App Store : Apple supprime les anciennes applications, les développeurs grognent

Le printemps ? Osef
Mobilité 8 min
App Store : Apple supprime les anciennes applications, les développeurs grognent
Crédits : ginosphotos/iStock

L’entreprise s’est lancée dans un radical ménage de printemps. Les développeurs en sont parfois pour leurs frais, face à des règles fortes et souvent appliquées de manière aveugle. Apple a fini par s’en expliquer, offrant du temps pour s’adapter. Mais le temps n’est pas la principale contrainte.

Les grandes entreprises possédant des boutiques y règnent presque en maîtres. Elles en fixent les règles et sont censées garantir à la fois la sécurité des utilisateurs et un terrain de jeu équitable pour les développeurs.

La bonne tenue d’une boutique est complexe, mais les récompenses sont à l’avenant. Le nombre d’applications attire les clients, qui en échange achètent les appareils permettant d’en profiter, augmentant l’attraction de la plateforme et donc plus de développeurs. Un cercle vertueux qu’ont réussi à mettre en place Apple et Google surtout. On se rappelle les déboires de Microsoft dans ce domaine, avec un Windows Phone finalement abandonné, alors qu’il disposait de qualités certaines.

Il existe cependant une différence entre l’App Store d’Apple et le Play Store de Google : les règles sont non seulement nombreuses, mais également plus strictes chez le premier. On ne peut en particulier pas y laisser une application sans aucune nouveauté pendant des années.

Apple s’est donc lancée la semaine dernière dans un grand ménage de printemps sur sa boutique, des applications disparaissant du jour au lendemain. Point commun : elles n’avaient reçu aucune mise à jour depuis plusieurs années. Comme on va le voir, l’écart peut être très variable.

Des développeurs sommés de proposer de nouvelles versions

Que des règles imposent de rafraîchir de temps en temps un vieux code pourrait sembler naturel. Après tout, Apple a beau mettre régulièrement à l’honneur des applications dans sa boutique ou pendant ses conférences, l’entreprise est avant tout intéressée par l’image qu’elle renvoie en toute circonstance.

On trouve facilement sur Twitter des messages de développeurs dans l’incompréhension après réception d’une « App Improvement Notice ». Dans celle-ci, Apple résume la situation : le code de l’application n’a pas bougé depuis plusieurs années, il faut le mettre à jour. Mais « Comment ? », demandent certains, et surtout « Pourquoi ? ».

La mesure semble affecter particulièrement les auteurs de jeux. Le 23 avril, Robert Kabwe, créateur du jeu indépendant Motivoto, indiquait sur Twitter qu’Apple prévoyait de supprimer son jeu si aucune mise à jour n’était faite rapidement. Raison invoquée : la dernière remontait à plus de deux ans. Kabwe a 30 jours pour remédier à la situation.

Simon Barker, un autre développeur, lui répond : « J’ai reçu un email ce matin indiquant la même chose pour une de mes applications. Elle n’a eu aucun rapport de plantage, a toujours des téléchargements après cinq ans, n’a pas besoin d’une v2 et Apple décide qu’il faut s’en aller. À cause des changements entre les versions de Swift, je n’ai pas le temps d’envoyer une évolution significative ».

Même chose chez Kosta Eleftheriou : « Apple a également retiré une version de mon FlickType Keyboard spécifiquement organisée pour la communauté malvoyante, parce que je ne l’avais pas mise à jour en deux ans. Pendant ce temps, des jeux comme Pocket God n’ont pas été mis à jour par leurs développeurs depuis 7 ans ». Dans un autre tweet, il fait remarquer que même certaines applications d’Apple sont plus anciennes que la sienne, comme iTunes Movie Trailers, dont la dernière version a plus de quatre ans. Citons aussi AirPort Utility et Beats Pill+.

Toujours sur Twitter, Emilia Lazer-Walker peste elle aussi, plusieurs de ses jeux étant en passe d’être supprimés. Comme elle l’explique cependant, « les jeux peuvent exister en tant qu’objets finis ! ». En d’autres termes, un jeu dont le développement est considéré comme terminé n’a pas de raison d’être mis à jour, particulièrement quand ce sont des titres gratuits. « Microsoft fait l’effort de vous laisser exécuter des applications Win95 vieilles de 30 ans sur des appareils Windows on ARM. C’est une décision politique, pas technique ».

Dura lex, sed lex

Devant une situation plus tendue sans doute qu’imaginé, Apple est sortie de son habituelle réserve. Dans un message publié vendredi soir, l’entreprise rappelle qu’en 2016, un effort particulier avait été fait pour promouvoir les applications de qualité. Un processus constant de révision, nommé App Store Improvements, était alors mis en place pour vérifier que les applications restaient dans les clous. On imagine le plaisir d’Apple à le préciser : le processus a été créé « à la demande des développeurs ».

Pour résumer, il s’agissait d’écarter de l’App Store les applications qui ne fonctionnaient plus comme elles le devaient, ne suivaient plus les règles de révision ou étaient obsolètes. En six ans, ce ne sont pas moins de 2,8 millions d’applications qui ont été ainsi supprimées.

