Présidentielle : 3 000 signalements à la CNIL

Présidentielle : 3 000 signalements à la CNIL

Le téléphone pleure

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Pierre Januel

Publié dans

Droit

01/09/2022 6 minutes
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Présidentielle : 3 000 signalements à la CNIL

La CNIL a reçu près de 3 000 signalements à l’occasion de la présidentielle, selon un bilan obtenu par Next INpact. La commission a également diligenté des enquêtes contre sept organismes, ciblant notamment Reconquête et le Parti socialiste. Ce qui agace le plus les électeurs : les appels téléphoniques.

C’est presque devenu un marronnier. À chaque élection, les polémiques sur l’utilisation des fichiers par les candidats ou leurs spams refont surface. Pour répondre aux multiples sollicitations, la CNIL a mis en place une plateforme de signalement. Next INpact s’est fait communiquer les premiers éléments. L’autorité dressera un bilan plus complet début 2023.

Des documents, fortement caviardés, qui nous ont été transmis, il ressort que 2 955 signalements ont été faits auprès de la CNIL. C’est trois fois plus que pour les élections régionales et départementales de 2021, qui n’avaient pourtant pas été avares en propagande électorale. Mais c’est moins qu'aux municipales 2020, visées par 4 000 signalements. C’est assez logique : ce sont les deux élections qui intéressent le plus, et aux municipales, la profusion de listes multiplie les problèmes.

Sept organismes contrôlés, dont deux partis

La CNIL nous a également transmis la liste des sept organismes contrôlés en 2021 et 2022 dans le cadre de la présidentielle. Nous n’avons pas les suites de ces contrôles, d’autant que les procédures CNIL prennent parfois du temps.

Parmi les sept, deux communes (Vernouillet et Verneuil-sur-Seine) ainsi que trois organismes politiques : Reconquête !, le Parti socialiste ainsi que sa fédération parisienne.

Le PS avait déjà fait l’objet d’un avertissement en 2016, suite à une fuite de données.

S’agissant du parti d’Éric Zemmour, la CNIL avait ouvert une enquête en fin de campagne. Le candidat avait envoyé des SMS à une dizaine de milliers de personnes de confession juive.

L'équipe de Zemmour s’était défendue en indiquant avoir fait appel à un data broker pour cibler des personnes intéressées par « le sujet de l’antisémitisme en France et en Europe ». Elle assurait n’avoir pas utilisé de fichiers de « juifs », et avoir précédemment écrit à des catholiques.

La CNIL a également contrôlé deux sociétés. D’abord, D-codes, qui revendique posséder une base de données comportant 41 millions de personnes, croisant 1 500 marques et enseignes et 300 variables de consommation. La société avait d’ailleurs lancé un site dédié pour l’élection présidentielle, Présid’2022.

Autre organisme contrôlé : Elyze, qui avait été surnommé le Tinder de la présidentielle. Cette application, qui visait à matcher candidat et électeur en fonction de leurs préférences, avait connu un fort succès pendant la campagne. Elle avait aussi été très rapidement décriée : tropisme pro-macron, mauvaise sécurisation des données, possibilités larges de les revendre. Acculé par le contrôle de la CNIL, son fondateur, Grégoire Cazcarra avait d’ailleurs dû supprimer sa base de données.

Malgré, ou peut-être grâce, à ses déboires, il est aujourd’hui conseiller en charge de la participation citoyenne et de la prospective d'Olivier Véran, ministre délégué en charge du Renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement.

Les électeurs ne veulent pas être appelés

La base des 2 955 signalements est anonymisée et difficilement exploitable. Toutefois, il en ressort que le courrier postal n’occupe plus que 1,5 % des signalements faits à la CNIL et les mails 7 %.

Aux premières marches du podium, ce sont les SMS (18,5 %) et surtout les appels téléphoniques (69 %), soit plus de 2 100 signalements, sachant que plusieurs pratiques peuvent être visées par un seul et même signalement.

Les électeurs s’interrogent sur la manière dont les candidats ont eu accès à leurs numéros. Mais rien n’empêche un candidat de louer une base de données, dès lors que les personnes ont donné leur accord pour y figurer.

Nombre de personnes n’ont pas conscience d’avoir donné cet accord au moment de la signature d’un contrat quelconque. Et la publicité politique suscite plus de rejets qu’un prospect de Leclerc ou d’une boîte de formation. C’est d’ailleurs pour cette raison que de nombreux data brokers ne font pas de politique : en cause, les taux de désabonnements trop importants engendrés par ces campagnes.

Près de cinq millions d’euros de propagande téléphonique

Nous n’avons malheureusement pas le nom des candidats visés par ces signalements. Mais, les comptes simplifiés, qui ont été publiés au Journal Officiel, indiquent les principaux postes de dépense de chaque candidat.

