Un réseau d'entrepôts de données de santé hospitaliers français très hétérogène

Un réseau d’entrepôts de données de santé hospitaliers français très hétérogène

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Martin Clavey

Publié dans

Société numérique

18/11/2022 6 minutes
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Un réseau d'entrepôts de données de santé hospitaliers français très hétérogène

La Haute autorité de santé vient de publier un rapport sur les entrepôts de données de santé hospitaliers (EDSH) en France. Se situant très majoritairement dans les centres hospitalo-universitaires, ils forment un réseau en expansion mais son hétérogénéité bloque, pour l'instant, toute utilisation à l'échelle nationale.

Dans un rapport publié [.pdf] le 17 novembre, la Haute autorité de santé analyse les 22 entrepôts de données de santé hospitaliers (EDSH) qui se sont construits petit à petit depuis les années 2000 dans 17 Centres hospitalo-universitaires (CHU) et 5 autres établissements hospitaliers de France (dont 4 encore en phase de prototypage).

Si les rapporteurs confirment « la richesse des données présentes dans les EDSH hospitaliers français », ils constatent aussi que l'hétérogénéité du réseau (les structures des données, des méthodes de mise en qualité) et le manque de documentation « ne permettent pas, à ce jour, une utilisation pour des études, recherches ou évaluations à l’échelle nationale ».

En cause, selon eux, « le développement sur projet, le manque de financements pérennes, d’instances d’échange et de collaboration technique au niveau national [qui] ne favorisent pas la mise en place de solutions homogènes et interopérables sur le territoire ».

Ils restent néanmoins confiants sur un futur plus homogène, expliquant que « cette situation est amenée à fortement évoluer grâce à la consolidation de l’écosystème des EDSH, au travers de dynamiques de collaboration inter-CHU et l’appel à projets du ministère de la Santé et de la Prévention, opéré par la Plateforme des Données de Santé ».

D'une gestion d'hôpitaux disparate...

Dans son rapport, la HAS explique que les entrepôts de données de santé en France se sont montés principalement dans le but, au départ, de « faciliter la construction de l’information hospitalière pour le financement ou le pilotage des établissements et pour des usages proches du soin », et non pas dans celui de construire des bases de données utilisables pour améliorer les connaissances sur les patients ou sur les prescriptions médicales.

Et l'initiative de créer un entrepôt dans un hôpital vient souvent d'une ou deux personnes. Leur construction « vient très souvent de l’intérieur de l’organisation avec un cavalier seul qui convainc progressivement les autres parties prenantes de l’intérêt de la réutilisation des données » explique le rapport.

Mais les institutions ont ensuite su organiser un environnement de coopération entre les différents acteurs et créer des équipes qui les gèrent de manière pérenne. Cette mise en place a cela dit eu pour conséquence une hétérogénéité très forte de la taille des équipes, « d’une moitié d’équivalent temps plein jusqu’à 70 personnes pour l’AP-HP, avec une médiane à 7,5 équivalents temps plein ».

Cette disparité se retrouve aussi dans le choix ou non de travailler avec des acteurs privés. La HAS constate que les premiers EDSH ont été créés à partir de solutions internes, mais que des acteurs privés participent maintenant à la mise en place ainsi qu'à l'opérationnalisation de certains entrepôts.

Cette externalisation ne fait pourtant pas consensus. « Certains acteurs mettent en doute la gestion de l’EDSH par délégation des compétences techniques à des acteurs privés. Si l’expertise des outils est trop peu présente au sein de l’EDSH, l’outil ne saurait pas accompagner l’évolution des besoins en données des hôpitaux », explique le rapport.

L'appel à des prestataires privés a aussi une conséquence sur la création d'un réseau cohérent d'EDSH. Celle-ci ne peut pas se faire sans une connaissance précise des schémas de données. Et le rapport souligne qu'« aucun modèle de données standard ne se dégage comme utilisé par tous les EDSH ».

Pire, les rapporteurs expliquent que « la question de la propriété privée de ces schémas de données, notamment dans le cas de gestionnaires de DPI [dossiers patients informatisés] commerciaux, est une difficulté majeure – mentionnée par cinq organisations – pour la mise en place et le développement des EDSH » et oblige à un travail de rétro-ingénierie. Ils indiquent même qu' « un flou juridique autour de cette propriété privée des schémas complique leur partage entre centres hospitaliers ».

Une même hétérogénéité existe dans le référencement public des études en cours dans les EDSH. Selon le rapport, 10 EDSH sur les 18 en production ont des portails d'études complets alors que d'autres « répertorient à peine une dizaine d’études sur leur site public tout en mentionnant plusieurs centaines de projets en cours lors des entretiens ».

... à un réseau cohérent des données de santé françaises

Malgré ces constats, le rapport reste confiant sur la possibilité de créer un réseau cohérent des entrepôts de données de santé hospitaliers. La HAS conseille aux centres hospitaliers de constituer des équipes autonomes pour la gestion de ces EDSH et d'internaliser de façon pérenne les compétences (en concédant que l'exercice est difficile).

Le rapport pousse aussi pour qu'une gouvernance à trois niveaux se mette en place : local au sein du CHU, interrégional et national. Les rapporteurs encouragent l'utilisation de modèles standards ouverts, un socle commun de données et de favoriser l'émergence de plateformes open source.

Deux pistes prometteuses

Enfin, le rapport propose deux pistes de collaboration qu'il estime prometteuses. La première est ce que les rapporteurs appellent « la contextualisation de l'utilisation des produits de santé », pour permettre de mieux connaître dans quel cadre sont réalisés et administrés les actes et médicaments les plus courants. Le rapport explique que « cette connaissance est précieuse afin d’évaluer ces actes en vue de leur remboursement dans le cadre du droit commun ».

La deuxième piste qui intéresse la HAS est le « développement de proxys de qualité et de sécurité des soins ». Actuellement, la Haute autorité a déjà des indicateurs de qualité et de sécurité des soins, mais ceux-ci se basent pour l'instant sur un retour manuel aux dossiers de patients tirés au sort, ce qui représente un travail énorme.

L'idée est d'obtenir le plus possible d'informations de façon automatisée pour rendre ces indicateurs plus simples à réaliser. Les rapporteurs précisent quand même que, les EDSH ne couvrant pas tous les hôpitaux, « le passage à l’échelle nationale n’est pas envisagé tel quel » et c'est pour cette raison qu'ils parlent plutôt de « proxys ».

Écrit par Martin Clavey

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D'une gestion d'hôpitaux disparate...

... à un réseau cohérent des données de santé françaises

Deux pistes prometteuses

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Commentaires (9)



gestionnaires de DPI commerciaux




C’est quoi un DPI??


Bonne question : dossiers patients informatisés. Je viens de mettre l’article à jour avec l’acronyme développé.



Merci d’avoir demandé :)


L’utilisation de données reste aussi un challenge de poids pour les entreprises. Il ya aussi moyens de gagner de l’argent ou d’améliorer les services.
Il commence a avoir des entite spécialisés sur ce domaine avec chiffrement et anonymisation inclus par design.
Bref faire soit même des choses est bien mais au bout d’un moment on arrive a une limite.
Je trouve dommage qu avec des hôpitaux publics et des services de sécurité informatique de haut niveau en France (cnil, anssi) on ne soit pas capable de proposer aux hôpitaux des aides et des ressources pour utiliser et securiser ces données.
C vrai que ca sera difficile d’expliquer au francais /politique moyen pourquoi mettre plein de sous la dedans est important


Chaque Hopital se débrouille pour son informatique. Il y a des tentatives avec les GHT régionaux, mais c’est surtout des guerres de personnes.



Imaginez que chaque base militaire paye pour ses armes, c’est exactement ce que font les hôpitaux actuellement.


Ce qui est parfaitement débile, dispendieux, peu sécuritaire en terme de gestion des données,etc…



Toujours ces querelles d’ego et de clocher qui pourrissent tout…


Y’a pas d’audit ou d’obligation légale pour les hopitaux ? Faut déjà commencer par ça. Si les banques sont autant sécurisés, c’est en partie car l’ACPR est jamais loin pour taper.


Cocasse, quand on voit la réputation des banques dans le milieu de la sécurité informatique. Ou la tronche de leurs sites web (support TLS daubé, clavier virtuel, code PIN plutôt que mot de passe, fuite du cookie de session vers des tiers via alias CNAME, 2FA demandée qu’une fois tous les 6 mois, note déplorable sur https://observatory.mozilla.org…)


BlueSquirrel

Cocasse, quand on voit la réputation des banques dans le milieu de la sécurité informatique. Ou la tronche de leurs sites web (support TLS daubé, clavier virtuel, code PIN plutôt que mot de passe, fuite du cookie de session vers des tiers via alias CNAME, 2FA demandée qu’une fois tous les 6 mois, note déplorable sur https://observatory.mozilla.org…)


Yep. Imagine sans maintenant. ;-)


Si il y a des obligations. Mais pas forcément de financement. Tu va avoir des hôpitaux avec RSSI compétent et d’autres qui n’ont pas un seul ingénieur informaticien pour gérer leur informatique.



Les hôpitaux utilisent beaucoup de progiciel lourd à paramétrer (pour suivre des nouveaux équipements ou les règles de la sécu). chaque hopital doit faire sa mise à jour et son reparamètrage. Et au lieu de négocier cent licences d’un cout au niveau national, ils l’achètent une à une…