Aurélie Filippetti a été auditionnée hier par la commission des affaires culturelles sur les suites du rapport Lescure. « Le rapport n’est pas une solution clef en main, en kit, dont nous serions les assembleurs » a assuré la ministre, avant de détailler chacun des thèmes dont le sac de nœuds de la Hadopi.
Dès les premières minutes de son audition, la ministre de la Culture a confirmé une énième fois la coupure de la coupure. Le décret est attendu dans les semaines à venir. Il sera publié alors qu’un jugement vient tout juste d’être rendu, où un employé municipal s’est vu condamné à 15 jours de suspension.
Dans un exercice de style périlleux, la ministre a justifié la persistance de la riposte graduée, contre laquelle elle s’était tant battue alors députée : « Le rapport de Pierre Lescure ne propose pas l’abolition de toute sanction à l’encontre des internautes qui téléchargent illégalement. De manière tout à fait pragmatique, il propose le maintien du mécanisme de réponse graduée moyennant certains aménagements ».
Pragmatique ? « Ce mécanisme a été jugé intéressant puisqu’en pratique c’est sa dimension pédagogique qui a prévalu notamment par l’utilisation qui a été faite par la commission de protection des droits de ses prérogatives » applaudit l’ancienne opposante. « La phase de dialogue, qui est très importante avec les internautes, semble nécessaire, donc il nous semble bon de privilégier cette dimension pédagogique dans un univers où les pratiques évoluent très vite » complète-t-elle.
On appréciera les éléments de langage où la réponse graduée n’est finalement rien d’autre qu’une « phase de dialogue » dans un cadre « pédagogique », une solution « pragmatique ». La ministre jure aussi que la réponse graduée n’est que « transitoire » au vue de l'évolution des usages... « Il est proposé pour un temps déterminé, qui sera sans doute peu long, de conserver ce mécanisme en transférant la réponse graduée au CSA dont les compétences seraient réorganisées pour s’adapter à l’ère du numérique ». Le « peu long » peut-être demain comme dans dix ans.
L'amende administrative est trop automatique selon Aurélie Filippetti
Surtout, la ministre révèle que finalement l’amende administrative n’a plus ses faveurs. « Nous avons fait expertiser la manière dont pourrait évoluer [la sanction Hadopi] d’un point de vue juridique. Pour ma part, je ne pense pas que cela doit être une sanction administrative, parce qu’une sanction administrative a quelque chose d’automatique et le juge administratif n’a pas de latitude d’appréciation concernant l’opportunité des poursuites »
Selon la ministre, « seul le juge judiciaire a cette capacité de juger l’opportunité des poursuites.. C’est une garantie plus grande pour les droits des internautes. On est en train de travailler sur ces questions. Pour ma part ma préoccupation majeure est de garantir les libertés individuelles. » Si l'amende contraventionnelle est conservée, le dispositif de la riposte graduée pourrait rester intact quelle que soit son enveloppe (Hadopi, CSA ou autre). L'automaticité de la sanction administrative avait été contestée par le rapport Lescure. En dénonçant finalement cette automaticité, la ministre pourra présenter sa réforme sous l'angle de l'apaisement.