Sonde JUICE : l’importance des tests sur Terre avant de partir pour Jupiter

Sonde JUICE : l’importance des tests sur Terre avant de partir pour Jupiter

J’ai glissé chef !

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Sébastien Gavois

Publié dans

Sciences et espace

08/04/2022 9 minutes
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Sonde JUICE : l’importance des tests sur Terre avant de partir pour Jupiter

Durant trois semaines, la sonde JUICE va subir des tests intensifs dans la salle anéchoïque d’Airbus à Toulouse, avant d’enchainer avec d’autres séries de tests (intégration, vibration, bruit, communication…), toujours dans les gigantesques installations du fabricant. Sur place, des responsables de la mission nous en expliquent les enjeux.

Dans la première partie de notre dossier, nous nous sommes intéressés à l’histoire de la mission JUICE de l’Agence spatiale européenne (ESA), ses défis techniques et son assemblage délicat. Nous allons désormais nous pencher sur les dernières phases de tests qui sont en train de se dérouler en ce moment même à Toulouse, dans l’immense salle blanche d’Airbus.

Ces opérations doivent se dérouler en gardant les instruments dans de bonnes conditions environnementales et en limitant au maximum les risques de « contaminations ». Maintenant que la sonde est en configuration de vol, le moindre faux pas pourrait avoir des conséquences dramatiques.

Enfin, nous reviendrons sur les attentes des scientifiques concernant JUICE. Cette mission devrait, elle aussi, nous permettre de mieux comprendre notre Système solaire (et donc notre Univers) en étudiant de près le système jovien. La recherche des traces de vie est aussi un des objectifs, indirect pour le moment.

Notre dossier sur la sonde JUICE : 

Chez Airbus, Mistral gagnant dans la salle anéchoïque 

Comme nous l’avons déjà expliqué, la sonde se trouve dans une salle anéchoïque d’Aribus baptisée Mistral. Cyril Cavel, project manager JUICE chez Airbus Defence and Space nous explique que son intérêt est double : « Elle est très grande et nous permet de déployer la grande antenne radio, c’est la seule chambre anéchoïque dans laquelle nous pouvons la déployer ». Elle mesure pour rappel près de 17 m de long.

« Ensuite c’est une salle dans laquelle on peut faire des essais radiofréquence et EMC [CEM pour compatibilité électromagnétique en français, ndlr]. Tout ce que vous voyez autour de vous ce sont des murs absorbeurs qui vont absorber les ondes électromagnétiques. On ne génère pas de perturbation électromagnétique de façon à ce qu’on puisse réaliser nos essais ». JUICE est ainsi dans un environnement semblable à celui dans lequel elle se trouvera une fois arrivée à côté de Jupiter.

Qualification et autotests en cours

Une première série de tests vient d'être bouclée, avec la qualification de la sonde et du lanceur afin de s'assurer que le premier ne vienne pas perturber le second, et vice-versa. Il s’agit justement de vérifier la « compatibilité électromagnétique », précise indique Cyril Cavel.

D'autres analyses vont se dérouler avec des autotests afin de s'assurer que les instruments ne vont pas se cannibaliser entre eux. Il faut « vérifier que les performances de propreté électromagnétique du satellite sont telles que spécifiées et attendues » ; Airbus étant le maitre d’œuvre, il n’a pas le droit à l’erreur. La société nous précise que le planning des opérations est très chargé : des équipes en 3x8 sont mises en place afin de travailler 24h/24 et 7j/7, et ce depuis déjà plusieurs mois. Ce n’est pas la disponibilité de la salle anéchoïque qui le demande, mais les impératifs de JUICE. 

L’enjeu est important. Comme JUICE va étudier le plasma et les différentes « ondes » autour de Jupiter et de ses lunes, les instruments scientifiques, l’ordinateur de bord et les différents éléments de vol ne doivent pas se polluer entre eux. Il faut donc éviter au maximum les « bruits » ou perturbations.

Les responsables du satellite chez Airbus nous expliquent que la sonde sera très « propre » sur ce point, probablement en dessous des limites de ce qu’il est possible de mesurer sur Terre dans certains cas. Nous demandons si les pollutions électromagnétiques de la sonde seront en dessous du seuil de détection/précision des instruments ou si le bruit généré sera supprimé dans un second temps via des algorithmes. C’est un peu les deux nous expliquent les scientifiques, qui ajoutent que des ajustements seront réalisés une fois la sonde dans l’espace.

Tout est prévu pour limiter autant que possible les pollutions, y compris le revêtement blanc de l'antenne principale et les protections MLI (Multi-Layer Insulation) qui entourent la sonde. Une différence de potentiel entre différentes parties de la surface entrainerait un champ magnétique qui pourrait venir perturber les mesures. Mêmes précautions à l’intérieur : les instruments sont protégés par des feuilles de plomb. Cela fait certes du poids en plus au décollage, mais ce sont des protections nécessaires. 

Des tests, encore des tests et toujours des tests

Une fois ces batteries de tests terminées dans salle anéchoïque, JUICE partira dans une autre salle des locaux d’Airbus à Toulouse pour y installer et tester le déploiement des panneaux solaires, un à la fois. Elle passera ensuite sur une plateforme vibrante pour simuler le lancement, puis dans une salle où le bruit au décollage d'Ariane 5 sera envoyé à JUICE.

