Voie lactée : tremblements stellaires, ADN des étoiles et autres surprises dans le catalogue DR3 de Gaia

Voie lactée : tremblements stellaires, ADN des étoiles et autres surprises dans le catalogue DR3 de Gaia

Le Soleil et deux milliards d'autres étoiles

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

13/06/2022 6 minutes
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Voie lactée : tremblements stellaires, ADN des étoiles et autres surprises dans le catalogue DR3 de Gaia

C'est enfin le jour J pour la Data Release 3 (DR3) du satellite d'observation de notre galaxie, Gaia. Elle propose des données enrichies sur près de deux milliards d'étoiles, avec des découvertes « surprenantes » à la clé, notamment des « tremblements stellaires [...] qui modifient la forme des étoiles ».

En décembre 2020, l’Agence spatiale européenne mettait en ligne le catalogue EDR3 (Early Data Release 3) du satellite d'observation Gaia. Il s'agissait alors d’une étape importante, comme s'en réjouissait François Mignard, directeur du Centre de recherches en géodynamique et astrométrie (membre du Gaia Science Team) : « Gaia est en train d’écrire l’histoire, et à chaque remise de données nouvelles – même partielles comme aujourd’hui avec l’EDR3 […] – de nouveaux éléments s’ajoutent ». Ce catalogue « Early » était néanmoins incomplet. 

Et voilà le Data Release 3 complet, sur près de deux milliards d'étoiles

Aujourd'hui, une nouvelle étape est franchie avec la mise en ligne du « trésor de données concernant la galaxie où nous vivons » sur prés de deux milliards d’étoiles qui la composent. Les données seront publiées à 12h aujourd'hui, mais l'Agence spatiale européenne propose déjà un tour d'horizon.

Pour rappel, un premier jeu de données était publié en 2016 sous le nom Gaia DR1 (Data Release 1), avec entre autres choses la position dans le ciel de plus d'un milliard d’étoiles. En 2018, c’était au tour du second jeu de données DR2, avec des informations sur pas moins de 1,7 milliard d’étoiles. On passe à près de deux milliards avec le catalogue (E)DR3. 

Des nouveautés étaient attendues de pied ferme avec cette édition 2022 : « le catalogue comprend de nouvelles informations, notamment des compositions chimiques, des températures stellaires, des couleurs, des masses, des âges et la vitesse à laquelle les étoiles se rapprochent ou s’éloignent de nous (vitesse radiale) ». Une grande partie de ses données ont été obtenues par spectroscopie.

Des données à foison et des découvertes « surprenantes »

L'Agence spatiale européenne explique que le catalogue DR3 propose ainsi des sous-ensembles d’étoiles classées comme « spéciales », notamment celles qui changent de luminosité au fil du temps :

« Un nouveau catalogue d’étoiles binaires présente les caractéristiques orbitales de plus de 800 000 systèmes binaires, tandis qu’une nouvelle étude d’astéroïdes comprenant 156 000 corps rocheux fouille plus profondément dans l’origine de notre système solaire. Gaia révèle également des informations sur 10 millions d’étoiles variables, de mystérieuses macromolécules entre les étoiles, ainsi que des quasars et des galaxies au-delà de notre propre voisinage cosmique ».

Bref, de quoi occuper les scientifiques pendant des années. 

Des étoiles qui changent de forme

L'ESA en profite pour revenir sur « l’une des découvertes les plus surprenantes » identifiées dans les nouvelles données DR3 : « Gaia est capable de détecter des tremblements stellaires – de minuscules mouvements à la surface d’une étoile – qui modifient la forme des étoiles ». Un résultat d'autant plus intéressant que le satellite n'était pas conçu pour ce genre d'observations à l’origine.

Dans les précédentes observations de Gaia, on trouvait déjà des oscillations radiales qui avaient pour conséquence de faire gonfler et rétrécir les étoiles périodiquement, mais les étoiles gardaient alors leur forme sphérique. Il est cette fois-ci question de « vibrations qui ressemblent davantage à des tsunamis à grande échelle ».

« Ces oscillations non radiales modifient la forme globale d’une étoile et sont donc plus difficiles à détecter », explique l'ESA. De tels événements ne sont pas anecdotiques puisqu'ils ont été détectés dans des milliers d'étoiles à travers notre galaxie.

