Le projet de loi relatif aux mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat entame son examen en séance à l’Assemblée nationale. Près de 1100 amendements ont été déposés. Tour d’horizon des principales initiatives touchant au numérique. Les uns concentrés sur l'introduction d'un bouton « Résiliation » dans les abonnements en ligne, d'autres sur les pouvoirs de la DGCCRF et les offres forfait + téléphone.
Dans un contexte inflationniste, le gouvernement a ouvert la voie à plusieurs pistes de réformes dont un pan touche l’univers des technologies avec la volonté de faciliter la résiliation des contrats conclus en ligne par des consommateurs.
En substance, l’article 7 du projet de loi d’origine gouvernementale prévoit que « les contrats conclus par voie électronique peuvent être résiliés, au choix des consommateurs, suivant la même modalité ». En clair, si un abonné prend un abonnement sur un site en ligne, la résiliation devra suivre cette même procédure. Impossible pour le professionnel d’exiger un désengagement par lettre recommandée, écrite à la main, en lecture gothique, avec une plume trempée dans l’encre de seiche corse.
Dans un amendement, la France insoumise entend cependant aller beaucoup plus loin pour que « l'option de résiliation simple en ligne d'un contrat soit également obligatoire pour les contrats conclus hors-ligne ». Plusieurs élus LR ont déposé un amendement identique.
Toujours dans le camp LR, des élus veulent d’ailleurs préciser, si besoin est, que cette option de résiliation soit ouverte que l’entreprise soit installée en France ou à l’étranger.
Charles Fournier, élu écologiste-Nupes, souhaite pour sa part étendre cette faculté de résiliation des contrats conclus par voie électronique à tous les contrats conclus à distance. L’objectif ? « S’assurer que les contrats d’assurance souscrits à la suite d’un démarchage téléphonique [puissent] être résiliés sous cette même modalité ». Un amendement issu d’une proposition de l’UFC-Que Choisir, reconnaît l’élu dans un élan de transparence bienvenu.
Dans le texte actuel, il est indiqué que « les contrats conclus par voie électronique peuvent être résiliés, au choix des consommateurs, suivant la même modalité ». Le Rassemblement National ne veut pas laisser un tel choix au consommateur. Ses élus craignent que « le choix [puisse] être soumis au consommateur au moment de la conclusion du contrat sans lui laisser, ensuite, la possibilité de se dédire et de procéder à la résiliation par une autre voie ». Le texte deviendrait, si l’amendement passe : « Les contrats conclus par voie électronique peuvent être résiliés suivant la même modalité ». Ce qui pourrait être moins protecteur du consommateur, si un professionnel estime que la résiliation électronique devient du coup une simple option.
La question des pénalités pour les abonnements Internet ou téléphonique
Le texte en discussion veut également mettre un coup d’arrêt aux 25 % de pénalités actuellement dues en cas de résiliation anticipée d’un contrat de 24 mois en matière de téléphonie ou d’abonnement Internet. La mesure a été adoptée lors de l’examen en commission des affaires économiques.
Ainsi, « lorsqu’un consommateur résilie avant l’échéance un contrat d’abonnement téléphonique ou internet effectif sur plus de douze mois, les frais de résiliation alloués à la deuxième année à hauteur de 25 % sont supprimés », prévient l’article 7 alinéa 7.
Une exception pour les offres abonnements + terminal ?
Des élus de la majorité, et en particulier Éric Bothorel, comptent exclure du champ de cette disposition les offres groupées téléphones + abonnement sur une période déterminée. « La loi Châtel actuellement en vigueur prévoit que si un client engagé pour un abonnement de téléphonie mobile ou internet de 24 mois décide de résilier son offre de manière anticipée, il doit s’acquitter de toutes les sommes jusqu’à 12 mois et payer 25% des sommes restantes entre le 13e et le 24e mois, soit trois mois au maximum », exposent-ils.
Pour ces députés de la majorité, cette disposition « aura pour effet de supprimer les offres avec des engagements de plus de douze mois ». Or, ils dénoncent une incompatibilité avec le droit européen dont la directive établissant le code des communications électroniques européen prévoit qu’une indemnité est due par l’utilisateur final s’agissant des équipements terminaux subventionnés conservés.
Selon Éric Bothorel et ses collègues, « au-delà de l’incompatibilité avec le droit communautaire, c’est le modèle des offres groupées abonnement + terminal qui serait remis en cause. En effet ce type d’offres, assis sur une durée d’engagement de vingt-quatre mois, ne saurait rester équilibré sans la garantie d’une indemnité en cas de résiliation du contrat après les douze premiers mois. Mécaniquement, le rabais consenti sur le prix du terminal diminuerait avec la durée d’engagement, et l’objectif de l’offre visant à rendre accessible un terminal ne serait donc plus atteint ».
Quid des contrats d'assurance ?
L’article 8 du projet de loi concerne les contrats d’assurance. On retrouve la même logique : « Les contrats d’assurance conclus par voie électronique et couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles peuvent être résiliés, au choix de la personne souscriptrice, suivant la même modalité ».
Un amendement des députés Socialistes et apparentés aimerait interdire la résiliation de contrats d’assurance, de mutuelle ou de prévoyance par téléphone. Leur objectif ? Lutter contre la fraude et les abus de faiblesse. « La résiliation de contrats d’assurance ou de mutuelle n’a pas les mêmes conséquences potentielles que celle d’un contrat d’abonnement internet. De nombreuses personnes vulnérables, notamment âgées, sont victimes chaque année de fraudes aux fausses assurances entraînant la résiliation d’assurances antérieures et parfois d’importantes difficultés financières lorsqu’un sinistre advient. »
Vers des réquisitions signées DGCCRF
Relevons surtout l’amendement n°598 du gouvernement portant sur l’article 9 du projet de loi relatif à la lutte contre les pratiques commerciales illicites. L’article initial augmente « le quantum des peines encourues en cas de pratiques commerciales déloyales, en créant deux circonstances aggravantes », résume le rapport en commission.
Ces circonstances sont « d’une part, la conclusion d’un ou plusieurs contrats obtenue par des pratiques commerciales trompeuses ou agressives ; d’autre part, les pratiques commerciales trompeuses ou agressives commises en bande organisée ».
En outre, cet article prévoyait aussi une habilitation du gouvernement à prendre une série d’ordonnances pour renforcer les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).
Finalement, le gouvernement est sorti du bois pour proposer dans son amendement n°598 ce qu’il entendait prendre dans son coin par ordonnance. En substance, son texte prévoit « un dispositif d’échange d’informations entre les agents et officiers de police judiciaire et les agents habilités au titre du code de la consommation ».
De même, le texte revoit la musculature des pouvoirs de la DGCCRF à l’égard des intermédiaires (FAI, moteurs, hébergeurs). Ces mesures, qui ont en particulier visé la plateforme Wish, pourront faire l’objet d’une réquisition de l’administration et d’une publication. Et ce, sans principe du contradictoire.
« Si le principe du contradictoire est évidemment mis en œuvre au bénéfice de l’opérateur visé par ces mesures, il n’y a pas de justification à appliquer ce même principe à l’égard des prestataires de services de la société de l’information qui ne font qu’exécuter les mesures ordonnées par la DGCCRF » expose l’exécutif.
Les débats se dérouleront du 18 au 21 juillet.