L'éventuel blocage de PornHub, YouPorn et sept autres sites X en appel

Une croix sur le X ?
Droit 5 min
L'éventuel blocage de PornHub, YouPorn et sept autres sites X en appel
Crédits : Robin2b/iStock

Le 31 mars, une procédure de blocage de cinq sites pornographiques sera défendue en appel. Next INpact présente les différents arguments portés par les deux associations à l’origine de la procédure, e-Enfance et la Voix de l’Enfant.

Vous êtes déboussolés face aux multiples procédures de blocage initiées à l’encontre des sites pornographiques ? Rien d’anormal puisque dans les couloirs des juridictions parisiennes, deux procédures s’entrecroisent, avec pour point commun le même article du Code pénal : celui qui interdit de rendre accessibles aux mineurs des contenus pornographiques, tout en précisant que les disclaimers d’âge ne sont plus des boucliers suffisants pour éviter l’incrimination.

C’est sur le terrain procédural que les deux affaires ne se confondent pas.

La première a été initiée devant le CSA. Le dossier a été repris par l’ARCOM, l’autorité fusionnant les compétences de la Hadopi dans celle du Conseil supérieur de l'audiovisuel.

Saisie par trois associations, le président de l’autorité vient d’assigner les principaux fournisseurs d’accès afin de bloquer l’accès en France à Pornhub, Xnxx, Xvidéos, Tukif et xHamster. L’audience est fixée au 24 mai 2022.

Cette action a été rendue possible suite à une réforme législative, d’où est né l’article 23 de la loi du 30 juillet 2020 contre les violences conjugales. La disposition organise une procédure en deux phases, d’abord administrative devant le président de l’ARCOM, à charge pour lui de contacter les sites pour qu’ils mettent en place un contrôle d’âge à la porte de leurs contenus réservés pour les adultes. Elle se termine par un volet judiciaire à l’encontre des sites qui n’ont pas donné de suite satisfaisante. 

La seconde procédure est celle des associations e-Enfance et la Voix de l’Enfant, qui réclament elles aussi le blocage de plusieurs sites pornos : fr.Pornhub.com, mrsexe.com, iciporno.com, tukif.com, xnxx.com, fr.xhamster.com, xvideos.com, youporn.com, et fr.redtube.com. Cette procédure de référé repose cette fois sur des bases plus classiques, issues de la loi sur la confiance dans l’économie numérique et le code de procédure civile.

Une fessée en référé, combattue en appel

Dans une ordonnance rendue le 8 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris avait toutefois cependant fermé cette porte.

Et pour cause, alors que seuls les FAI avaient été mis à l’index de cette procédure, le magistrat avait exposé en substance être dans l’incapacité de choisir la solution le plus adaptée et proportionnée entre deux impératifs : la protection de l’enfance et de l’autre la protection de liberté de communication. Les associations se voyaient tout particulièrement reprocher de ne pas avoir contacté les éditeurs et les hébergeurs, avant de frapper à la porte des FAI.

Priorité à l'urgence, ou urgence de respecter la priorité ? 

Le 31 mars prochain (et non le 30, comme nous l’écrivions préalablement), la cour d’appel de Paris examinera donc l’appel d’e-Enfance et la Voix de l’enfant qui persistent et signent : les sites X mis à l’index génèrent un « trouble manifestement illicite » auquel il convient de mettre un terme au plus vite.

Elles considèrent inutiles de contacter d’abord l’éditeur du site ou l’hébergeur avant de frapper à la porte des FAI, contrairement à ce qu’avait relevé la première décision. 

Les deux associations charpentent leurs arguments sur un arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2008 qui avait repoussé cette logique dite de « subsidiarité », mais également la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, laquelle évacue formellement cet ordre de préférence de la loi sur la confiance dans l’économie numérique (LCEN) au détour d'un simple amendement de clarification, cosigné par Laetitia Avia. 

Quant au Code de procédure civile, l’article 835 permet au juge d’ordonner des mesures d’urgence à l’égard de n’importe quelle personne, sans hiérarchie. Il n’est nullement nécessaire de diriger ces actions judiciaires d’abord à l’encontre des éditeurs de sites X, ceux à l’origine du « trouble manifestement illicite ».

L’urgence désormais est de faire cesser l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne, non de mégoter sur l’identification de qui, entre l’éditeur, l’hébergeur ou le FAI, portera le chapeau. Et une action dirigée contre les FAI est toujours bien plus efficace face à des éditeurs des sites X pour la plupart installés à l’étranger.

Les FAI remettent du droit dans le Q

Selon nos informations, les FAI estiment que la version antérieure de la LCEN reste applicable à l’affaire dans toute sa rigueur formelle. Celle qui exposait que « l’autorité judiciaire peut prescrire en référé ou sur requête, à toute personne mentionnée au 2 [les hébergeurs, ndlr] ou, à défaut, à toute personne mentionnée au 1 [les FAI, ndlr], toutes mesures propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ».

Le respect du principe de subsidiarité resterait donc de mise, du fait de l’usage de l’expression « à défaut ».

Des FAI considèrent en outre que le président de l’ARCOM aurait désormais une compétence exclusive en matière de blocage des sites X.

e-Enfance et la Voix de l’Enfant maintiennent le cap, rappelant d’une part que Jacquie et Michel, site X qui fut un temps mis à l’index devant le CSA, a désormais trouvé une solution de contrôle d’âge via un tiers de confiance, et d’autre part que les sites mis en demeure par l’ARCOM (ex-CSA depuis le 1er janvier 2022) restent accessibles sur simple disclaimer. Inaction qui démontrerait la volonté des sites épinglés ne pas respecter les textes.

Le ministère public réclame une expertise

De manière plus surprenante, le ministère public est intervenu dans ce dossier en appel pour réclamer une expertise, aux frais des FAI. Elle viserait à déterminer les solutions que pourraient mettre en œuvre les FAI pour assurer le blocage des mineurs à l’entrée des sites pornos.

Une demande pour le moins curieuse puisque les FAI n’éditent pas ces sites.

Elle a été combattue dans les deux camps, celui des associations comme celui des FAI.

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