Interrogé à Dublin par le site irlandais Silicon Republic, Mark Foster, qui travaille pour la branche du Royaume-Uni et de l'Irlande chez Deezer, a affirmé que la meilleure façon de lutter contre le piratage était de proposer une meilleure offre que celle disponible illégalement. Une remarque logique et sensée, et pourtant trop rarement exprimée dans le monde culturel.
Depuis plus d'une dizaine d'années, le piratage, et plus particulièrement le téléchargement illégal, est la cible préférée des producteurs de musiques et de films. Il faut dire que le phénomène a explosé avec la démocratisation du haut débit et que l'offre illégale s'est accrue à vitesse grand V. A contrario, l'offre légale, elle, a toujours eu un train de retard important. Aujourd'hui encore, le marché légal des films et des séries souffre de la comparaison avec l'offre illégale. Même si l'on met de côté le critère du prix, il reste toujours d'autres problématiques, que ce soit au niveau du catalogue proposé au public, ou encore de la qualité des vidéos offertes.
Du côté de la musique, si un important retard s'est créé à la fin des années 1990 et au début des années 2000, permettant au MP3 et au P2P de s'épanouir comme jamais, il a toutefois été comblé en grande partie ces dernières années. Les catalogues se sont tout d'abord étoffés, au point d'atteindre aujourd'hui entre 25 et 30 millions de titres différents pour les meilleures plateformes légales. La qualité de compression a elle aussi augmenté, au point que certaines plateformes comme le Français Qobuz vont même jusqu'à proposer des fichiers non compressés.
Faire mieux que l'offre illégale, la seule réponse possible
Mais comme l'explique Mark Foster, pour lutter contre les offres illégales, qui sont par essence gratuites (ou presque selon le moyen d'accès), proposer un catalogue complet et des fichiers de bonne qualité n'est pas suffisant. « Nous devons proposer un service supérieur à l'offre illégale » a-t-il ainsi affirmé. La force des plateformes légales se situe ainsi sur leur éditorialisation ainsi que sur l'expérience utilisateur, que ce soit sur ordinateur, smartphone, tablette ou même d'autres plateformes (TV, chaine Hi-Fi, baladeurs, etc.). Une logique qui explique le succès d'un Netflix ou d'un iTunes aux États-Unis, ou même d'un Spotify et d'un Deezer en Europe.
Seulement, si cette philosophie coule de source, ces dernières années ont plus été consacrées à sanctionner l'internaute plutôt qu'à réellement pousser les offres légales. Et ce n'est pas PUR.fr qui inversera la tendance. La meilleure arme pour lutter contre l'accès illégal est pourtant bien de développer massivement l'offre légale. En matière de vidéo, cela ne peut passer que par une mise à mal de la chronologie des médias pour la France. Quant à la musique, il semble qu'après moult erreurs (DRM, compression médiocre, etc.) le secteur soit sur la bonne voie même si des améliorations peuvent toujours être réalisées.
Le plus important aujourd'hui est surtout d'orienter le marché vers une amélioration forte de l'offre légale. Tant que cette dernière ne satisfera pas le public, le piratage sur internet aura de beaux jours devant lui, peu importe les moyens mis en place par le ministère de la Culture pour y faire face, ceci aux frais du contribuable. La bataille se gagnera sur le légal plus que sur la lutte directe de l'illégal. Bonne nouvelle, le rapport Lescure va en partie dans ce sens. Il faut toutefois rester prudent quant aux conséquences bénéfiques de ce rapport.
Enfin, on se rappellera qu'en novembre dernier, Alex Dauchez, le patron de Deezer, pointait du doigt la situation ambigüe de YouTube : « On ne peut pas ne pas voir l’explosion du piratage (…) je parle à la fois du piratage pirate, mais aussi du piratage légal. Ce qu’on peut trouver sur YouTube peut à pas mal de points de vue être considéré comme du piratage, c’est-à-dire fondamentalement un usage extrêmement libre et non monétisé de la musique, ou monétisé au profit non pas des ayants droit et des plateformes, mais de tiers. » Il est vrai que YouTube regorge d'albums complets disponibles gratuitement en streaming, ce qui pose logiquement problème à des acteurs comme Deezer et Spotify. D'autant plus que YouTube ne paie pas forcément les mêmes droits que les deux plateformes spécialisées dans le streaming audio.