D’abord, qu’est-ce que Unity ? Il s’agit d’un environnement de bureau conçu par Canonical pour ses propres besoins. Il a été introduit pour la première fois dans la Netbook Edition d’Ubuntu 10.10, il y a donc 12 ans maintenant. Il est ensuite devenu l’environnement par défaut dans Ubuntu 11.04.
À la question du pourquoi, l’entreprise avait indiqué en 2010 qu’il existait des différences de points de vue dans la manière dont GNOME devait évoluer, particulièrement durant le développement de Shell. Pourtant, Ubuntu est toujours restée basée sur GNOME pour son socle technique et ses applications. Unity n’intègre d’ailleurs aucune application et s’est toujours présenté comme une interface.
Canonical estimait que Unity était mieux adapté aux petites surfaces. Avec le temps bien sûr, cette contrainte s’est effacée, car la demande est repartie à la hausse pour des écrans plus grands. Unity a été peu à peu adapté, l’entreprise continuant d’en vanter les performances.
Unity a repris dès le début certains éléments d’interface empruntés à d’autres plateformes. De macOS, on retrouvait par exemple la barre de menus en haut de l’écran, commune à toutes les applications et changeant de contexte selon l’application active, ainsi que les boutons de contrôle des fenêtres à gauche. De Windows 7, on récupérait l’empilement des icônes dans le dock quand plusieurs fenêtres d’une même application étaient ouvertes.
L’une des fonctions les plus connues de Unity était Dash, mais pas toujours pour les bonnes raisons. Cet outil de recherche, qui s’est étoffé version après version, a voulu se rendre utile en voulant interpréter toutes les formes de requêtes, qui ont alors commencé à être envoyées sur les serveurs de Canonical. Le problème est devenu apparent quand Dash a voulu simplifier la recherche d’achats, en proposant des résultats vers Amazon notamment. Les critiques ont gonflé, dont celles de la Free Software Foundation, jusqu’à ce que ces modules de recherche (Scopes) soient désactivés par défaut, ne laissant que la recherche locale classique.
Les versions de l’environnement se sont bonifiées avec le temps, jusqu’à devenir particulièrement « beau et efficace », ainsi que le décrivait alors Ars Technica dans sa critique d’Ubuntu 16.04. Mais en 2017, patatras : Unity est lâché au profit de GNOME Shell, Unity8 est abandonné, tout comme le serveur d’affichage Mir, puisqu’Ubuntu se dirigera lentement vers Wayland.
Depuis, Unity est devenu un projet à part, géré par la communauté. Et la version 22.10 d’Ubuntu est même accompagnée, pour la première fois, d’une variante officielle Unity, qui rejoint ainsi Kubuntu, Xubuntu et les autres. En voici une prise en main.
Interface et généralités
De manière générale, une personne habituée à Ubuntu devrait s’y retrouver dans cette variante Unity. Le dock est à gauche, le menu général en haut, des raccourcis en dessous, et la barre de menus trône toujours au sommet de l’écran, avec ses attributs habituels et la zone de « tray » à sa droite. On retrouve une variante du fond d’écran officiel d’Ubuntu 22.10, alias Kinetic Kudu.
Pour qui n’a jamais ouvert le menu principal d’Unity en revanche, il réserve quelques surprises, d’autant qu’on s’aperçoit vite que le dock n’affiche pas certains raccourcis pourtant classiques, comme Firefox ou même simplement… le gestionnaire de fichiers.
C’est une philosophie de l’environnement de bureau, qui fait transiter de nombreuses opérations par ce menu, accessible via la touche Windows/Super du clavier. On peut cependant faire un clic droit sur n’importe quelle icône ouverte dans le lanceur (le dock) pour choisir de la laisser en raccourci permanent. On remarque d’ailleurs que les applications ouvertes reprennent la couleur dominante de leurs icônes pour en remplir le cadre arrière.
Les personnes habituées à Ubuntu seront peut-être surprises par les choix opérés sur les thèmes dans Unity, car Yaru et Yaru Dark sont appliqués strictement, sans mix possible entre les deux. Par exemple, on ne peut pas avoir de structure sombre avec un fond de fenêtre blanc. On peut toutefois se servir d’Unity Tweak Tool – installé par défaut – pour récupérer ce type de capacité. Toujours dans les thèmes, on note une icône de pinceau à droite de la barre de menu pour changer facilement de teinte et de couleur d’accentuation.
