À la découverte de Nua.ge, le cloud « simple mais pas simpliste » du groupe La Poste

À la découverte de Nua.ge, le cloud « simple mais pas simpliste » du groupe La Poste

OpenStack léger comme un nuage

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David Legrand

Publié dans

Hardware

15/11/2021 22 minutes
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À la découverte de Nua.ge, le cloud « simple mais pas simpliste » du groupe La Poste

Alors que l'on pourrait penser que la lutte contre les grandes plateformes étrangères pourrait mener à une concentration du marché européen du cloud, c'est l'inverse qui se produit avec de nouveaux acteurs qui apparaissent. Le groupe La Poste lance ainsi son offre IaaS basée sur OpenStack : Nua.ge

Avec la montée en puissance de la thématique de la protection des données, et de leur hébergement au plus près de l'utilisateur final (tant pour des questions de latence que de « souveraineté »), le marché du cloud a été mis sous le feu des projecteurs ces dernières années. De quoi aiguiser les appétits et changer le paysage en profondeur.

Face aux acteurs dominants américains qui multiplient les points de présence chez nous, plusieurs entreprises françaises et européennes se sont démarquées et proposent une galaxie de solutions. En France, on pense à 3DS Outscale, OVHcloud ou Scaleway par exemple. Plus récemment, c'est le Suisse Infomaniak qui a revu son offre en se mettant à l'IaaS via OpenStack. Mais il y en a d'autres, que l'on n'attendait pas forcément sur ce terrain. 

Avec Nua.ge, Oxeva étoffe son cloud

C'est notamment le cas du groupe La Poste via sa filiale Oxeva qui vient de lancer Nua.ge (un nom de domaine récupéré suite à « une folle aventure », mais géorgien), à grands coups de coupons offerts. L'entreprise lyonnaise n'est pas vraiment une inconnue dans le monde de l'hébergement français, puisqu'elle existe depuis 2005.

La régie Adverline en est devenue l'actionnaire majoritaire en 2008. Au départ l'un des objectifs était de « fédérer de nombreux éditeurs de sites internet, de Blogs, plateformes communautaires, musique... commercialisés par Adverline » comme cela avait été annoncé à l'occasion du rachat de Lexode (un ancien site pour les 12-24 ans).

Mais cette stratégie ne s'est pas avérée payante. Adverline était racheté par Mediapost Communication en 2012, Oxeva devenant alors elle-même une filiale du groupe La Poste. Depuis, elle propose des offres haute disponibilité visant les entreprises avec du VPS, CDN, des solutions spécialisées dans le big data, etc. Elle dit traiter 9 milliards de requêtes mensuelles, à travers 1 297 serveurs infogérés avec un taux de disponibilité de 99,99 % en 2020.

Nua.ge doit donc être une manière de toucher un public différent, plus large. Une nouvelle offre d'Infrastructure-as-a-Service (IaaS), basée elle aussi sur OpenStack, mais qui promet la simplicité « sans être simpliste » et le respect des valeurs européennes. Le « chaînon premium et manquant de l’offre de cloud public made in France », rien que ça.

Nous l'avons testé pour nous faire une idée.

Des promesses et de la générosité, mais quelques ratés

Service cloud oblige, Nua.ge est directement accessible depuis un site où n'importe qui peut s'inscrire. Il « s’adresse principalement aux startups, aux développeurs, ops, métiers et aux agences web, et ce n’est déjà pas si mal ! » précise le communiqué d'annonce. Olivier Doucet, directeur général d'Oxeva le présente comme « notre vision du cloud public IaaS à l'opposé des GAFAM : un produit simple d'utilisation, lisible et prédictible en terme de coûts ».

On retrouve ici une critique classique des hyperscalers américains à la tarification complexe (la calculette AWS nécessitant presque une formation à elle seule). Sur son site, Nua.ge s'annonce donc comme « le cloud public dans son plus simple appareil », offrant 50 euros de crédits à ceux indiquant un moyen de paiement à leur inscription.

