rappelé aux opérateurs leurs obligations en matière de sécurité ».