La question écrite de la députée Laure de la Raudière s’était-elle perdue dans les méandres des couloirs de Bercy ? Alors que le dernier sommet de l’Union internationale des télécoms (UIT), qui se tenait à Dubaï, s’est achevé il y a plus de six mois, l’élue UMP vient tout juste de recevoir sa réponse de la ministre déléguée à l’Économie numérique à ce sujet... Cette dernière parle d'ailleurs comme si la conférence n'avait pas encore débuté !
Le 13 novembre dernier, Laure de la Raudière interrogeait le Premier ministre au sujet de la Conférence mondiale sur les télécommunications internationales, qui s’est tenue pour mémoire du 3 au 14 décembre à Dubaï. La parlementaire faisait alors valoir que plusieurs États membres soutenaient des amendements visant à étendre les compétences de l'UIT « à des sujets tels que la cybercriminalité, l'adressage et le routage IP, la rétention des données et à la traçabilité des communications Internet au niveau international... ». Inquiète du « tournant très politique » pris par ces négociations qu’elle jugeait « cruciales pour l'avenir de l'Internet », la députée souhaitait savoir si le gouvernement « [défendrait] une position favorable à la neutralité d'Internet et quelle [serait] la définition de neutralité d'Internet dont il [assurerait] la promotion ».
Troublant silence de l'exécutif
Même à quelques jours de cette conférence, aucune annonce officielle n’avait été faite par le gouvernement. « Je suis très ennuyée qu’il n’y ait aucune position de la France sur la neutralité d’Internet dans le cadre de l’UIT. C’est même très regrettable », expliquait l'élue à PC INpact début décembre. Ce silence était d’autant plus surprenant qu’une consultation publique avait été ouverte par l’exécutif au mois d’octobre afin de préparer la position de la France. Même suites à nos sollicitations, Bercy se refusait à tout commentaire.
Il aura donc fallu attendre que la conférence soit finie, le 14 décembre au soir, pour enfin connaître la position de Paris. Le cabinet de la ministre déléguée à l’Économie numérique, Fleur Pellerin, se décidait à nous informer que la France se rangeait à la position de ses partenaires européens en ne signant pas la nouvelle version du règlement des télécommunications internationales alors en discussion depuis une dizaine de jours. « Il y avait une deadline, qui était hier soir [le 13 décembre 2012, ndlr], et la position de la France a été connue lors de cette deadline » se défendait alors Bercy. Selon l’exécutif, ce silence était en fait « juste une question de timing : le temps de la négociation, de la politique, de la diplomatie internationale... n’est pas le temps des médias. Ce qui compte, c’est le fond ».
Six mois après...
Mais voilà que plus de six mois après la fin du sommet, la ministre déléguée à l’Économie numérique vient de répondre à Laure de la Raudière. On se demande d’ailleurs pourquoi, mais Fleur Pellerin parle au futur : « La conférence mondiale des télécommunications internationales (...) aura lieu du 3 au 14 décembre à Dubaï. Cette conférence sera chargée de réviser le règlement des télécommunications internationales »...
Au final, les questions de la députée ne sont pas abordées de façon frontale. La locataire de Bercy rappelle qu’au niveau national, « plusieurs réunions de préparation avec le secteur privé ont été organisées, ainsi qu'une consultation publique en vue de recueillir les commentaires et avis de l'ensemble des acteurs concernés ». Fleur Pellerin insiste également sur le fait que la France travaille à la préparation du sommet au travers des institutions européennes, et plus particulièrement de la conférence européenne des administrations des postes et des télécommunications (CEPT), usant du conditionnel et du futur. Elle dit par exemple que « la France partage pleinement les principes généraux élaborés par la CEPT en vue de cette conférence ».
Sans jamais donner de définition ni de position s'agissant de la neutralité du Net, la ministre déléguée à l’Économie numérique assure à la députée que « la France n'est pas favorable à l'intégration de dispositions relatives à la gestion des ressources critiques de l'internet dans le RTI, dans la mesure où ce sujet est discuté dans d'autres entités et qu'il ne relève pas de la compétence de l'UIT ».
Rappelons enfin que la neutralité du Net, sujet qui tient à cœur la député Laure de la Raudière de longue date, pourrait éventuellement être traduite sur un plan législatif d’ici l’année prochaine. Fleur Pellerin l’a encore évoqué la semaine dernière, tout en restant très prudente. La ministre s’est en effet contentée d'utiliser le conditionnel, laissant entendre que la porte était ouvrable, mais que l’exécutif pourrait aussi choisir de ne pas l'ouvrir.