Une générosité qui va plus loin pour certains « influenceurs » qui ont reçu 12 000 euros de coupons à utiliser et à distribuer. Une offre de parrainage est également proposée à tout client : « vos filleuls bénéficieront automatiquement d’un crédit Nua.ge de 100 euros, utilisable à leur guise. Et pour chaque contact parrainé, votre espace de travail reçoit aussi 100 euros de crédit ! ». Attendez-vous donc à voir vos amis « geek » vous en parler.

Il faut qu'un moyen de paiement soit ajouté par le filleul pour qu'il soit comptabilisé. D'autres limites sont bien entendu posées : « il est interdit d'effectuer de faux parrainages tout comme il est interdit de s'auto-parrainer et d'enchérir sur le mot clef « Nua.ge » et ses termes dérivés (cf les Conditions Générales de Service). En cas d’abus ou de non-respect des dispositions décrites dans les Conditions Générales de Service, nous pourrons procéder à l’annulation des primes éventuelles, à la suspension ou retrait de la possibilité d'utiliser le lien, ou à la résiliation du contrat ».

La promesse est aussi celle de valeurs respectées et de transparence. « Nous sommes domiciliés en France et tous nos datacenters sont situés sur le territoire français. Nous avons conçu Nua.ge avec le principe de "Privacy by Design". Non pas par obligation, mais par conviction, pour vous garantir un cloud parfaitement conforme au RGPD ». Une précision d'importance pour une filiale issue au départ de la branche marketing du groupe La Poste.

« Nua.ge met ses utilisateurs à l’abri des tempêtes qui pourraient survenir en matière de gouvernance des données. La conformité RGPD, privacy by design et souveraineté (100 % des serveurs en France) font partie de son ADN » ajoute d'ailleurs Gabriel Barazer, CTO et cofondateur d’Oxeva. Pour autant, aucune certification particulière n'est évoquée, notamment celles pour les données de santé (HDS) ou SecNumCloud et le « Cloud de confiance ».

Nua.ge Consentement Nua.ge Consentement

Par défaut, le site affiche néanmoins un panneau de collecte de consentement assez classique (via Didomi), avec le fameux « Continuer sans accepter » affiché en petit en haut à droite. Attention, si tel est votre choix le panneau de gestion des cookies semble indiquer que des éléments sont tout de même acceptés par défaut (voir ci-dessus).

Il faut donc pour le moment penser à l'ouvrir pour refuser l'ensemble des finalités affichées. Pourtant, dans sa page évoquant la politique en matière de données personnelles, l'entreprise indique que « le Site Nua.ge appose des cookies nécessaires au fonctionnement technique du Site Nua.ge et d’autres sous réserve de votre consentement, conformément à l’article 6 (1) (a) du RGPD. Ce consentement est formalisé par le fait de cliquer sur le bouton « Accepter » sur la notice apparaissant lorsque vous visitez le Site Nua.ge ».

Nous avons interrogé le Correspondant Informatique et Libertés (CIL) d'Oxeva. L'entreprise nous a répondu : 

« Les éléments qui étaient acceptés par défaut dans notre gestionnaire de cookies étaient les finalités de traitement de données personnelles qui relèvent de l’intérêt légitime. A titre d’exemple, les données traitées via notre fenêtre de chat répondent à notre intérêt légitime de fournir des informations sur nos activités et services.

Conformément au RGPD, ces traitements peuvent être mis en œuvre sans le consentement préalable des personnes. Nous avions cependant fait le choix, dans un souci de transparence, de les faire apparaître dans notre gestionnaire de cookies.

Conscients, suite à votre article, que ce comportement pouvait porter à confusion, nous avons désormais paramétré notre gestionnaire de cookies de manière à ce qu’aucun élément ne soit autorisé par défaut.

En poussant nos investigations, nous avons constaté que le formulaire d’inscription à notre newsletter, mis en œuvre par notre partenaire Plezi, déposait deux cookies (visitor et visit) sans tenir compte des choix exprimés dans notre gestionnaire de cookies.

Nous pouvons vous confirmer que, désormais, le fait de cliquer sur lien “Continuer sans accepter” n’autorise le déclenchement d’aucune balise (hors Didomi et Google Tag Manager, nécessaires à la gestion du consentement), ni le dépôt d’aucun cookie partenaire. »

Quelle plateforme technique ?

Côté transparence aussi on aurait aimé un peu plus d'efforts. Notamment sur la plateforme technique utilisée. Celle-ci n'est pas présentée sur le site qui ne parle d'ailleurs pas de « vCPU » mais de « processeurs ». Pour en savoir plus il faut trouver le lien de la documentation publique (qui n'est affiché que dans l'interface client). 

Il est précisé que Nua.ge utilise « des processeurs EPYC de dernière génération pour vous offrir un rapport puissance/prix au niveau de vos exigences. La fréquence de base d’un cœur est de 2 GHz et son mode boost peut aller jusqu’à 3,3 GHz ». Comme nous le verrons plus loin, ce sont des EPYC 7002 (Rome) et donc pas de dernière génération (7003, Milan). Il n'existe d'ailleurs aucun modèle récent avec ces fréquences. Cette description correspond ainsi plutôt à l'EPYC 7662 ou au 7702P qui a l'avantage d'être de type 1P et potentiellement moins cher. 

Dans son communiqué d'annonce, Nua.ge évoque des serveurs Gigabyte haute-densité (2U4N) « pour optimiser la consommation énergétique » avec 512 cœurs, soit 64 par nœud. Ce qui va dans le même sens. Notez que ce choix de densité peut ne pas être sans impact pour le client. En effet, les modèles à 64 cœurs sont à une fréquence plus faible lorsqu'ils sont utilisés à plein régime par rapport à des modèles 24/48 cœurs par exemple.

Il n'y a aucune indication quant au type de mémoire utilisé. Pour le stockage, la documentation précise que « le volume système est de 100 Go, utilisant une technologie NVME réseau 100 % NVME (CEPH pour les intimes). Cette technologie vous apporte la fiabilité et la performance nécessaires à vos applications les plus exigeantes ».

Il s'agit donc de SSD qui ne sont pas locaux, sans que l'on sache comment ils sont interconnectés aux serveurs. Il faut là encore se tourner vers le communiqué de presse pour avoir plus de détails. Ce dernier nous apprend que les SSD sont de marque Micron, que des SmartNIC Mellanox/NVIDIA à 100 Gb/s sont utilisés pour « virtualiser le réseau sans consommer de ressources serveur » via SR-IOV et OVN. Le choix de Juniper a été fait « pour le réseau EVPN-VXLAN flexible et hyper-extensible ». 2CRSi gère l'assemblage et le contrôle qualité.

Une inscription simple et rapide

La véritable promesse tenue est celle de la simplicité, elle est d'autant plus appréciable qu'OpenStack n'est pas forcément le choix idéal pour cela. Tout le travail des équipes de Nua.ge a donc consisté à rendre cette couche logicielle la moins visible possible avec une solution développée en interne selon les propos de son équipe.

  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription
  • Nua.ge Inscription

Si l'inscription ne prend que quelques minutes, elle pourrait néanmoins être allégée, ne serait-ce que dans la succession de formulaires qui pourraient être fusionnés. Cela commence de manière assez classique par une adresse email qui sera immédiatement vérifiée. « Si vous n’êtes pas à l’origine de cette demande, ignorez cet e-mail. Nous ne conserverons pas votre adresse e-mail plus de 24h. En cliquant sur ce bouton, vous autorisez Oxeva à conserver 30 jours toutes les données que vous nous fournirez pendant votre inscription. Juste au cas où vous auriez besoin d’aide pour finaliser la création de votre compte 😉 », précise le message reçu.

Il faut ensuite indiquer un nom, un prénom et un mot de passe d'au moins six caractères. Si cette seule condition est remplie, il est considéré comme « fort ». Une simple date (JJMMYY) sera considérée comme « convenable ». On peut accepter ou non la newsletter, mais la terminologie peut être trompeuse et nécessiterait sans doute de moins laisser penser que cela est nécessaire (via la mention de l'acceptation de la politique de données personnelles) avec une séparation des finalités. Car on ne sait pas exactement à quoi correspond le fait de pouvoir « être recontacté ».

