Droit à la réparation : vifs débats en perspective autour de la garantie

On tourne en rond
Droit 6 min
Droit à la réparation : vifs débats en perspective autour de la garantie
Crédits : fizkes/iStock

Un appareil sous garantie qui tombe en panne ? Obtenir l’échange contre un neuf pourrait bientôt être plus compliqué. La Commission européenne envisage de privilégier la réparation. L’éventualité suscite la franche opposition de l’association de consommateurs UFC-Que Choisir.

Une avancée pour l’environnement peut-elle nécessiter un recul des droits des consommateurs ? Certes caricaturale, la question résume un débat qui s’amorce autour d’un aspect du projet de Bruxelles sur le droit à la réparation.

Pour allonger la durée de vie des produits, la Commission européenne envisage de limiter les possibilités offertes au consommateur en cas de panne pendant la durée de la garantie légale. La réparation serait privilégiée au détriment du remplacement des produits. Un changement qui bousculerait le droit… et les habitudes des consommateurs !

La réflexion s’inscrit dans l’initiative législative pour le droit à la réparation, annoncée par la Commission. Prévue pour être adoptée au troisième trimestre 2022, elle fait actuellement l’objet d’une consultation publique, ouverte aux citoyens comme aux associations de consommateurs et aux professionnels, jusqu’au 5 avril.

Objectif : faire durer les produits

Les objectifs généraux sont difficilement contestables : « Pour atteindre nos objectifs de transition écologique, nous devons veiller à ce que les ressources soient utilisées de manière durable », a déclaré le commissaire à la justice, Didier Reynders. En d’autres termes, il s’agit de « promouvoir l’économie circulaire et la consommation durable », et pour cela, de prolonger la durée de vie des appareils.

La traduction concrète de ces buts risque, elle, de prêter davantage à discussion. Entre autres éléments, le projet prévoit donc de modifier les conditions de mise en œuvre de la garantie de conformité. Valable pendant les deux ans suivants l’achat d’un produit, elle est la principale garantie légale protégeant les consommateurs.

La garantie de conformité peut être invoquée en cas de panne, mais aussi plus généralement en cas de « défaut de conformité », c’est-à-dire si l’appareil ne correspond pas à la description faite par la vendeur (par exemple, un smartphone annoncé comme compatible 5G et qui ne le serait pas), ou à l’usage « habituellement attendu d’un bien du même type » (article L.217-5 du code de la consommation).

Réparer ou remplacer, le consommateur n’aura plus le choix

Actuellement, dans cette situation, le consommateur peut demander la réparation ou le remplacement du produit. À lui de choisir entre l’une et l’autre option !

Le vendeur ne peut s’opposer à son choix que dans un cas bien précis : si cela engendre pour lui « un coût manifestement disproportionné, compte tenu de la valeur du bien ou de l’importance du défaut », indique la Répression des fraudes sur son site.

C’est cette possibilité, quasi-systématique, d’arbitrer entre remplacement et réparation qui est sur la sellette. « La directive [UE 2019/771 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens. C’est ce texte qui fixe, au niveau européen le cadre juridique de la garantie légale de conformité, ndlr] pourrait être modifiée de manière à ce que la réparation soit le premier recours et que les consommateurs ne puissent remplacer le produit défectueux que si la réparation n’est pas possible », indique la consultation publique.

Ainsi le consommateur perdrait la possibilité d’exiger le remplacement d’un appareil en panne dans les deux ans après l’achat. Une situation forcément moins confortable. L’envoi en réparation de l’appareil peut nécessiter de s’en priver pendant quelques temps.

Se passer trois semaines d’un téléviseur envoyé en atelier, passe encore. Pour un lave-linge ou un aspirateur, c’est plus compliqué. Même si un appareil de substitution est prêté dans l’intervalle, ce n’est pas toujours simple, quand il s’agit d’un smartphone par exemple…

Autant de raisons pour lesquelles les consommateurs privilégient souvent le remplacement immédiat de l’appareil en panne – même si ce n’est pas le choix le plus écologique.

L’UFC-Que Choisir y voit une régression…

Cette perspective de réforme ne plaît pas à l’association de consommateurs UFC-Que Choisir. « Si promouvoir la réparation est indispensable, l’imposer manu militari serait une régression inadmissible des droits des consommateurs », s’est élevé son président Alain Bazot, lors du Forum européen des consommateurs, qui s’est tenu à Strasbourg le 10 février dernier.

« Le cadre réglementaire d’une consommation responsable doit se faire avec des consommateurs responsables, pas contre eux ! »

En d’autres termes, il craint que le « droit » à la réparation ne se transforme parfois en devoir. « On connaît les pratiques commerciales trompeuses : il ne faudrait pas qu’on instaure une réglementation contractuelle trompeuse, laissant croire qu’il y a un droit, alors qu’en réalité, le consommateur en passerait par des obligations ! »

… et préfère les incitations aux obligations

Si l’UFC-Que Choisir est opposée à ce que la réparation soit imposée au consommateur, elle soutient des mesures incitatives. La réparation doit pouvoir « conquérir le cœur et les habitudes des consommateurs », a avancé Alain Bazot.

Il a évoqué le soutien financier à la réparation pour en réduire le coût – une question qui a récemment fait l’objet de débats en France. Alain Bazot a aussi mentionné la nécessité d’améliorer encore l’information sur la réparabilité des produits au moment de leur achat. En décembre dernier, l’association avait publié un rapport très critique sur l’indice de réparabilité français, pas suffisamment bien affiché par les revendeurs et aux grilles de notation jugées trop favorables.

Une garantie allongée en échange du choix de réparer ?

Un point à noter sur la réforme envisagée : elle concerne la garantie de conformité, socle légal obligatoire. Rien n’empêchera a priori un fabricant ou un revendeur de continuer à proposer sa propre garantie, appelée alors garantie commerciale, aux conditions qu’il choisit. Celle-ci pourrait toujours prévoir un remplacement systématique en cas de panne.

Par ailleurs, cette initiative de la Commission européenne est encore à l’état de projet. La consultation publique prend bien soin d’indiquer qu’il s’agit d’« éventuelles mesures ». Dans le détail, il s’agirait de faire de la réparation la seule possibilité « lorsque son coût est inférieur ou égal au coût de remplacement ».

Mais en plus du bâton, le projet prévoit aussi une carotte, sous la forme d’un allongement de la garantie. Après la réparation, la garantie légale serait « réactivée » pour « au moins deux ans ». Ainsi un appareil tombé en panne, puis réparé un an après son achat, serait garanti jusqu’à son troisième anniversaire, au lieu du deuxième en l’absence de panne.

La consultation publique invite les contributeurs à se prononcer sur l’intérêt de ces différents points. Elle les sonde aussi sur l’intérêt « d’offrir des incitations visant à réparer les produits au lieu de les remplacer » pendant et après la période de garantie. Une question bien vague, en l’absence de de précisions sur ce que pourraient être ces incitations.

Enfin, la consultation publique évoque, là aussi de façon très rapide, l’hypothèse d’un allongement de la durée de garantie, au-delà des deux ans s’appliquant actuellement. Et la possibilité d’imposer une réparation gratuite même lorsqu’une panne est due à une mauvaise manipulation du produit.

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