L’un des éléments clés d’Unity est son système de recherche. Il en existe deux : celui intégré dans le menu général, et HUD. Le premier s’appelle avec la touche Windows/Super, le second avec Alt. Bien que les deux se ressemblent beaucoup, la version intégrée au menu ne s’occupe que de ce dernier et donc des recherches locales. HUD, de son côté, est beaucoup plus vaste et peut plonger ses mains dans les paramètres et autres éléments contextuels. Les résultats ne seront pas les mêmes entre les deux, ce qui peut perturber certaines personnes habituées à des interfaces unifiées.
Composants et applications
Si vous ne connaissez pas Unity, vous remarquerez vite la réactivité générale de l’ensemble, qui vient en partie de la légèreté générale de la distribution. L’ISO pèse en effet moins de 3 Go, ce qui s’explique notamment par un nombre limité d’applications. En revanche, une fois installée, la distribution pèse environ 12 Go, ce qui est dans la tranche haute de l’empreinte de stockage parmi les systèmes Linux.
Ce choix a toujours été assumé par la communauté qui s’occupe de cette version. L’idée est de fournir le strict minimum, comme un navigateur et un client email, en l’occurrence Firefox (snap) et Thunderbird. On retrouve également quelques logiciels connus comme LibreOffice, mais on en fait vite le tour. Les versions sont à chaque fois les dernières disponibles, il n’y a pas d’accent particulier sur les moutures LTS.
Si vous connaissez Unity en revanche, vous savez que la distribution incluait depuis longtemps certaines applications GNOME. Il faudra alors vous préparer, car elles ont été pour la plupart remplacées par des applications provenant de MATE, comme Pluma pour l’éditeur de texte. Un choix consécutif au passage de GNOME à libadwaita et GTK4, que les développeurs d’Unity n’ont pas souhaité suivre.

Attention si vous êtes habitués à vous servir d’une interface graphique pour installer des applications. Ubuntu Unity fournit le Gestionnaire traditionnel de paquets Synaptic, mais pas Logiciels. Le Gestionnaire n’étant guère pratique à utiliser, nous vous recommandons apt en ligne de commande, qui vous permettra de trouver plus efficacement ce que vous cherchez.
Côté composants, Unity récupère très logiquement la base d’Ubuntu 22.10, dont le noyau Linux 5.19. On retrouve donc les snaps, alors que Flatpak n’est pas installé par défaut. Sachez également qu’Unity ne vise pas la modernité, et pour cause : Unity7 repose sur le serveur d’affichage X.org, et non Wayland. La compatibilité avec ce dernier n’est clairement pas pour tout de suite, ce qui pourra en freiner certains. De même, le serveur son est PulseAudio et non PipeWire, alors qu’Ubuntu 22.10 vient justement de faire la bascule. On peut le vérifier avec la commande « pactl info
».

Ce sont des éléments à prendre en compte, mais pas des problèmes en soi. S’il s’agit de redonner vie à une machine, particulièrement un portable avec un petit écran, Unity fera clairement le travail. Son interface est adaptée et le système est réactif. Il n’y a que pour des tâches plus lourdes comme le traitement audio/vidéo que l’absence de Wayland et PipeWire pourra se faire sentir, puisqu’ils ont été conçus dans cette optique. PipeWire, notamment, a surtout l’avantage de décorréler complètement les entrées et sorties audio, permettant de gérer les entrées et sorties par application.
Quoi qu’il en soit, Ubuntu 22.10 Unity est une bonne distribution, rapide et ne prétendant pas à l’universalité. Elle mérite sa place de variante officielle d’Ubuntu et nous n’avons pas rencontré le moindre problème dans nos sessions d’utilisation, si ce n’est quelques réflexes à revoir, puisque nous n’avions pas utilisé Unity depuis des années. Il reste cependant un important travail de modernisation à faire, car les développeurs ne pourront pas faire longtemps l'impasse sur Wayland notamment.