Troisième volet d'informations à fournir : votre organisation. Cette fois il faut préciser une adresse, le nom de votre entreprise ou le vôtre et un numéro de TVA si vous êtes concernés. On note ici une première limite du service : seule la France peut être sélectionnée comme Pays, Nua.ge n'est pas (encore) ouvert à l'étranger.

Enfin, il faut accepter les conditions générales du service et indiquer si vous voulez ou non entrer un moyen de paiement. C'est uniquement dans le premier cas que vous pourrez obtenir 50 euros de crédit offert. Le second cas pourra être utile pour découvrir l'interface ou si vous avez eu droit à l'un des coupons distribués par le service.

On accède ensuite à l'interface de gestion du compte à travers une URL de type https://pseudo.nua.ge/ avec une phase de présentation succincte puis la création d'un premier projet regroupant les instances. Une terminologie commune aux solutions OpenStack. Notez que plusieurs utilisateurs peuvent accéder à un même projet.

  • Nua.ge Onboarding
  • Nua.ge Onboarding
  • Nua.ge Onboarding
  • Nua.ge Onboarding

Une couche logicielle maison, la communication en fait trop

C'est ici que se trouve réellement le produit de Nua.ge. Le service repose sur une API « développée “from scratch” », basée sur le framework API Platform. Elle n'est pour le moment ni publique ni documentée, mais elle le sera promet l'équipe qui ajoute qu'elle « permettra la consommation de ressources cloud depuis des environnements de développement et déploiement continu, et fournira de base les intégrations dans Terraform et Ansible ».

Si OpenStack est utilisé comme base, certains composants ont été modifiés pour s'adapter au besoin du service mais aussi parce qu'ils ont été « sources de problèmes à l’usage par d’autres moins souvent utilisés mais plus efficaces ». Là aussi, on regrette que ce ne soit pas une information présente sur le site, mais issue du communiqué.

Ainsi, RabbitMQ a été remplacé par Qpid Dispatch Router « pour éviter les ralentissements liés aux queues de messages ». Même chose pour les notifications via RabbitMQ/Ceilometer/Panko remplacées par le trio Kafka/Kafka Connect/Elasticsearch. Ceph Object Gateway a été préféré à Swift pour le stockage objet, d'autant que « Ceph permet également la sauvegarde et réplication des données stockées sur un datacenter distant automatiquement ».

Nua.ge vante son architecture en micro-services « segmenté en plusieurs briques indépendantes et communicantes : authentification, sécurité, facturation, pilotage de l’infrastructure, etc. [Elle] tourne sur l’orchestrateur Kubernetes et a été pensée pour mieux tenir la charge et faciliter les évolutions de la plateforme ».

On touche d'ailleurs ici du doigt l'un des défauts de la plateforme, ou tout du moins de sa communication, qui tend à la faire apparaître comme un acteur différent, innovant, parfois jusqu'à l'excès. Car bien d'autres services cloud ne sont pas développés sous la forme de solutions monolithiques, le cloud ou la conteneurisation n'étant pas vraiment un phénomène nouveau.

On imagine ainsi qu'en lisant que « Nua.ge détonne avec un positionnement premium et un crédo avant-gardiste : la simplicité d’adoption et d’usage, la lisibilité de la grille tarifaire, la transparence des coûts et des consommations, la performance et une totale conformité RGPD » certains vont sans doute s'étrangler. Car là aussi, il ne s'agit pas vraiment d'un positionnement novateur en Europe.

Une interface légère... tout comme l'offre

L'interface est conforme à la promesse : frugale. Le tableau de bord tient en une page où l'on peut voir les quotas (40 cœurs, 256 Go de mémoire, 2 000 Go de stockage et 20 IP publiques par défaut). Elle est en blanc mais un mode sombre est proposé. D'un clic on peut faire apparaître le panneau des usages ou des (trois) groupes de sécurité. 