« Les tremblements stellaires nous apprennent beaucoup sur les étoiles, notamment leur fonctionnement interne », explique Conny Aerts de la KU Leuven en Belgique (membre de la collaboration Gaia). C'est une « mine d’or pour ‘l’astérosismologie’ des étoiles massives », ajoute l'astronome belge. 

L'« ADN » des étoiles pour comprendre leur histoire

Les données issues de Gaia permettent aussi d'en apprendre davantage sur l'« ADN » des étoiles, c'est-à-dire leur composition chimique. Cette information est importante car elle peut donner des indications « sur leur lieu de naissance et leur voyage par la suite, donc sur l’histoire de la Voie lactée ».

Le nouveau catalogue propose rien moins que « la plus grande carte chimique de la Galaxie, couplée à des mouvements 3D, depuis notre voisinage solaire jusqu’aux galaxies plus petites entourant la nôtre ». L'Agence spatiale européenne explique simplement en quoi la composition interne est importante : 

« Certaines étoiles contiennent plus d’éléments « lourds » que d’autres. Lors du Big Bang, seuls des éléments légers se sont formés (hydrogène et hélium).

Tous les autres éléments plus lourds – appelés métaux par les astronomes – sont construits à l’intérieur des étoiles. Lorsque les étoiles meurent, elles libèrent ces métaux dans le gaz et la poussière entre les étoiles, appelés le milieu interstellaire, à partir duquel de nouvelles étoiles se forment.

La formation et la mort d’étoiles actives conduiront à un environnement plus riche en métaux. Par conséquent, la composition chimique d’une étoile est un peu comme son ADN, nous donnant des informations cruciales sur son origine ».

« Notre galaxie est un magnifique creuset d’étoiles »

Au sein de notre galaxie (la Voie lactée), certaines étoiles sont constituées de matière primordiale (issue du big bang), tandis que d'autres comportent des éléments complexes de matières qui proviennent de générations précédentes d'étoiles. C'est notamment le cas de notre Soleil.

Dans l'ensemble, « les étoiles les plus proches du centre et du plan de notre galaxie sont plus riches en métaux que les étoiles situées à de plus grandes distances ».

En analysant leur composition chimique, le satellite Gaia a aussi pu identifier que certaines étoiles de notre galaxie sont originaires d'autres galaxies. « Notre galaxie est un magnifique creuset d’étoiles », s'exclame Alejandra Recio-Blanco de l’Observatoire de la Côte d’Azur en France (membre de la collaboration Gaia).

Tout cela nous « raconte l’histoire de la formation de notre galaxie », aussi bien avec les migration interne que les accrétions externes. Cela « montre aussi clairement que notre Soleil, et nous, appartenons tous à un système en constante évolution, formé grâce à l’assemblage d’étoiles et de gaz d’origines différentes ».

La balle est désormais dans le camp des scientifiques qui vont pouvoir analyser les données du DR3 de Gaia. Nul doute que de nombreuses publications sont à venir.

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Des étoiles qui changent de forme

L'« ADN » des étoiles pour comprendre leur histoire

« Notre galaxie est un magnifique creuset d’étoiles »

Commentaires (6)


Un sacré catalogue et surtout de quoi occuper des generations d’astronomes. Rien que de voir la cinématique des étoiles entre elle est quelque chose d’incroyable et donne le vertige.
D’autre part il doit y avoir des milliers d’exoplanètes découvertes dans cette release.



La balle est désormais dans le camp des scientifiques qui vont pouvoir analyser les données du DR3 de Gaia. Nul doute que de nombreuses publications sont à venir.




=RECHERCHEV() :-D


Allez hop, on intègre tout ça dans la prochaine version d’Elite ?


Et de Space Engine



(reply:2076921:Benoit NI)




Et dans le Bolchoï Arena 😉


Man, voilà de la maille bien investie ! :incline:



Un big MEGA catalogue de la Redoute Cooosmique qui va nourrir des générations de chercheurs… et de rêveurs !



A écouter absolument : un épisode de “La Méthode Scientifique” entièrement consacré à ce Big Release.



Des données de position précises, en trois dimensions, et suivies dans le temps ? Des spectrographies ultra-fines qui permettent de voir la composition chimique d’une palanquée d’objets ?



…Non mais… c’est le Bob Marley de la Data ! :fumer:



Yo man ! One Love ! Vazy C d’la bonne ! :8 :oui2: :love: