L’association du nom d’une personne à un terme tel que « mongolien » ou « escroc » dans le cadre des fonctionnalités de Google Suggest doit-elle être appréhendée comme un traitement de données personnelles, au sens de la loi Informatique et Liberté de 1978 ? Non, vient de répondre le tribunal de grande instance de Paris. Une décision importante qui pourrait couper l’herbe sous le pied à certains plaignants. Explications.
Le tribunal de grande instance de Paris.
Au travers d’une décision rendue le 12 juin dernier (et disponible via Juriscom), le tribunal de grande instance de Paris devait répondre aux sollicitations d’une personne, Olivier R., qui s’estimait lésée par la fonctionnalité d’auto-complétion de Google : Suggest. L’intéressé avait en effet constaté qu’en tapant son nom et son prénom dans le célèbre moteur de recherche, ce dernier formulait plusieurs suggestions, dont « olivier r... escroc » « olivier r... presse citron », ou bien encore « olivier r... mongolien ».
Tant et si bien qu’après avoir vainement réclamé auprès de Google la suppression de ces suggestions, Olivier R. a assigné en justice le géant de l’internet en 2011. Il considérait que les associations de ces termes avec son nom par le service Google Suggest étaient diffamatoires et injurieuses à son égard.
Attaque sur le versant de la loi relative à la protection des données personnelles
Jusque là, rien de très surprenant. Sauf que le plaignant a également voulu attaquer Google en s’appuyant sur la loi Informatique et libertés de 1978. Olivier R. estimait en effet que l’entreprise américaine n’ayant pas donné suite à ses demandes de suppression des suggestions litigieuses, ce refus constituait un traitement illicite de ses données personnelles.
Sauf que le tribunal de grande instance de Paris ne l’a pas entendu de cette oreille. Les juges viennent en effet de considérer que la fonctionnalité Google Suggest « ne répond pas à la définition que donne ladite loi [la loi Informatique et Libertés, ndlr] du fichier, soit “tout ensemble structuré et stable de données à caractère personnel accessibles selon des critères déterminés” ». Pour expliquer leur position, les magistrats indiquent qu’il ne peut y avoir violation de la loi de 1978 « dès lors que les mots qui sont suggérés ne présentent pas les caractères de stabilité et de structure imposés par [l’article 2 de la loi Informatique et Libertés] ». Autrement dit, les suggestions formulées par Google ne constituant pas un fichier de données personnelles, impossible de sanctionner le géant de l’internet sur cette base juridique.
Une décision qui pourrait faire des émules
Cette décision est importante, car c’est une des premières à répondre à une telle question, pourtant déjà touchée du doigt dans le passé. On se souvient effectivement que l’année dernière, l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) accusait Google d’avoir « constitué un fichier juif » « en refusant de maitriser son service de suggestion ». Jonathan Hayoun, le président de l’association, faisait valoir dans une tribune que « depuis la loi Informatique et Liberté de 1978, il est interdit d'enregistrer et de conserver en mémoire des informations collectées sur un critère ethno-racial ou religieux sans l'accord des personnes concernées ». L’affaire aurait du être examinée par la justice, mais l’UEJF est finalement arrivée à un accord avec Google, dont on connaît aujourd’hui mieux les répercussions.
Pour revenir au dossier d’Olivier R., ce dernier a été débouté de toutes ses demandes. Il a en effet subi un revers similaire s’agissant des accusations qu’il portait pour injure et diffamation, puisque les juges ont conclu que les faits étaient prescrits.