Blocage des sites pornographiques : ce que dit la nouvelle assignation des FAI par l’Arcom

Le X, un chemin de croix
Droit 5 min
Blocage des sites pornographiques : ce que dit la nouvelle assignation des FAI par l’Arcom
Crédits : piranka/iStock

Selon nos informations, l’Arcom vient de réassigner les FAI Orange, Orange Caraïbe, Free, Free Mobile, SFR et SFR Fibre, Bouygues Télécom, Colt Technologies Services, et Outre-Mer Télécom. Tous comparaitront le 6 septembre, 9h30, devant le président du tribunal judiciaire de Paris. L’enjeu ? Encore et toujours le blocage de Pornhub, Tukif, xHamster, Xnxx et Xvideos.

La date du 24 mai 2022 devait être l’aube d’une nouvelle ère dans la régulation du numérique : la première décision de blocage de cinq sites pornos, sur l’autel d’une loi adoptée deux ans plus tôt. Le texte, initié par la majorité présidentielle, confie au président de l’Arcom le pouvoir de mettre en demeure ces sites d’inventer une solution fiable de contrôle de majorité, et à défaut, de solliciter un blocage judiciaire chez les fournisseurs d’accès.

Ce premier pavé d’une nouvelle route s’est piteusement noyé dans une flaque : à quelques heures de l’audience, l’Arcom s’est emmêlé les pinceaux dans le respect des règles calendaires auprès du tribunal. Peu importe. La partie est en passe d’être rejouée avec une nouvelle assignation adressée aux FAI dans la torpeur estivale. 

Rendez-vous est donc fixé le 6 septembre devant la juridiction parisienne dans une procédure qui pourrait aboutir au blocage de ces principaux sites X, avant de nouvelles salves déjà sur la rampe.  

De nombreux constats et un tour de table européen

Au fil de ces derniers mois, l’autorité qui remplace le CSA depuis le début de l’année 2022 a procédé à de nombreux constats d’huissiers pour établir que ces sites d’un, diffusent des contenus pornos, de deux, sont accessibles aux mineurs. Une infraction à l’article 227-24 du Code pénal, qui rejette au passage le paravent des disclaimers, ces déclarations d’âge où l’internaute « certifie » en un clic être majeur.

Des constats ont ainsi été dressés le 12 février 2021, entre le 28 septembre et le 5 octobre 2021, ou les 1 et 10 février 2022 et même, s’agissant de Tukif, pas plus tard que le 21 juin dernier. Le site installé au Portugal a en effet adopté entretemps AgeVerif. Ce contrôle d’âge n’a pas convaincu l’Arcom en raison de son caractère facultatif sur le site.

Dans la mise en branle de ces procédures, le président de l’Arcom a aussi dû respecter des règles européennes très spécifiques, s’agissant d’éditeurs situés dans d’autres pays de l’UE. Des courriers ont dû être adressés aux homologues chypriote, portugais et tchèque de l’autorité française.

La « faute » à la directive sur le commerce électronique qui interdit par principe à un État européen de « restreindre la libre circulation » d’un service en ligne installé dans un autre État membre.

directive ecommerce

Extrait de la directive e-commerce 

La France s’est engouffrée dans la brèche du point 4 de l’article 3 du texte européen. Une exception à ce principe qui exige néanmoins de respecter plusieurs conditions.

Paris doit démontrer la « nécessité » du blocage, en arguant notamment de « la protection des mineurs ». La mesure doit aussi être « proportionnelle ». Critère qui pourrait être un foyer à de possibles contentieux puisqu’existent d’autres choix, moins attentatoires, pour protéger les mineurs, en particulier l’usage d’un contrôle parental qui opère en bout de réseau, comme l’a rappelé la CNIL.

Dans ce tour de table européen, la France a donc dû demander vainement aux autres États membres de prendre des mesures adéquates à l’encontre des sites à l‘index et enfin, alerter la Commission européenne de son intention d’engager ce blocage.

Aux éditeurs de trouver la solution...

Dans l’assignation renvoyée à l’ensemble des principaux FAI français, le président de l’Arcom plante le décor qui pourrait mener à la scène finale, celle du blocage : des contenus pornographiques. Des sites accessibles aux mineurs. Des éditeurs mis en demeure de trouver une solution fiable. Des mises en demeure non suivies d’effet.

« Il est établi que les sites Ponrhub, Tukif, xHamster, Xnxx et xVideos permettent à des mineurs d’avoir accès à un contenu pornographique en violation de l’article 227-24 du Code pénal et n’ont, malgré la mise en demeure notifiée par l’Arcom, pris aucune mesure de nature à empêcher l’accès des mineurs au contenu incriminé », écrit l’autorité, dans cette nouvelle assignation consultée par nos soins.

Le président de l’Arcom réclame donc un blocage d’accès des cinq sites, notamment par nom de domaine (DNS). Il n’entend pas débourser un centime d’euro. Les FAI doivent assumer le coût de ce  blocage qu’ils n’ont pas réclamé, selon lui. Et ce blocage durera jusqu’à ce que les contenus litigieux ne soient « plus accessibles aux mineurs ».

...sans l’aide de l’Arcom

Dans différents courriers, les cinq sites pornos ont écrit à l’Arcom pour expliquer qu’ils étaient désormais placés dans « une situation d’insécurité juridique ».

Le décret détaillant la procédure de blocage a invité en effet l’autorité à rédiger des « lignes directrices » sur les modalités techniques des restrictions d’accès. Or, ces lignes n’ont jamais été rédigées et publiées par l’autorité administrative, laissant les éditeurs dans l’incertitude, quand la CNIL elle-même n'a pas trouvé d'outil efficace parmi les solutions existantes.

Remarques directement jetées aux oubliettes par l’Arcom : « cet élément est sans lien avec la mise en œuvre des obligations légales relatives à l’âge des utilisateurs des sites, les lignes directrices n’étant pas un préalable nécessaire à l’application de l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 », celui qui instaure cette procédure de blocage.

Dit autrement, l’Arcom peut publier ces lignes directrices dans un an, dix ans ou jamais. Peu importe : cet évènement est sans effet sur la procédure de blocage qui peut poursuivre inlassablement son chemin judiciaire.

Les éditeurs qui espéraient bénéficier d'éclairages utiles ont dû se contenter de cette réponse. Une posture qui tranche quelque peu avec les souhaits de la CNIL, laquelle « estime urgent que des dispositifs plus efficaces, fiables et respectueux de la vie privée soient rapidement proposés et encadrés ». Dans son dossier sur la vérification d’âge en ligne, elle appelle elle aussi l’Arcom à élaborer ces fameuses lignes « détaillant la fiabilité des procédés techniques que les sites web doivent mettre en œuvre pour éviter l’accès des mineurs ».

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