Depuis le mois d’août, les applications de type « GPS » doivent indiquer aux utilisateurs les impacts environnementaux de leurs déplacements et des messages de prévention ; de nouvelles obligations arriveront dans un second temps. Comment, dans quelles conditions et sous quelle forme ? On vous détaille tout cela.
Les automobilistes qui recourent régulièrement à Google Maps auront remarqué, tout récemment, l’apparition de l’icône d’une feuille verte et blanche aux côtés de certains itinéraires proposés. Cette icône indique le chemin à privilégier, en voiture, pour réduire la consommation de carburant et, a fortiori, les émissions de gaz à effet de serre.
La mise à disposition de cette information ne résulte pas d’une initiative volontaire de la part du géant américain, mais bel et bien d’une obligation légale prévue par la loi « climat et résilience » d’août 2021. Elle n’en demeure pas moins la bienvenue pour les automobilistes les plus précaires dans le contexte de l’inflation galopante doublée d’une rupture des chaînes d’approvisionnement du carburant.
Depuis le 06 août et l’entrée en vigueur du décret et de l’arrêté d’application, toutes les applications d’aide aux déplacements doivent apporter une information complète aux utilisateurs sur les impacts environnementaux des trajets effectués, dans la mesure où les itinéraires se situent exclusivement en France (point de départ et point d’arrivée). Ces nouvelles obligations concernent donc tous les Mappy, Google Maps, Waze, Apple Plan, TomTom, Coyote, ViaMichelin, ou encore RATP Smart Systems.
Ces applications sont tenues de respecter leurs obligations dès qu’elles procèdent à des mises à jour après l’entrée en vigueur des différentes normes. Aucune sanction n’est encore prévue en cas de violations, mais le ministère de la Transition écologique n’exclut pas « l’opportunité d’amender le décret avec des mesures de sanctions » si besoin.
L’information sur les impacts environnementaux des déplacements
Désormais, tout utilisateur doit automatiquement être informé, de manière lisible, sur la quantité de gaz à effet de serre émis du fait de son trajet, et ce quel que soit le moyen de transport, de la voiture au métro, en passant par le train.
Les plus curieux ne pourront s’empêcher de constater que, malgré l’entrée en vigueur de cette disposition, peu d’applications affichent encore la quantité de CO₂ émis. D’après le ministère de la Transition Écologique et de la Cohésion des Territoires, la mise en œuvre de cette obligation d’information « devrait intervenir à la rentrée 2023 » chez les principales plateformes de navigation.
Pour une quantification des plus réalistes, les méthodologies de calcul intègrent tant les émissions liées au fonctionnement du moyen de transport que les émissions liés à la production de la source d’énergie (extraction, raffinage, transformation, distribution…).
L’ADEME met gratuitement à disposition des données sur lesquelles les applications de positionnement par satellites (communément appelées GPS) peuvent s’appuyer pour calculer les émissions, mais elles ont également la possibilité d’utiliser d’autres jeux de données plus précises, à l’instar de Google Maps qui recourt aux informations fournies par le National Renewable Energy Laboratory et l’Agence européenne de l’environnement.
Ces données ne peuvent fournir une estimation exacte de l’impact climatique d’un déplacement, notamment au regard de la variabilité des modèles de véhicules comme il l’a été vu récemment pour les voitures électriques... Elles permettent toutefois de comparer l’empreinte carbone des différents moyens de transports.
Une fois les itinéraires classifiés en fonction de l’empreinte carbone du mode de transport proposé, les applications mettent en avant les trajets les moins émetteurs. Les utilisateurs peuvent ainsi déterminer quel moyen de locomotion privilégier pour réduire l’impact climatique de leur déplacement. Ils doivent pouvoir facilement accéder aux méthodologies de calcul, tant pour les émissions de gaz à effet de serre que pour les polluants atmosphériques, les impacts environnementaux ne se réduisant effectivement pas à leur contribution au changement climatique.
Toute personne doit également être en mesure de connaître, du fait de son trajet, les émissions de deux polluants atmosphériques : les oxydes d’azote et les particules fines PM10. Ces substances nocives contribuent fortement aux 48 000 décès prématurés par an causés par la pollution de l’air extérieur en France.
Seules les émissions liées à l’échappement et à l’abrasion des pneus ou des freins, pendant la phase de fonctionnement du moyen de transport sont prises en compte. Contrairement à la quantité de gaz à effet de serre présentée dès le résultat de la recherche, les informations relatives à la pollution atmosphérique doivent seulement être rendues accessibles, au moyen d’un hyperlien par exemple. Pour quantifier les émissions de ces polluants, les applications peuvent utiliser les données fournies par le CITEPA ou l’Agence européenne de l’environnement, en appliquant la méthode COPERT ou encore le guide du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air.
Pour rappel, la France a été condamnée à deux reprises devant la Cour de justice de l’Union européenne pour les dépassements, dans plusieurs agglomérations, des valeurs limites de concentration dans l’air du dioxyde d’azote et des particules fines PM10. Elle s’expose dorénavant à une amende importante si elle ne réussit pas à respecter les objectifs de qualité de l’air.
La mise en place des zones à faible émission mobilité (ZFEm) joue à cet égard un rôle central pour ramener les niveaux de concentration des polluants à un niveau acceptable. Le législateur entend bien utiliser les applications GPS pour informer efficacement les automobilistes sur l’existence de ces zones restreignant la circulation des véhicules les plus polluants.
L’information sur les restrictions de circulation dans les ZFEm
Les services numériques d’assistance au déplacement doivent dorénavant informer leurs utilisateurs si une ZFEm se situe sur l’itinéraire prévu, ainsi que les caractéristiques des restrictions de circulation en vigueur (Art. L. 1115-8-1 du code des transports, créé par la loi « climat et résilience » du 22 août 2021). Cette mesure améliorera la lisibilité des restrictions de circulation en vigueur dans les ZFEm. En effet, les automobilistes n’ont pas forcément une bonne connaissance des nouvelles règles de circulation dans les métropoles, alors même que l’utilisation d’une voiture ou d’un deux roues non-autorisé est d’ores et déjà sanctionnée d’une amende de 68 euros. Ce montant s’élève à 135 euros pour les poids lourds, bus et autocars.
Les services d’assistance aux déplacements doivent a minima communiquer à leurs utilisateurs, sous forme de message, les informations intégrées dans la base de données relative aux ZFEm. Actuellement, les applications se contentent de porter à la connaissance de l’utilisateur la présence d’une ZFEm. Un hyperlien vers le site internet de la ZFEm concernée permet aux usagers de déterminer plus en détail quelles sont les restrictions de circulation.
L’information préalable des automobilistes est indispensable pour faciliter l’acceptation du déploiement des caméras intelligentes en cours, sur le modèle de la région de Bruxelle-Capitale en Belgique. Ces dispositifs, équipés d’un système de lecture automatisée des plaques d’immatriculation, contrôleront si les véhicules sont autorisés ou non à circuler dans la ZFEm. La loi d’orientation des mobilités de 2019 avait inséré un article pour encadrer les installations de ces caméras intelligentes.
Quant aux informations relatives aux restrictions de circulation des poids lourds, elles ne devront être communiquées qu’à compter du 1er mars 2023.
Rouler à un, c’est pas bien
Pour toute recherche d’itinéraire automobile, y compris pour les systèmes de navigation intégrés à un véhicule, les applications adresseront désormais des messages du type « Pour les trajets courts, privilégiez la marche ou le vélo », « Pensez à covoiturer », « Passer de 130 à 110 km/h sur autoroute réduit votre consommation de 20 % » ou encore « Au quotidien, prenez les transports en commun ». Autant de slogans qui, martelés continuellement, pourraient bel et bien persuader certains automobilistes à privilégier des modes de déplacements collectifs.
Afin d’enrichir les propositions d’alternatives à la voiture individuelle, les services numériques d’assistance aux déplacements doivent respecter un calendrier pour intégrer différents ensembles de données. Avant le 1er décembre 2022, les applications proposant des déplacements multimodaux (utilisation de plusieurs moyens de transport comme le métro suivi du bus) devront avoir intégré les données sur les services de transports réguliers et à la demande.
Les données relatives aux services de partage de véhicules, de cycles, de cyclomobiles légers, d'engins de déplacement personnels, ou sur les déplacements à pied devront, elles, être intégrées avant le 1er décembre 2023. Les opérateurs d’applications recourent au point d’accès national aux données relatives aux déplacements pour glaner ces informations.
Quant aux applications qui ne proposent que des itinéraires pour les véhicules individuels, elles s’assurent de disposer des informations relatives au réseau cyclable, aux aires de covoiturage et au stationnement avant le 1er décembre 2022. Enfin, au 1er juin 2023, ces mêmes services devront communiquer à leurs utilisateurs l’existence des systèmes d’information sur les déplacements multimodaux mis en place par les régions et les intercommunalités.
Tu ne troubleras point la quiétude des riverains
Les suggestions intelligentes d’itinéraires, avec leurs promesses de gain de temps, peuvent être à l’origine d’une redirection massive de la circulation vers des routes moins adaptées au trafic de transit.
Comme l’ont montré les déboires des communes de Lieusaint (Seine-et-Marne) ou encore de Cornebarrieu (Haute-Garonne) avec l’application Waze, ce phénomène ne va pas sans provoquer une congestion du trafic dans des zones inadaptées, emportant son lot de nuisances sonores et de polluants atmosphériques. Au sein d’un chemin rural initialement créé pour faciliter le travail des agriculteurs dans la commune haut-garonnaise, le débit du trafic serait dorénavant d’une voiture toutes les deux secondes en matinée!
Les maires auront désormais la possibilité de faire qualifier de « voies secondaire » des tronçons routiers non prévus pour accueillir du trafic de transit intensif. Les applications sont incitées à faire évoluer leurs algorithmes de calculs d’itinéraires pour prendre en compte la nouvelle qualification de ces routes.
Le décret invite les plateformes de navigation à ne proposer des itinéraires de « voies secondaires » que dans la seule mesure où le gain de temps de trajet est supérieur à 10 %. En deça, les applications s’efforcent de ne proposer que des itinéraires empruntant des voies adaptées pour le trafic intensif. Cette recommandation n’a vocation à s’appliquer que dans des conditions de circulation normales, en l’absence d’évènements routiers perturbateurs tels que des accidents ou des déviations dues à la fermeture d’ouvrages.
La fiche d’impact du décret évalue l’intégration des données sur les « voies secondaires » et leur prise en compte dans les calculs d’itinéraires à un coût d’un million d’euros, plus 200 000 euros annuels de maintenance. Reste à savoir si la tranquillité des riverains mérite l’engagement de telles sommes chez les plateformes de navigation ou si l’adoption de dispositions contraignantes se révélera nécessaire.