L'université de Lille atteste ses diplômes dans une blockchain

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Tech 6 min
L'université de Lille atteste ses diplômes dans une blockchain

Pour assurer aux recruteurs la validité des diplômes de ses étudiants, l'université de Lille met en place, en collaboration avec la startup BCDiploma, un système numérique d'attestation de réussite de diplôme en s'appuyant sur une blockchain. Mais cette solution technique est-elle la seule réponse possible et est-elle efficace ?

Si « l’émergence de faux diplômes coïncide quasiment avec la création des vrais diplômes délivrés par la première université du monde, celle de Bologne en Italie au XIIe siècle », le numérique a permis aux faussaires une industrialisation du procédé et de véritables fermes à faux diplômes ont vu le jour comme le site fauxdiplomes.org.

La France tente bien de créer un site d'attestation des diplômes, mais celui-ci, après avoir déjà subi des retard à l'allumage, est très loin de proposer la vérification de tous les diplômes français (notamment très peu de diplômes de l'enseignement supérieur) et ne s'adresse qu'à un public francophone.

L'Université de Lille choisit la blockchain

L'université de Lille s'est lancé dans la création d'une plateforme de vérification de ses diplômes en espérant ensuite pouvoir la décliner pour tous les établissements de l'enseignement supérieur européens.

En effet, à l'Université de Lille, dont 10 % des étudiants sont étrangers et qui revendique le plus grand nombre d'étudiants en masters Erasmus Mundus en France, une personne de l'administration répond à toutes les demandes de validation de diplômes de façon artisanale. « Si nous pouvons économiser ce temps de vérification, ça fera du bien à tout le monde et nous économisera un temps plein », nous explique Pierre Boulet, vice-président infrastructures numériques de l'université de Lille.

Techniquement, l'équipe de Pierre Boulet s'est appuyée sur une blockchain en partenariat avec la startup BCDiploma, qui s'est spécialisée dans ce genre de projets.

Depuis 2017, cette startup française vend aux établissements de l'enseignement supérieur l'utilisation de la blockchain comme LA solution de certification numérique des diplômes. L'Université de Lille a donc tissé des liens avec elle allant jusqu'à co-rédiger un livre blanc sur le sujet, puis à envisager d'entrer concrètement dans la réalisation du projet.

Après avoir rassemblé un financement de 150 000 à 200 000 euros à travers différents appels à projets européens, de modernisation de l'administration et des financements du ministère, l'université a mis en place avec BCDiploma un premier projet permettant d'émettre des attestations de diplômes en s'appuyant sur une blockchain publique. Si BCDiploma était habituée à travailler sur Ethereum (blockchain jusqu'à récemment à preuve de travail), l'université a poussé vers Avalanche, « une blockchain en preuve d’enjeux et donc qui n’a pas d’émission inconsidérée de gaz à effet de serre », appuie Pierre Boulet.

Concrètement, comment ça se passe ? Actuellement, « pour les 30 000 diplômes que nous avons émis (diplômes de 2020 et 2021) sur données froides, après toutes les étapes de vérification 6 mois après le diplôme, on appuie sur un bouton et, en masse, on envoie toutes les attestations d’un seul coup », explique le responsable de l'université de Lille, « le diplômé reçoit un lien personnel (comme celui-ci) par email et il décide ensuite de le partager ou pas avec d’éventuels recruteurs ». Ce lien renvoie à une page web avec les informations sur le diplôme de l'étudiant et une frame du site de BCDiploma qui valide le certificat.

Diplôme blockchain Université Lille

Une visée internationale

À l'échelle d'un établissement, Pierre Boulet admet lui-même que « la signature numérique de l’établissement suffit. On envoie le pdf du diplôme avec la clé de l’établissement et une infrastructure de clé publique, par exemple eIDAS, permettrait de vérifier que le diplôme n’a pas été falsifié. Mais si on fait ça, le recruteur ou vérificateur doit faire confiance à chacun des émetteurs ». Si la solution centralisée nationale du « passeport compétence » parait déjà plus intéressante, le responsable de l'université de Lille, objecte qu'elle oublie tous les étudiants étrangers qui auront besoin de diplômes lisibles et fiables à l'international.

« Dans le cadre de la mobilité internationale, si le « passeport compétence » existe dans chacun des pays il faut faire confiance en chacun d'eux où le cadre légal est différent et le nombre d’autorités de certifications aussi. En Espagne, Belgique ou Allemagne, il y a plusieurs autorités de certifications de diplôme par exemple », appuie-t-il. « Avoir une infrastructure commune internationale opérée à plusieurs et décentralisée pour respecter les règles de chacun sur laquelle s’appuyer semble une bonne idée ».

Si cette première mouture se base sur une blockchain publique, Pierre Boulet précise qu'« à terme, l'idée est de passer ce système sur une blockchain « souveraine », c’est-à-dire opérée par des services européens, EBSI, construite en partenariat avec 29 états et la commission européenne. ».

La blockchain, outil pertinent ?

Si l'argument de la décentralisation de la blockchain peut paraître pertinent à première vue quand on voit le nombre d'acteurs mis en jeux dans la certification des diplômes à travers le monde, des critiques peuvent être soulevées sur le choix de cette technologie.

D'abord, dans son implémentation. En cliquant sur le lien d'exemple de diplôme numérique émis par l'université de Lille actuellement, on peut se dire qu'il est assez facile d'abuser un employeur non spécialiste en recréant une page avec une iframe du même type affirmant la validité de l'émission du diplôme. Certes la validité des certificats SSL permet de s'assurer que les différentes frames proviennent bien des bons acteurs, mais il faut donc parier sur l'acuité numérique des différents employeurs.

Ensuite, techniquement, le choix de la blockchain comme outil de certification n'est pas si évident. Pour Pablo Rauzy, enseignant-chercheur en informatique à l'université de Paris 8, « la blockchain est nécessaire si et seulement si le contexte est décentralisé, que n’importe qui peut écrire et lire, que l'on ne fait pas confiance aux gens et enfin qu'il n'y a pas de  système de permission », nous explique-t-il.

Et l'enseignant-chercheur n'est pas avare d'autres propositions techniques. Selon lui, une possibilité moins gourmande aurait été de prendre exemple sur le système de certificat SSL avec des certificats racines qui permettent de délivrer des certificats en cascades. « Cette solution ne nécessite pas une infrastructure centralisée et il peut y avoir toute une chaine de signatures ».

Le modèle des certificats SSL n'est pas la seule possibilité qui lui vient en tête : « un simple dépôt git avec des conventions d’utilisations et une vérification de leur respect et des autorisations d’écriture pourrait tout à fait faire le travail sans avoir besoin d’aucune preuve d’enjeux ou de travail. Nous ne sommes pas dans des conditions de défiance généralisée où l’on ne fait confiance en personne comme sur l’utilisation des blockchains par les crypto-monnaies. »

Pour Pablo Rauzy, le problème est dans la réflexion même du projet : « Plutôt que de se dire "j’ai un problème, comment je vais le résoudre ?", ils se sont dit "J’ai une blockchain, quel problème je vais résoudre avec ?" »

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