« Dans le cadre du processus App Store Improvements, les développeurs d’applications n’ayant pas été mises à jour au cours des trois dernières années et ne parvenant pas à atteindre un palier minimal de téléchargements – signifiant que l’application n’a pas été du tout téléchargée ou extrêmement peu sur les 12 derniers mois – reçoivent un email les notifiant que leur application a été identifiée pour un possible retrait de l’App Store », explique Apple.

Mais la firme a beau se tenir droite dans ses bottes et rappeler que le processus était initialement une idée de la communauté des développeurs tiers, elle tente quand même l’apaisement. Elle rappelle que l’on peut faire appel de cette décision. En outre, le temps laissé pour apporter les modifications nécessaires passe de 30 à 90 jours.

Point important, les applications qui disparaissent de cette manière de l’App Store ne sont pas supprimées des appareils où elles sont installées. Une fois qu’elles ont été téléchargées, qu’elles soient gratuites ou payantes, l’utilisateur en possède une licence d’utilisation. Les personnes concernées pourront les retélécharger en cas de besoin.

Les développeurs veulent plus d’informations

Les développeurs concernés insistent tous sur un point : il est idiot de réclamer une mise à jour dans le simple but de mettre à jour. Avec le temps, ils passent à d’autres applications ou projets. Intimer l’ordre d’apporter des changements au bout de plusieurs années est donc complexe, surtout en ne laissant (initialement) qu’un mois. Plusieurs années représentent une éternité en informatique, les environnements de développement, les langages et technologies évoluent vite.

Robert Kabwe, dans une autre série de tweets, a ainsi indiqué qu’une personne de chez Apple l’avait contacté après son message initial. Il a pu échanger et a manifestement profité de l’occasion pour faire quelques suggestions : « Supprimer des jeux ne devrait être fait que pour de bonnes raisons, qui ont besoin d’être communiquées clairement, spécifiquement et longtemps à l’avance ».

Il prend pour exemple la grande migration des applications vers le 64 bits, quand Apple a abandonné le 32 bits, d’abord sur iOS puis macOS. La grande « purge » avait des raisons techniques claires, avait été annoncée longtemps à l’avance et « s’était appliquée équitablement à tous les développeurs ».

Ses recommandations à Apple ne s’arrêtent pas là. Il aimerait par exemple des dates de retrait cohérentes entre applications. Une bonne idée : la possibilité de revenir à la version précédente de l’application. Cette capacité serait sans doute complexe à mettre en place, notamment pour les applications servant de clients pour des services actifs, par exemple un jeu joué exclusivement en ligne. Il apprécierait en outre de pouvoir viser des appareils spécifiques et plus simplement des versions d’iOS. Il juge ces dernières trop vagues, notamment parce qu’elles sont compatibles avec de nombreux appareils. Pouvoir cibler des appareils précis permettrait selon lui de garantir une expérience cohérente.

Surtout, il rappelle que forcer des développeurs à mettre à jour leurs applications plusieurs années après la dernière version provoque une cascade d’autres obligations. Si la personne concernée n’a plus publié sur l’App Store, elle va devoir recompiler la nouvelle version avec le dernier Xcode, dont la version 13 réclame macOS Big Sur. Ce dernier ayant fait l’impasse sur d’anciens Mac, il faudra peut-être racheter du matériel plus récent.

En outre, les applications sont le plus souvent constituées de plusieurs briques, y compris les jeux. Si l’on prend le dernier Xcode sur Big Sur, il faudra par exemple une version récente d’Unity. Pour chaque montée en version d’une brique, les développeurs doivent vérifier les fonctions dépréciées, les API supprimées, les incompatibilités en tout genre et, globalement, que le jeu fonctionne encore bien dans tous les scénarios.

Un grand ménage en préparation chez Google aussi

Que l’on se « rassure » : Apple n’est pas la seule entreprise à vouloir faire du ménage. Google prépare également de son côté une opération coup de poing, qui devrait entrainer encore plus de conséquences sur le Play Store, où les règles étaient jusqu’à présent moins strictes.

Comme annoncé sur l’un de ses blogs le 6 avril, Google compte imposer aux développeurs une nouvelle aussi simple que radicale : toute application sur la boutique doit viser un niveau d’API Android sorti au cours des deux dernières années. Selon Google, il s’agit de mettre tout le monde à la page sur les mesures de sécurité qui, il est vrai, se sont renforcées au cours des dernières années.

Actuellement, la règle doit entrer en vigueur le 1er novembre. Elle viendra compléter l’actuelle sur les nouvelles applications et mises à jour, qui exigent un niveau d’API n’excédant pas un an.

Selon l’entreprise, la « vaste majorité » des 2,87 millions d’applications sur le Play Store est déjà compatible avec cette future obligation. Google promet d’avertir les développeurs à l’avance et de les aider avec les ressources nécessaires.

Même si Google prévient six mois avant l’application de cette règle, il est probable que de nombreuses applications quittent le Play Store. Il s’agira d’un roulement permanent, donc d’une purge étalée dans le temps. Sur Android toutefois, le problème est moindre pour les développeurs, qui peuvent se tourner vers d’autres boutiques ou même proposer les APK sur leurs propres sites.

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