Lors d'une longue entrevue accordée au magazine hebdomadaire économique belge Trends-Tendances, Xavier Niel, le patron d'Iliad/Free, a abordé de nombreux sujets, dont un potentiel investissement en Belgique si un opérateur était à vendre. Mais un tel scénario reste pour le moment à l'état d'hypothèse.
Hier, notre confrère belge Trends-Tendances a publié une interview de quatre pages de Xavier Niel. Un très court extrait a été dévoilé la veille sur le site Levif. Nous avons cependant obtenu l'intégralité de cet entretien qui aborde à la fois le marché belge, la stratégie de Free, ses rapports avec Google, l'exil fiscal, ses investissements dans la presse, l'école 42, les start-up, etc. Tour d'horizon.
Free Mobile et la Belgique
Rappelant que Free est une entreprise franco-française depuis ses débuts et qu'elle ne détient aucune filiale à l'étranger, contrairement à Orange par exemple, Xavier Niel a rapidement tenu à préciser que sa société n'avait pas d'ambition à l'international. Tout au plus le patron investit en son nom dans certaines entreprises à l'étranger, à l'instar de Golan Telecom en Israël.
Néanmoins, si Free devait faire une exception, la Belgique serait une candidate idéale. Le fondateur d'Iliad indique ainsi que le voisin d'outre-Quiévrain, « de par sa proximité, de par sa langue commune sur une partie du territoire », est « une extension naturelle » pour Free. D'autant plus que l'opérateur français « a une petite notoriété en Belgique ».
Toutefois, pour que Free ou que Xavier Niel lui-même investissent en Belgique, des conditions sine qua non devront être présentes. Il faut notamment qu'une place se libère. Cela signifie donc qu'un acteur en place soit en vente, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. L'autre possibilité serait bien sûr qu'une nouvelle licence soit proposée par le gouvernement belge, à l'instar de la quatrième licence mobile en France, néanmoins, Niel trouve ces nouvelles licences « trop restrictives » pour pouvoir être prises au sérieux. Sans compter qu'il est « très difficile de déployer de nouvelles antennes en Belgique » fait remarquer le créateur du 3617 Annu.
L'exil fiscal
Interrogé sur les dernières dispositions fiscales du gouvernement français, et notamment les fameux 75 % pour les revenus au-dessus d'un million d'euros (payés par les entreprises), Xavier Niel a estimé qu'une augmentation d'impôt n'a de sens que s'il est bien utilisé par le gouvernement. Le patron a toutefois concédé que la redistribution était aussi primordiale afin d'éviter que les écarts entre salaires soient trop importants.
Concernant l'exil fiscal, notamment en Belgique, Xavier Niel l'exclut à 100 % pour le moment. « Je suis né dans une ville française plutôt pauvre, et ce pays m’a donné la chance de réussir et de gagner très bien ma vie. J’aurais un peu de mal à dire maintenant : « Je ne vous connais plus, je pars à l’étranger et je ne contribue pas au système ». Si j’étais né héritier, ou si l’impôt était complètement confiscatoire, j’aurais peut-être eu une vision différente » a-t-il ainsi résumé.
Xavier Niel et la presse
Questionné au sujet de ses investissements récents dans la presse, par exemple au Monde ou encore Mediapart, celui qui s'occupe de la stratégie chez Free a fait remarquer qu'un manque d'objectivité touchait de nombreux journaux et magazines. Il a ainsi cité le cas typique de TF1, dont le journal n'a pas parlé du lancement de Free Mobile, contrairement à tous ses confrères de la presse.
« Nous avons été perturbés de constater qu’un certain nombre de médias étaient à la solde de certains de nos concurrents » a ainsi expliqué Xavier Niel. Ce dernier note que « pour pouvoir exister et être jugé objectivement », la France avait besoin d'une presse libre. Mais ces investissements personnels dans la presse jetant logiquement une suspicion quant à l'objectivité même des journaux comme Le Monde et Mediapart au sujet de Free ou Xavier Niel, le fondateur assure ne jamais se mêler de l’éditorial. Et de rapidement rappeler que Mediapart « a fait une enquête sur moi absolument assassine » ou encore que Le Monde a publié une tribune « cinglante sur Free Mobile » signée par l'ancien président de France Télécom, Thierry Breton.
L'esprit américain
Enfin, tout au long de l'entretien, la question des différences de mentalité et d'économie entre la France et les États-Unis est régulièrement revenue. Fustigeant le CAC 40, qui ne compte qu'une seule entreprise de moins de 30 ans (Gemalto), alors qu'outre-Atlantique, le NASDAQ et le NYSE sont composés de très nombreuses jeunes entreprises, Xavier Niel a fait remarquer que « le nombre de personnes en France qui partent de rien, viennent d’une cité et arrivent à s’en sortir est dérisoire. À l’opposé, le rêve américain existe. »
Dans la même logique, le fondateur d'Iliad a vanté la gestion des entreprises ou encore le rapport avec l'argent que l'on retrouve aux États-Unis. L’école 42, qui ne délivre pas de diplôme, suit d'ailleurs une philosophie où les compétences comptent avant toute chose, ce qui là encore n'est guère dans l'esprit français. « On va essayer de faire émerger chaque année un millier de jeunes et les transformer en mini Mark Zuckerberg ou Larry Page. » Une ambition trop optimiste ?