SpaceX : la réutilisation, ça marche

Un Falcon 9 et ça repart !
Tech 6 min
SpaceX : la réutilisation, ça marche

SpaceX a envoyé mardi dernier son lanceur Falcon Heavy dans l’espace, pour la première fois depuis 2019 à l'occasion d'une mission pour l'US Space Force dont la finalité n'a pas été rendue publique. L'entreprise a ensuite réussi cette nuit le dernier lancement de son Falcon 9, cette fois pour le compte Eutelsat. L’occasion de revenir sur ce qui a fait la marque de SpaceX dans le « new space » : la réutilisation du premier étage de ses lanceurs.

Cette nuit, après le décollage de la fusée de SpaceX, le booster du premier étage – nom de code B1067 – du Falcon 9 a réaterri sans problème durant sa septième utilisation. Ce qui était un événement en 2015 est devenu un processus normal dans les lancements de SpaceX. Aujourd’hui, poser un premier étage sur terre ou en mer est presque une routine et on ne s’étonne même presque plus d’en voir deux d’un coup (dans le cas de Falcon Heavy).

En 2015, B1019 était le premier booster à revenir sur terre (sans encombre) après lancement, mais il n'a finalement pas été recyclé pour d’autres missions. Il trône désormais comme un trophée à proximité du siège social de la société à Hawthorne, en Californie. En avril 2016, c’est la première récupération en mer, sur une barge à 300 km des côtes de Floride.

En mai de la même année, SpaceX récupérait pour la première fois un premier étage d’une mission visant l’orbite géostationnaire. La barge était cette fois-ci à plus de 600 km de la Floride et le retour se faisait à plus grande vitesse, comme l’explique la Cité de l’Espace. Lors de la phase finale de freinage trois des neuf moteurs ont été remis en route, au lieu d’un seul habituellement.

Depuis, SpaceX a démontré que la réutilisation n'était pas seulement imaginable mais qu'elle entrait dans le processus normal des lanceurs de l'entreprise, permettant l'abaissement des coûts de lancement. L’entreprise revendique pas moins de 189 lancements (dont des dizaines pour Starlink), avec un taux de réussite important. Cela fait maintenant plusieurs années qu’un échec n’est pas venu ternir le tableau, le dernier était en 2016 avec une explosion sur le pas de tir (le chargement était à bord).

Six boosters réutilisés au moins dix fois

Cette réutilisation a permis à ce jour à SpaceX d'effectuer 51 lancements en 2022, se rapprochant des 52 lancements initialement prévus pour l'année complète. Elon Musk a annoncé en mars dernier revoir à la hausse ce nombre pour finalement en prévoir 60. Pourtant, l'année 2021 n'en avait compté « que » 31. En décembre dernier le Falcon 9 en était à sa 100e récupération d’un premier étage. 

SpaceX s'est rapidement imposé comme le spécialiste du recyclage ; il faut dire que la société est pour le moment seule sur ce créneau avec des lancements commerciaux à cette cadence. Si le B1017 n'a été utilisé « que » sept fois, d'autres ont beaucoup plus de vols au compteur. En mai 2021, un premier booster atteignait le nombre de dix utilisations. 

Mais depuis, six boosters du premier étage du Falcon 9 ont été réutilisés au moins dix fois avec un record actuel de quatorze lancements pour les boosters B1058 et B1060 ! Elon Musk et SpaceX ont déjà expliqué que l’objectif était d’arriver à dix vols pour un premier étage sans grosse rénovation et une centaine de fois avec « un reconditionnement modéré »… sans plus de précision.

La rapidité de la remise en état de ces lanceurs par SpaceX devient aussi impressionnante. En avril dernier, les ingénieurs de la société n’ont eu besoin que de neuf jours pour B1062, qui a été relancé seulement 21 jours après sa précédente mission. Cette possibilité permet à la société de faire des lancements en série comme en juin dernier quand SpaceX a lancé trois  fusées en 36h seulement. 

Au total, l’entreprise affirme avoir réalisé 152 atterrissages de premiers étages et 125 vols avec des fusées recyclées. SpaceX en profite notamment pour déployer à moindres coûts (via des lanceurs recyclés) les satellites de sa constellation Starlink.

Un discret financement

Si SpaceX montre sans contestation possible que le recyclage des lanceurs est un pari réussi, l'entreprise a toujours du mal à communiquer sur le coût de celui-ci et il est encore difficile d'en faire une estimation.

En novembre 2019, un rapport sénatorial s'y essayait en expliquant que, « le premier étage neuf coûte environ 18 millions de dollars, ce qui représente environ 40 % du coût total d’un lancement de Falcon 9. Avec un coût de remise en état de l’ordre d’un million de dollars et une dizaine de réutilisations, le coût moyen d’un premier étage qui serait utilisé dix fois serait de 2,8 millions de dollars, soit un coût de lancement de 29 millions de dollars et donc une économie de 34 % ».

L'entreprise bénéficie aussi de coups de pouce de la puissance publique américaine en facturant parfois à la NASA et/ou l'US Air Force des missions un peu moins de 100 millions de dollars ce qui en coûterait 60 millions à un partenaire privé ou étranger. Ironiquement, en 2019, SpaceX se plaignait lui-même de ce genre de pratiques utilisées par Arianespace en Europe.

Un recyclage européen en retard

En Europe, justement, le recyclage n'est pas encore en vue. En 2016, Jerôme Vila d'ArianeWorks évoquait tout juste la réutilisation pour le futur d'Ariane mais certainement pas pour Ariane 6. Avec le retard de celle-ci, les projets de réutilisation européens ne sont pas encore sur le pas de tirs.

Mais l'Europe n'a pas abandonné ses projets Prometheus et Thémis. Le premier, un projet de moteur réutilisable pour les futures fusées européennes, a reçu une quinzaine de millions d'euros de boost début 2021 via le plan de relance français.

Thémis, le projet européen de premier étage réutilisable devait initialement décoller pour la première fois entre 2023 et 2025. Si aucune annonce n'a encore été effectuée, les multiples retards d'Ariane 6 ne laissent pas optimiste pour les projets censés prendre le relai.

D’autres projets misant sur le réutilisable sont également dans les cartons. Signalons aussi Susie d’ArianeGroup, un dernier étage réutilisable pour Ariane 64, et Space Rider, une navette spatiale réutilisable européenne dont le vol inaugural est prévu pour 2024.

 

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