Les astronomes sont capables de détecter et caractériser des systèmes planétaires, des étoiles et des exoplanètes partout dans l’Univers. Mais ils ont toujours du mal à détecter des astéroïdes frappant la Terre. Seuls six événements du genre ont été identifiés avant qu’ils se réalisent, avec quelques heures d’avance seulement.
Attention chute d’astéroïdes ! Ce genre de panneau prête à sourire, pourtant ces événements se produisent souvent un peu partout sur Terre. L’ESA estime en effet qu'entre 40 et 100 tonnes de matériaux spatiaux viennent « frapper » la Terre chaque jour, la plupart sous la forme de très petites particules qui ne passent pas la barrière de notre atmosphère (une protection des plus utiles). La NASA est dans le même ordre de grandeur.
Des milliers de tonnes tombent sur Terre chaque année
Au final, « chaque année, la masse équivalente d’astéroïdes qui tombe sur Terre se chiffre en tonnes, mais le plus souvent, ce sont des objets de petite taille qui se pulvérisent en entrant dans l’atmosphère sans dommages », expliquait Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système solaire au CNES.
Plus récemment, le CNRS ajoutait que 5 200 tonnes par an de micrométéorites atteignaient le sol terrestre. Il s’agit de « poussières interplanétaires provenant de comètes ou d’astéroïdes [qui] sont des particules de quelques dixièmes à centièmes de millimètres qui ont traversé l’atmosphère et atteint la surface de la Terre ». Bref, la chute de petits morceaux ou de poussière d’astéroïde n’est pas un événement rare.
Heureusement par contre que les gros astéroïdes sont rares… comme peut en témoigner la Sibérie de 1908. À cette époque, un astéroïde qui devait mesurer environ 50 m explose à 10 km au-dessus de la forêt : « L'explosion dégage plus de 10 mégatonnes d'énergie (cent fois Hiroshima), et souffle les arbres comme des fétus de paille dans un rayon de 20 km. La déflagration aurait été audible dans un rayon de 1 500 km », indique le Centre national d'études spatiales.
Un ciel sous surveillance, des astéroïdes détectés régulièrement
Le ciel est scruté tous les jours par des dizaines (au moins) de télescopes, qui font régulièrement des découvertes. Le Minor Planet Center (MPC ou Centre des planètes mineures, un organisme dépendant de l'Union astronomique internationale) tient un compte de plusieurs indicateurs.
En ce mois de novembre , 171 astéroïdes géocroiseurs – c’est-à-dire dont l’orbite passe à proximité de celle de la Terre – ont déjà été découverts, contre près de 3 000 cette année pour une population totale de plus de 30 000 astéroïdes, mais tous ne risquent pas d’entrer en collision avec la terre, heureusement ! Le Centre revendique 2,7 millions d’observations uniquement ce mois-ci, pour un total de 370 millions environ. Malgré cela, on découvre encore quelques heures avant certains astéroïdes qui entrent en collision avec notre planète.
Seules six collisions détectées avant qu’elles ne se produisent
Selon l’Agence spatiale européenne, des objets d’une taille de 1 à 2 mètres frapperaient la Terre « environ dix fois par an ». Si on descend à 1 mètre, ils frapperaient la Terre « toutes les deux semaines ». Les collisions sont donc nombreuses, mais l’humanité n’a été capable de détecter que six collisions avant qu’elles ne se produisent, et encore avec quelques (dizaines) heures d’avance maximum.
Déjà, premier point rassurant : les plus gros astéroïdes potentiellement destructeurs de civilisation ou de monde sont « faciles » à détecter. Leur orbite est donc bien connue et aucun danger n’est à l’horizon pour le prochain siècle au moins.
Les plus petits sont plus difficiles à détecter, mais ils ne sont « pas une grande priorité pour la défense planétaire, car ils ne posent aucun danger réel », explique l’ESA. Néanmoins, leur détection s’accélère, notamment grâce à l’amélioration des équipements techniques.
La première détection date de 2008, la seconde en 2014
La première détection avant impact ne date que de 2008 avec l’astéroïde 2008 TC3 qui mesurait entre 2 et 5 mètres de diamètre. Il faudra attendre six ans pour une nouvelle détection, puis seulement quatre ans pour la prochaine.
Voici la liste des six détections avant impact :
- Astéroïde 2008 TC3 en octobre 2008 (2 à 5 mètres)
- Astéroïde 2014AA en janvier 2014 (2 à 4 mètres)
- Astéroïde 2018 LA en juin 2018 (2 à 4 mètres)
- Astéroïde 2019 MO en juin 2019 (3 à 4 mètres)
- Astéroïde 2022 EB5 en mars 2022 (1 à 2 mètres)
- Astéroïde 2022 WJ1 en novembre 2022 (1 mètre)
Revenons un peu plus en détail sur les deux découvertes de cette année.
2022 EB5 : le risque de collision est passé de 1 à 100 % en 1h
Le 11 mars à 19h24 UTC, « l’astronome Krisztián Sárneczky a découvert un nouvel objet brillant et rapide dans le ciel à l’aide du télescope Schmidt de 60 cm de l’observatoire de Piszkéstető, en Hongrie ». 14 minutes plus tard, il envoie quatre observations au Minor Planet Center. Les systèmes d’évaluation automatiques estimaient alors qu’un impact « semblait peu probable, à moins de 1 % ». Perdu.
L’astronome continue ses observations et envoie une nouvelle salve. Les analyses « ont abouti à un scénario entièrement différent. Presque exactement une heure après sa détection à 20h25 UTC, le système de surveillance "Meerkat" de l’ESA a déclenché une alerte avec une probabilité d’impact de… 100 % dans moins d’une heure, entre 21h21 et 21h25 UTC ». L’emplacement de l’impact était défini avec une précision de l’ordre du « millier de kilomètres, attendu à quelques centaines de kilomètres au nord de l’Islande ».
2022WJ1 : découvert moins de quatre heures avant l’impact
Du côté de 2022WJ1, la découverte a eu lieu à 04h53 UTC le 19 novembre 2022 par le télescope du Mont Lemmon… soit « un peu moins de quatre heures avant l’impact ». Les observations ont été remontées au MPC à 05h31 UTC, soit 38 minutes après la découverte.
Le logiciel de surveillance interne de l’ESA indiquait alors que l’objet avait environ 20 % de chances de tomber sur Terre, « peut-être quelque part en Amérique du Nord dans les deux à trois prochaines heures ». D’autres programmes de surveillance à travers le monde sont arrivés à la même conclusion quelques minutes plus tard.
La surveillance a donc continué un peu partout. « Moins de 30 minutes après le déclenchement initial, l’impact a été confirmé avec une excellente précision : le petit astéroïde, probablement de moins d’un mètre de diamètre, allait entrer sur Terre quelque part entre le lac Érié et le lac Ontario, près de la frontière canado-américaine, vers 08h27 UTC ». Si la détection se fait au dernier moment, saluons la réactivité des systèmes de transmission de l’information et des alertes.
« Exactement à l’heure prévue, un astéroïde d’environ 1 m est entré dans l’atmosphère, devenant une boule de feu brillante au-dessus de l’emplacement prévu ». Même si la détection était très tardive, cela reste une satisfaction pour l’Agence spatiale européenne : « Les observations préalables de cet astéroïde illustrent notre capacité croissante à avertir des impacts d’astéroïdes, aussi petits soient-ils ».
La taille ça compte !
Insistons sur un point : ces petits astéroïdes ne représentent pas un danger, contrairement à de plus gros. Ces derniers sont néanmoins bien catalogués et suivis de près par les agences spatiales et aucun risque n’est à l’horizon. Le CNEOS (Center for Near Earth Object Studies) propose d’ailleurs une liste des objets à suivre.

On n’est par contre pas à l’abri de découvrir un jour un nouvel objet venant des confins de notre Galaxie, voire de l’Univers, arriver aux portes de notre planète. On se souvient par exemple d’Oumuamua qui est passé à 24 millions de km de la Terre – c'est à la fois énorme et ridicule au niveau de notre système solaire – mais qui n'a été détecté que quelques jours plus tard. Avec une longueur de 400 mètres, il avait le potentiel de causer de gros dégâts en cas de collision avec notre planète.
Terminons par un mot de la mission DART qui a récemment dévié un astéroïde. Celui-ci ne représentait absolument aucune menace pour la Terre ; il ne s’agissait que d’un exercice grandeur nature afin de récolter des données. Si un astéroïde destructeur de monde était détecté suffisamment tôt, une telle mission pourrait être envoyée pour dévier sa trajectoire.
C’est la même idée que le film Armageddon, mais avec une petite sonde venant impacter l’object plutôt que d’installer une station de forage au sol. Pas besoin de Bruce Willis pour sauver le monde cette fois.