Pour de l'électronique moins polluante, des chercheurs essayent de créer des matériaux biodégradables pour les composants. Des Autrichiens ont publié dans Science Advance un article expliquant comment ils créent du substrat pour carte de circuits imprimés en « peau » de champignon. Reste à voir si le processus est industrialisable.
Le matériel numérique est responsable de beaucoup de déchets à travers le monde. L'ADEME estime qu'il y a « 20 millions de tonnes de déchets produits par an sur l’ensemble du cycle de vie ». Des efforts sont faits pour créer des filières de recyclage et de « seconde vie ».
Mais l'équipe de recherche autrichienne de Doris Danninger (chercheuse à l'Université de Johannes Kepler) pense, notamment à cause de la difficulté du recyclage des matériaux très imbriqués dans nos appareils, que ça ne suffira pas et essaye de pousser vers l'utilisation de matériaux biodégradables.
Elle propose, dans un article scientifique publié dans la revue Science Advance, de s'attaquer par exemple au substrat des cartes de circuits imprimés (PCB), actuellement fait à partir de plastiques, et d'utiliser la « peau » d'un champignon bien particulier – le ganoderme luisant – pour les remplacer.
Un matériau biodégradable et résistant
Cette « peau » permet, selon eux, des traitements électroniques courants comme le dépôt physique par phase vapeur et le façonnage au laser pour obtenir des traces électroniques. La conductivité peut atteindre 9.75 ± 1.44 × 104 S cm−1 et est stable à plus de 250°C, sachant que les substrats habituels résistent à une température de 135 à 150°C.
Le ganoderme luisant pousse sur du bois en décomposition et, particularité chez les champignons, forme une sorte de « peau » protégeant son mycélium, qui produit ses spores. Cette « peau » est très facilement biodégradable. Après utilisation dans un circuit imprimé et retrait (facile avec pistolet thermique ou un fer à souder, selon les chercheurs) des autres composants, elle se désintègre facilement dans du compost et perd 93,4 % de sa masse sèche en 11 jours.
Dégradation de la « peau » du champignon dans du compost Crédits : Doris Danninger & al.
De la pousse jusqu'à soutenir la puce
Pour créer leur PCB, les chercheurs autrichiens font donc pousser des échantillons de champignons dans une salle humide dont la température est à 25°C. Il leur faut deux semaines pour commencer à obtenir la création de la « peau » et deux autres semaines pour que celle-ci soit mature. Il ne reste plus qu'à la laisser sécher et la chauffer pour supprimer le mycélium resté collé à elle. On obtient une feuille plus ou moins beige selon la maturité.
Crédits : Doris Danninger & al.
Il ne reste plus qu'à insérer de manières traditionnelles (par vaporisation, zingage et laser) les composants conducteurs du PCB.
Doris Danninger et ses collègues ont réussi à créer, avec cette « peau » de champignon, une batterie d'environ 3,8 mAh/cm² de puissance ainsi qu'un module Bluetooth de téléphone portable.
Potentiel matériau, industrialisable ?
La « peau » du ganoderme luisant traitée de la sorte est, logiquement, sensible à l'humidité. On peut se poser la question de la dégradation involontaire des composants l'utilisant dans notre matériel. Si leur environnement n'est certes pas aussi humide qu'un compost, on peut imaginer que celui dans lequel on utilise notre matériel dégrade doucement ce PCB.
La question de l'industrialisation de la méthode de création des peaux, plutôt éloignée de ce que les industriels ont l'habitude de faire, peut aussi se poser. Néanmoins, les auteurs de l'étude semblent confiants dans la possibilité d'utiliser leurs « peaux » de champignons qui, selon eux, « pourraient apparaître comme une classe de matériaux alternatifs durables pour un avenir électronique vert ».