Hélas, si les dépenses d’appel sont normalement toutes dans la catégorie « promotion téléphonique », celles de SMS ou de spams mails peuvent se retrouver dans différentes sections. Il faudrait avoir accès aux factures des candidats pour avoir plus de détails. Cela ne sera pas le cas avant début 2023.

tableau dépenses campagnes 2022

Près de cinq millions d’euros ont donc été consacrés aux dépenses de promotion téléphonique. C’est deux fois plus que les services numériques ou la propagande audiovisuelle. La candidate qui a fait le plus appel à la promotion téléphonique est Valérie Pécresse. Plus de 2,5 millions d’euros, soit la moitié de la somme qu’elle a dû trouver pour boucler son budget. Éric Zemmour a dépensé plus d’un million d’euros, Emmanuel Macron 670 000 €.

Vu le nombre de signalements à la CNIL que les appels téléphoniques suscitent, et le score qu’ont fait Zemmour et Pécresse qui avaient privilégié ce mode de propagande, il y a lieu de s’interroger sur son utilité : aujourd’hui, qui a envie de recevoir un appel d’un robot avec le message préenregistré d’un candidat ? Et pourquoi ce type de contact entraînerait de la mobilisation électorale ?

Déjà en 2017, comme nous l’avions révélé, la campagne d’appels lancée par Emmanuel Macron, avait été précipitamment arrêtée en plein milieu, malgré son coût (240 000 €).

En 2019, pour les élections européennes, la France insoumise avait dépensé 800 000 euros pour qu’un message de Mélenchon spamme 16 millions de Français. Au final, les Insoumis s’étaient ramassés, avec un score de 6 % en deçà des sondages.

Cette fois-ci, il semble qu'Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen aient privilégié les contacts SMS, qui permettent des messages plus ciblés, moins rejetés par les électeurs. Mais, comme en 2017, on est encore loin d’avoir des campagnes électorales 2.0 en France.

Écrit par Pierre Januel

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Sept organismes contrôlés, dont deux partis

Les électeurs ne veulent pas être appelés

Près de cinq millions d’euros de propagande téléphonique

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Commentaires (14)


2.5 millions de promotion téléphonique ? Genre si j’ai bien compris, un robot t’appelles pour te faire la promo du candidat ?



C’est vraiment n’importe quoi… Comment jeter de l’argent par les fenêtres…


Pas grave c’est pas le sien (et pas vraiment celui des impôts non plus dans ce cas)



Mais je crois que ce n’est pas un robot, c’est un centre d’appel avec un humain derrière le micro.



Ce qui est “amusant” c’est que je crois que l’on peut faire un lien entre le public cible et les frais de promotion téléphoniques.



(faudra quand même me dire comment Jadot a fait pour dépenser 14€)


Personnellement, je suis plus intéressé par des positions politiques que par la dernière promo du jambon 4 tranches de E.Leclerc.



Cela-dit, je me rappelle avoir appelé un numéro spécial - pour avoir des informations sur la rénovation énergétique - et avoir été agacé d’entendre en guise de musique d’attente, une déclaration enregistrée de la ministre de l’écologie de l’époque qui s’auto-félicitait de son opération en faveur de la rénovation énergétique de l’habitat.



Je me rappelle aussi avoir reçu un sms spammé de l’UMP.



Sinon, envoyez-moi vos propositions, je les parcours toujours, et j’aime écouter les militants politiques de la base, ne serait-ce pour voir la différence entre les promesses et la réalité en cas d’élection. Toujours très instructif pour savoir à qui on a affaire.


Je n’ai aucune nouvelle de ma plainte CNIL déposée après le spam vocal de Pécresse. Même pas un accusé de réception.
Soit ils sont sous l’eau, soit l’externalisation des “petits dossiers” en a laissé sur le carreau.



misocard a dit:


Pas grave c’est pas le sien (et pas vraiment celui des impôts non plus dans ce cas)




Malheureusement, si. C’est celui des impots.



Certes elle n’a pas atteint le seuil de remboursement en direct des frais de campagne (dont elle avait explosé le plafond)



MAIS



Mais, l’appel aux dons qui a été lancé pour renflouer les caisses est élégible à une déduction fiscale (66% jusqu’à 7500€ et max 20% de l’impot par foyer pour les dons “politiques”, même mécanisme de ristourne que pour téléthon ou les restos du coeur). Donc sur les 5 millions qu’elle a demandé, si tous les participants ont respecté les règles, ça peut vouloir dire que ça représente 3,3M€ de recettes fiscales en moins (de l’argent public quoi).



vince120 a dit:


Mais, l’appel aux dons qui a été lancé pour renflouer les caisses est élégible à une déduction fiscale




Ah, je ne savais pas (quelle connerie), du coup ça change tout, merci pour l’info.