Le fonctionnement de ce test est assez surprenant : un litre d'azote liquide passe dans un « radiateur » et se transforme alors en pas moins de 700 litres de gaz, qui sont directement envoyés dans une sirène… bouchons d'oreilles recommandés pour tout le personnel sur le site durant cette opération. 

Il est aussi prévu que le centre de contrôle de l’ESA vérifie les communications avec JUICE alors qu’elle se trouve encore dans les locaux d’Airbus. Bref, des répétitions générales avant le lancement.

Certaines opérations, comme le déploiement des deux panneaux solaires ne seront effectuées qu’une seule fois, dans l’espace. Les équipes ont désormais moins d’un an pour finir de tout vérifier, plusieurs fois. En cas de problème, il sera impossible de se rendre sur place pour procéder à des ajustements. Il n’y a donc pas le droit à l’erreur.

La gigantesque « salle blanche » d’Airbus 

L'implantation des locaux d'Airbus est faite de telle manière que le satellite peut passer d'une salle à une autre sans jamais quitter la zone « blanche », c'est-à-dire un espace contrôlé avec un minimum de poussière.

Avant de pénétrer dans cette immense zone – encore plus grande qu’un hangar – nous avons évidemment dû enfiler une combinaison, une charlotte et des protections sur nos chaussures. L'ensemble de notre matériel a été désinfecté sur place. Airbus nous a également fourni des masques certifiés par ses soins pour cette salle blanche. Les téléphones portables étaient interdits à cause des ondes. 

Nous avons ensuite déambulé dans plusieurs gigantesques couloirs, croisant au détour de certaines salles d'autres satellites (de télécommunication) en cours de constructions, du matériel en tout genre, du personnel... tout cela dans ce qui forme une « complexe salle blanche ». C’est pratique pour transporter JUICE d’une salle de test à une autre : pas besoin de passer par des caissons étanches ou autres ; tout se passe en salle blanche.

Protéger les instruments jusqu’au décollage

Dans le cas de JUICE, les instruments scientifiques installés dans la sonde ont également droit à un petit bonus : de l'azote est soufflé en continu pour éviter que de la poussière vienne prendre ses aises (elle arrive par les petits fils blancs sur la droite de la première photo ci-dessous). L’espèce de grand parapluie que l’on voit au-dessus de JUICE est également là pour protéger d’éventuelles poussières qui pourront tomber. 

Les deux autres tuyaux blancs (sur la gauche de la même image) apportent de l’air ambiant au niveau des systèmes de refroidissement des instruments. JUICE est prévu pour fonctionner dans l’espace où la température est bien inférieure à celle sur Terre, il faut donc éviter la surchauffe. 

JUICE Sonde AirbusJUICE Sonde Airbus

Cette précaution est maintenue durant l’ensemble des opérations sur Terre, y compris lorsque la sonde sera déplacée vers Kourou (elle embarquera sa petite réserve personnelle pendant le voyage). L’azote sera uniquement coupé quelques secondes avant le lancement, lorsque les bras de la tour de lancement se détacheront d'Ariane 5. 

Une fois tous les tests validés et les deux panneaux solaires solidement fixés, JUICE sera envoyé à Kourou pour être installé dans la coiffe d'Ariane 5. Le plein de carburant sera fait avant le décollage : 3,5 tonnes pour un total de près de 6 tonnes au lancement.

Avec la guerre en Ukraine et les sanctions vis-à-vis de la Russie, le moyen de transport n'est pas encore défini ; Airbus a dû revoir ses plans. Quand la sonde était arrivée à Toulouse en août 2021 elle avait été acheminée par un avion-cargo ukrainien Antonov 124, ce qui n’est plus possible à l’heure actuelle. Pas d'inquiétude cependant pour les responsables de la sonde : d’autres solutions existent, aussi bien par l’océan que les airs.

La propriété et la gestion du satellite reviendront à l'Agence spatiale européenne dès le décollage de la fusée. Des responsables d'Airbus seront évidemment sur place en Guyane pour donner le « Go » (ou « No Go ») du satellite au même titre que les responsables de la météo, du lanceur et des stations de suivi au sol. Si les quatre feux sont au vert, c’est le décollage.

Et c’est alors parti pour près de huit ans de voyage. C'est long... très long même et il peut s’en passer des choses pendant ce temps. Des découvertes scientifiques concernant Jupiter ou l’une de ses lunes par exemple. Les responsables d'Airbus nous confirment que, si besoin, la mission pourra être ajustée en cours de route avec de nouveaux objectifs scientifiques. Ce sera dans tous les cas à l’ESA d’en décider. 

Dans la dernière partie de notre dossier, nous reviendrons sur les objectifs de la mission. 

JUICE Sonde Airbus

Écrit par Sébastien Gavois

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Sommaire de l'article

Introduction

Chez Airbus, Mistral gagnant dans la salle anéchoïque 

Qualification et autotests en cours

Des tests, encore des tests et toujours des tests

La gigantesque « salle blanche » d’Airbus 

Protéger les instruments jusqu’au décollage

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Commentaires (2)


Encore une fois merci pour ces reportages. :yes: :bravo:


Ils utilisent VLC dans la salle anéchoïque? :keskidit: