Le troisième module de la station spatiale chinoise (CSS) s'est bien amarré au module principal lundi dernier. Cet événement permet à la Chine d'affirmer un peu plus le sérieux de son programme spatial. Mais il reste encore du chemin à parcourir : la fusée Longue Marche 5B qui a lancé ce module a encore fait un retour non contrôlé sur Terre, non loin des côtes mexicaines.
Lancé par la fusée Longue Marche 5B le 31 octobre depuis la base de Wenchang, ce module est le deuxième laboratoire de la station. Sa masse au décollage est de 22 tonnes pour une longueur de 17,9 mètres, des mensurations équivalentes aux deux autres modules. Il est composé d’une section pressurisée pour des expériences sur la chute libre et l’apesanteur et une non-pressurisée pour des expériences externes sur les rayons cosmiques, le vide ou les vents solaires.
Tiangong en ordre de fonctionnement
Lundi, Mengtian s’est amarré au module principal Tianhe de la station et une transposition a ensuite été effectuée jeudi. Celle-ci marque la formation de la configuration de base de la station spatiale en forme de T. Le volume habitable de Tiangong est donc porté à 110m³. Les astronautes sur place sont entrés dans le module le jour même.

Commencée en mai 2021, la mise en orbite de la station chinoise est maintenant terminée et les équipes du programme spatial du pays vont pouvoir s’afférer à diverses expériences pendant 10 à 15 ans. Elle devrait donc être encore en service quand la Station spatiale internationale fera ses adieux.
Mengtian vient aussi avec une boite à outils et notamment un bras robotique permettant les transferts de cargaison mais aussi la possibilité de lancer des microsatellites.
Arrivés en juin, trois astronautes chinois (ou taïkonautes) sont actuellement dans la station, qui peut en accueillir en théorie six, pour une mission qui devrait finalement durer 6 mois. En décembre, l'équipage de la mission Shenzhou XV devrait prendre le relais. Avant cela, la mission cargo Tianzhou-5 devrait arriver sur la Station chinoise.
La Chine ouverte à la « coopération internationale »
Selon un responsable chinois, avec sa Station la Chine joue – au moins en façade – la carte de la « coopération internationale », laissant entendre que d’autres pays pourraient envoyer des astronautes afin de profiter des installations. Pour le moment seuls des chinois sont sur place.
En 2019, l’agence de presse gouvernementale chinoise Xinhua affirmait que « neuf expériences scientifiques en provenance du monde entier ont été acceptées pour être menées à bord de la future station spatiale chinoise, dont six entièrement validées et trois sous conditions […] Les expériences sélectionnées viennent de pays développés, comme la France, l'Allemagne et le Japon, ainsi que de pays en voie de développement, tels que le Kenya et le Pérou ».
La NASA ne peut être un partenaire à cause de l’amendement Wolf de 2011 qui empêche l’agence spatiale américaine de colaborer avec les chinois. En 2019, Charles F. Bolden (ancien directeur de la NASA et ex-astronaute) avait appelé à lever cette interdiction, sans succès.
Retour toujours aussi incontrôlé…
Mais la rentrée atmosphérique de fusée Longue Marche 5B qui a lancé le module reste toujours très peu contrôlée par les équipes chinoises.
Si les risques qu’elle ne touche une terre habitée étaient faibles, vu que notre planète est essentiellement couverte par les océans, ce retour hasardeux de la fusée chinoise montre que le programme spatial du pays a encore du progrès à faire dans ce domaine. Cela montre également que les autorités chinoises ne prennent que peu au sérieux les retombées terrestres possibles de leurs lancers spatiaux.
Ce retour non contrôlé a des conséquences tangibles dans plusieurs pays, dont la France : « En raison de la rentrée dans l'atmosphère terrestre de débris spatiaux issus d’une fusée chinoise, la France a décidé de fermer son espace aérien situé au sud de la corse de 9h30 à 10h30 », indiquait ce matin le compte officiel de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). L’espace aérien avait réouvert à 10h30, mais « de possibles retards sont à prévoir ».
… avec deux débris pour le prix d’un
L’U.S. Space Command a confirmé ce matin « que la fusée Longue Marche 5B #CZ5B de la République populaire de Chine est rentrée dans l'atmosphère au-dessus du centre-sud de l'océan Pacifique à 11h01 » heure française. Un second message confirme « une deuxième rentrée atmosphérique corrélée avec la fusée Longue Marche 5B ».
Jonathan McDowell, astronome au Centre Harvard-Smithsonian pour l’astrophysique, explique que ce duo « implique probablement que l'étage de la fusée s'est brisé en deux gros morceaux dans les premiers stades de la rentrée atmosphèrique ». comme on peut le voir sur la carte, certains débris pourraient tomber non loin du Mexique.
The USSPACECOM statement about a double reentry probably implies that the tumbling rocket stage broke into two major pieces in the early stages of reentry. The red line joins the two estimated reentry locations; some debris could have made it to Puerto Escondido in Oaxaca pic.twitter.com/0PnULMA0co
— Jonathan McDowell (@planet4589) November 4, 2022
Rappelons que selon la Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par les objets spatiaux – ratifiée par plusieurs pays (dont la Chine) en 1972, sous l’égide des Nations Unies – le pays qui lance l’engin est responsable des dommages qu’il pourrait causer.