Avoir aussi en tête que le montant n’est pas forcément directement proportionnel à l’usage. J’imagine par exemple que le candidat Macron a pu probablement obtenir des tarifs bien plus avantageux que Pecresse, Le Pen ou Zemmour.



Ceci vaut bien évidemment aussi pour les autres postes.



Il est d’ailleurs étonnant d’avoir 16 millions de dépenses pour une campagne qu’on a si peu faite…. (suivez mon regard).



eglyn a dit:


2.5 millions de promotion téléphonique ? Genre si j’ai bien compris, un robot t’appelles pour te faire la promo du candidat ?



C’est vraiment n’importe quoi… Comment jeter de l’argent par les fenêtres…




Elle comptait sur le fait que ça aurait été le nôtre :mdr: loupé.


Stop aux spams ! https://www.33700.fr


Mais rien n’empêche un candidat de louer une base de données, dès lors
que les personnes ont donné leur accord pour y figurer.



c’est bon, inutile de chercher plus loin…on a trouvé d’où venait la faille !!! :fumer:



vizir67 a dit:


Mais rien n’empêche un candidat de louer une base de données, dès lors que les personnes ont donné leur accord pour y figurer.





Amen



:pastaper:


L’élection ayant été truquée et privatisée à coup de parrainages, perso, je me fous un peu des montants ou des techniques de comms des uns ou des autres. Le fait que nous ne sommes officiellement plus en démocratie, les urnes étant désormais publiquement bafouées !
Ce pays est devenu un pays de non droit absolu, une dictature eurofasciste qui ne dit pas son nom, qui a commencé avec la haute trahison de sarko en 2008, signant le traité de Lisbonne, lequel reprenait le texte de 2005 que les français avaient OFFICIELLEMENT rejetés par référendum - le dernier en date d’ailleurs, puisqu’ils (comprenez tous ceux qui peuplent cet assemblée nazionale de dupes, et se prétendent encore des démocrates, se sont empressés de supprimer toute expression du souverain (comprenez : le peuple) ! On rappellera qu’ils avaient déjà truqué le temps de parole en 2017, remplaçant soigneusement l’égalité de temps de parole entre candidats, par une équité en faveur unique des “gros” partis (je peux pas dire grands tant ils sont minables).
Dans une vraie démocratie, l’armée aurait défendu le peuple contre l’ennemi intérieur, et balayé la place en provoquant de nouvelles vraies élections, en s’assurant cette fois que tout le monde soit bien représenté, et sur un pied d’égalité.
Mais là encore, nos euronazis ont fait ce qu’il faut pour s’assurer du mutisme de la grande muette, remplaçant soigneusement ses généraux, et lui laissant deux pauvres journées de munitions en stock - même pas de quoi tenir dans une guerre civile - tout en déployant ses petites milices privatisées - voltigeurs ou autres CRS.
Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte du mauvais coton que file ce pays. Mais on est plus au stade de la petite plainte à la CNIL pour un bobo, alors qu’on nous éborgne, qu’on nous nasse et qu’on nous gaze à la première manif venue, avec un troupeau de CRS de chaque côté, des renseignements qui nous filment ouvertement pour mieux préparer le crédit social américano-européen - déjà bien entamé.
J’observe enfin qu’aucun de ces pseudo-démocrates de pacotille, de l’extrême-gauche à l’extrême-droite, n’a bronché devant ce nouveau trucage institutionnalisé de 2022, prouvant bien qu’ils sont tous des traîtres à la Nation en puissance, et qu’ils agissent en bande organisée pour détruire l’état Nation. En créant de grandes régions qu’ils s’emploient à rattacher directement à Bruxelles, tout en arrosant les autonomistes de pacotille, ils oublient de préciser qu’une grande région autonome “dans le cadre de l’UE” aura toujours moins de poids que son état Nation d’origine, et c’est bien là leur solution finale pensée du côté de Washington : diviser pour mieux régner.



Nombre de personnes n’ont pas conscience d’avoir donné cet accord au moment de la signature d’un contrat quelconque.




Mouais, ça sent la case précochée en ce cas, vu le nombre de gens surpris. Ce qui est contraire au RGPD.



D’ailleurs de ce côté en droit français on a un joli passe-droit qui s’asseoit sur le RGPD en autorisant le démarchage postal ou téléphonique sans consentement préalable. Pour le téléphone il suffit que ça ne soit pas un bot de l’autre côté (donc exit le message enregistré d’un candidat).
Pour les emails c’est possible sans consentement préalable si l’utilisateur a déjà acheté un bien ou service similaire à l’entreprise (c’est sans doute casé dans le joker magique de l’intérêt légitime).



Sources :