« Neptune est en soi très intrigante pour beaucoup d'entre nous, car nous en savons encore très peu sur elle », explique le chercheur Michael Roman… et cela ne va pas s’arranger. Dans une publication, il détaille des changements surprenants de température qui laissent « entrevoir une image plus complexe de l'atmosphère de Neptune ».
Depuis que Pluton a été déclassée dans la catégorie des planètes naines, Neptune occupe la dernière place des planètes de notre Système solaire. Cette géante glacée ressemble sur certains points à la Terre, notamment par sa couleur bleue, dûe au méthane.
Découverte récemment (en 1846), elle n’a eu droit qu’à une seule visite avec la sonde Voyager 2 en août 1989. Il est évidemment possible de l’observer depuis la Terre… mais parfois avec plus de questions que de réponses. C’est le cas aujourd’hui.
Avec plusieurs télescopes, dont le Very Large Telescope de l'Observatoire Européen Austral (alias le VLT de l'ESO), une équipe de chercheurs venant de plusieurs pays à travers le monde a suivi « les températures atmosphériques de Neptune sur une période de 17 ans ».
Surprise, ils ont constaté une baisse des températures suivie d'un réchauffement. « Ce changement était inattendu » explique Michael Roman, postdoctorant et auteur principal de l'étude publiée ce lundi 11 avril dans la revue The Planetary Science Journal.
17 années de mesures, mais une saison dure… 40 ans
Comme la Terre et les autres planètes, Neptune connaît des saisons en fonction de sa position autour du Soleil… mais avec des temps à rallonge. Elle est en effet beaucoup plus éloignée de notre étoile que la Terre et « une saison de Neptune dure environ 40 ans », ce qui donne un peu plus de 160 années terrestres pour une année complète sur Neptune. Actuellement, et depuis 2005, c’est l’équivalent de l’été dans l'hémisphère sud de la huitième planète.
Pour suivre les évolutions de la température, les scientifiques ont « examiné près de 100 images infrarouges thermiques de Neptune, prises sur une période de 17 ans, afin de reconstituer les tendances générales de la température de la planète de manière plus détaillée que jamais ».
Toute une panoplie de télescopes
Le principe de fonctionnement est assez simple : les chercheurs utilisent des caméras thermiques pour mesurer la lumière infrarouge émise par les astres. Dans le cas de Neptune, c’est une couche bien particulière de l'atmosphère qui a été passée au crible : la stratosphère.
« Pour leur analyse, l'équipe a combiné toutes les images existantes de Neptune recueillies au cours des deux dernières décennies ». Un tiers provient de l'instrument VISIR (VLT Imager and Spectrometer for mid-InfraRed) du VLT de l'ESO, qui est installé dans le désert d'Atacama (Chili). D’autres sources ont été mises à contribution : le télescope spatial Spitzer de la NASA, le télescope Gemini Sud au Chili, ainsi que les télescopes Subaru, Keck et Gemini Nord qui se trouvent à Hawaï.
Neptune se trouve en moyenne à 4,5 milliards de kilomètres environ et, même sil l’on parle de réchauffement, la planète reste très froide. La température moyenne est aux alentours de -220°C, la mesurer avec précision depuis la Terre n'est donc « pas une tâche facile ». Pour l’Observatoire, ce n’est d’ailleurs « possible qu'avec des images infrarouges sensibles provenant de grands télescopes comme le VLT qui peuvent observer clairement Neptune, et celles-ci ne sont disponibles que depuis une vingtaine d'années », affirme Leigh Fletcher, un des co-auteurs de l’étude.
L’été arrive, les températures baissent… puis remontent
Les scientifiques s’attendaient à ce que l’arrivée de l’été austral – « se dit de tout ce qui concerne la direction opposée à celle du nord », soit le sud en opposition à boréal rappelle le Larousse – entraine un réchauffement des températures, mais ce ne fut pas le cas.
Les données ont en effet montré que « la plupart de la planète s'était progressivement refroidie au cours des deux dernières décennies ». La différence est notable puisque, entre 2003 et 2018, la température moyenne globale de Neptune est descendue de 8 °C.
Entre 2018 et 2020, une autre surprise attendait les scientifiques : « un réchauffement spectaculaire du pôle sud de Neptune ». Les températures ont en effet rapidement augmenté de 11 °C sur ces trois années. « Bien que le vortex polaire chaud de Neptune soit connu depuis de nombreuses années, un réchauffement polaire aussi rapide n'avait jamais été observé auparavant sur la planète », ajoute l’Observatoire.
Dans les images ci-dessous, les trois premières (2006, 2009, 2018) proviennent de l’instrument VISIR du VLT, tandis que l'image de 2020 est issue de l'instrument COMICS de Subaru car « VISIR n'était pas en service au milieu de la fin de 2020 à cause de la pandémie ». Le point lumineux en bas de Neptune montre le réchauffement important entre 2018 et 2020.

« Des changements importants et rapides »… sans explications
Comme indiqué précédemment, les données s’étalent sur 17 ans, ce qui est à la fois beaucoup dans l’absolu, mais aussi peu comparé à la durée d’une saison (40 ans). « Nos données couvrent moins de la moitié d'une saison de Neptune, donc personne ne s'attendait à voir des changements importants et rapides », indique Glenn Orton, chercheur principal au Jet Propulsion Laboratory (JPL) de Caltech et co-auteur de l’étude.
Pour l’Observatoire, ces variations de température sur la planète sont tellement inattendues que « les astronomes ne savent pas encore ce qui a pu les provoquer ». Plusieurs pistes sont évoquées : « Elles pourraient être dues à des changements dans la chimie de la stratosphère de Neptune, à des phénomènes météorologiques aléatoires, ou même au cycle solaire ».
D’autres observations seront probablement nécessaires pour en apprendre davantage. C’est évidemment l’occasion pour l’ESO de remettre en avant son futur ELT (Extremely Large Telescope) qui pourra fournir des images plus détaillées, mais aussi du télescope James Webb qui permettra quant à lui d'obtenir « de nouvelles cartes sans précédent de la chimie et de la température de l'atmosphère de Neptune ».