Présidentielle : 3 000 signalements à la CNIL

Le téléphone pleure
Droit 5 min
Présidentielle : 3 000 signalements à la CNIL
Crédits : Niyazz/iStock

La CNIL a reçu près de 3 000 signalements à l’occasion de la présidentielle, selon un bilan obtenu par Next INpact. La commission a également diligenté des enquêtes contre sept organismes, ciblant notamment Reconquête et le Parti socialiste. Ce qui agace le plus les électeurs : les appels téléphoniques.

C’est presque devenu un marronnier. À chaque élection, les polémiques sur l’utilisation des fichiers par les candidats ou leurs spams refont surface. Pour répondre aux multiples sollicitations, la CNIL a mis en place une plateforme de signalement. Next INpact s’est fait communiquer les premiers éléments. L’autorité dressera un bilan plus complet début 2023.

Des documents, fortement caviardés, qui nous ont été transmis, il ressort que 2 955 signalements ont été faits auprès de la CNIL. C’est trois fois plus que pour les élections régionales et départementales de 2021, qui n’avaient pourtant pas été avares en propagande électorale. Mais c’est moins qu'aux municipales 2020, visées par 4 000 signalements. C’est assez logique : ce sont les deux élections qui intéressent le plus, et aux municipales, la profusion de listes multiplie les problèmes.

Sept organismes contrôlés, dont deux partis

La CNIL nous a également transmis la liste des sept organismes contrôlés en 2021 et 2022 dans le cadre de la présidentielle. Nous n’avons pas les suites de ces contrôles, d’autant que les procédures CNIL prennent parfois du temps.

Parmi les sept, deux communes (Vernouillet et Verneuil-sur-Seine) ainsi que trois organismes politiques : Reconquête !, le Parti socialiste ainsi que sa fédération parisienne.

Le PS avait déjà fait l’objet d’un avertissement en 2016, suite à une fuite de données.

S’agissant du parti d’Éric Zemmour, la CNIL avait ouvert une enquête en fin de campagne. Le candidat avait envoyé des SMS à une dizaine de milliers de personnes de confession juive.

L'équipe de Zemmour s’était défendue en indiquant avoir fait appel à un data broker pour cibler des personnes intéressées par « le sujet de l’antisémitisme en France et en Europe ». Elle assurait n’avoir pas utilisé de fichiers de « juifs », et avoir précédemment écrit à des catholiques.

La CNIL a également contrôlé deux sociétés. D’abord, D-codes, qui revendique posséder une base de données comportant 41 millions de personnes, croisant 1 500 marques et enseignes et 300 variables de consommation. La société avait d’ailleurs lancé un site dédié pour l’élection présidentielle, Présid’2022.

Autre organisme contrôlé : Elyze, qui avait été surnommé le Tinder de la présidentielle. Cette application, qui visait à matcher candidat et électeur en fonction de leurs préférences, avait connu un fort succès pendant la campagne. Elle avait aussi été très rapidement décriée : tropisme pro-macron, mauvaise sécurisation des données, possibilités larges de les revendre. Acculé par le contrôle de la CNIL, son fondateur, Grégoire Cazcarra avait d’ailleurs dû supprimer sa base de données.

Malgré, ou peut-être grâce, à ses déboires, il est aujourd’hui conseiller en charge de la participation citoyenne et de la prospective d'Olivier Véran, ministre délégué en charge du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Les électeurs ne veulent pas être appelés

La base des 2 955 signalements est anonymisée et difficilement exploitable. Toutefois, il en ressort que le courrier postal n’occupe plus que 1,5 % des signalements faits à la CNIL et les mails 7 %.

Aux premières marches du podium, ce sont les SMS (18,5 %) et surtout les appels téléphoniques (69 %), soit plus de 2 100 signalements, sachant que plusieurs pratiques peuvent être visées par un seul et même signalement.

Les électeurs s’interrogent sur la manière dont les candidats ont eu accès à leurs numéros. Mais rien n’empêche un candidat de louer une base de données, dès lors que les personnes ont donné leur accord pour y figurer.

Nombre de personnes n’ont pas conscience d’avoir donné cet accord au moment de la signature d’un contrat quelconque. Et la publicité politique suscite plus de rejets qu’un prospect de Leclerc ou d’une boîte de formation. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux data brokers ne font pas de politique : en cause, les taux de désabonnements trop importants engendrés par ces campagnes.

Près de cinq millions d’euros de propagande téléphonique

Nous n’avons malheureusement pas le nom des candidats visés par ces signalements. Mais, les comptes simplifiés, qui ont été publiés au Journal Officiel, indiquent les principaux postes de dépense de chaque candidat.

Hélas, si les dépenses d’appel sont normalement toutes dans la catégorie « promotion téléphonique », celles de SMS ou de spams mails peuvent se retrouver dans différentes sections. Il faudrait avoir accès aux factures des candidats pour avoir plus de détails. Cela ne sera pas le cas avant début 2023.

tableau dépenses campagnes 2022

Près de cinq millions d’euros ont donc été consacrés aux dépenses de promotion téléphonique. C’est deux fois plus que les services numériques ou la propagande audiovisuelle. La candidate qui a fait le plus appel à la promotion téléphonique est Valérie Pécresse. Plus de 2,5 millions d’euros, soit la moitié de la somme qu’elle a dû trouver pour boucler son budget. Éric Zemmour a dépensé plus d’un million d’euros, Emmanuel Macron 670 000 €.

Vu le nombre de signalements à la CNIL que les appels téléphoniques suscitent, et le score qu’ont fait Zemmour et Pécresse qui avaient privilégié ce mode de propagande, il y a lieu de s’interroger sur son utilité : aujourd’hui, qui a envie de recevoir un appel d’un robot avec le message préenregistré d’un candidat ? Et pourquoi ce type de contact entraînerait de la mobilisation électorale ?

Déjà en 2017, comme nous l’avions révélé, la campagne d’appels lancée par Emmanuel Macron, avait été précipitamment arrêtée en plein milieu, malgré son coût (240 000 €).

En 2019, pour les élections européennes, la France insoumise avait dépensé 800 000 euros pour qu’un message de Mélenchon spamme 16 millions de Français. Au final, les Insoumis s’étaient ramassés, avec un score de 6 % en deçà des sondages.

Cette fois-ci, il semble qu'Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen aient privilégié les contacts SMS, qui permettent des messages plus ciblés, moins rejetés par les électeurs. Mais, comme en 2017, on est encore loin d’avoir des campagnes électorales 2.0 en France.

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