Lorsque les instances sont démarrées, on peut directement voir le détail et agir dessus. On apprécie également les statistiques d'usage qui prédisent le montant de la prochaine facture. Notez que les courbes affichent les ressources commandées et qui seront à payer, pas celles utilisées en temps réel par les différentes instances.

La création d'une instance fonctionne comme cela est montré sur la page d'accueil : on indique un nom, un OS, une quantité de « processeur », mémoire, si l'on veut ou non une IP publique et un accès SSH. Celles attribuées au compte avec la possibilité d'en importer directement. Le tarif est affiché directement en haut à gauche :

Nua.ge InterfaceNua.ge Interface

C'est plus simple que nombre de concurrents, et pour cause : les choix sont assez limités. On ne dispose en effet que de trois systèmes : CentOS, Debian ou Ubuntu Server, chacune via deux ou trois versions. Ubuntu 20.04 LTS et 21.04 seront ainsi proposés mais pas la 21.10. Certains auraient apprécié un RockyLinux ou une Alpine par exemple.

Côté CPU et mémoire, les choix sont liés mais pas fixes. Vous ne pouvez pas attribuer moins d'1 Go par cœur, mais vous pouvez en attribuer plus dans une certaine limite. Ainsi, une machine à 4 cœurs aura 4 Go de mémoire au minimum, cela pourra monter à 32 Go mais pas descendre à 2 Go. Pour 240 Go il faudra au moins 16 cœurs.

Cela tient sans doute au fonctionnement même d'OpenStack qui gère les différentes machines comme des gabarits à sélectionner comme nous l'avions vu dans notre test de l'IaaS d'Infomaniak. Ici, différentes combinaisons sont proposées via l'interface mais pas toutes celles qui sont possibles. Le stockage lui, est forcément de 100 Go.

  • Nua.ge Interface
  • Nua.ge Interface
  • Nua.ge Interface
  • Nua.ge Interface

Vous ne pouvez ainsi pas disposer de plus de capacité ou même demander un stockage purement local. Pas plus qu'il n'est proposé différents types de cœurs ou d'instances, de stockage S3, de services FaaS/PaaS. Tout cela arrivera... plus tard. Il en est de même pour l'IPv6, pour le moment, seule une IPv4 est fournie.

Côté bande passante, Nua.ge annonce 1 Gb/s dans sa grille tarifaire, sans plus de détails.

Des coûts mesurés, mais une offre « Premium »

Dans sa communication, le service ne vante pas seulement sa facilité d'utilisation. Il indique aussi avoir tout fait pour limiter les coûts, sans pour autant rogner sur le matériel utilisé, qui se veut haut de gamme. Ainsi, les gains sont plutôt à chercher du côté de la maximisation du taux d'usage des ressources de chaque serveur par les clients, la réduction de la facture énergétique par une plus grande densité et des coûts d'exploitation plus faibles.

Le service qui dit « faire plus avec moins » se présente donc comme abordable... mais Premium. Un positionnement qui se retrouve dans la grille tarifaire (hors taxes). Ainsi, une instance est facturée au minimum 0,01 euro de l'heure ou 7,3 euros par mois pour 1 vCPU, 1 Go de RAM et 100 Go de stockage.

Nua.ge Tarifs

Avec 8 vCPU et 16 Go de mémoire on grimpe à 0,20 euro de l'heure soit 146 euros par mois. L'équivalent avec 80 Go de stockage chez Infomaniak (a8_ram16_disk80_perf1) est proposée à 0,03757 euro de l'heure. C'est un peu plus que le tarif d'une instance GP1-S de Scaleway avec 8 vCPU, 32 Go de mémoire et 300 Go de stockage (0,17 euro de l'heure).

L'instance la plus chère est annoncée à 1,4 euro de l'heure avec 32 vCPU, 240 Go de mémoire et toujours 100 Go de stockage. C'est un peu plus cher que l'instance HC-BM2-L de l'offre Baremetal-as-a-Service de Scaleway qui contient pourtant deux EPYC 7532 (32C/64T), 256 Go de mémoire et 2x 2 To de stockage NVMe. Le choix sera vite fait.

Notez que les tarifs sont indiqués sur la base de 730 heures par mois, trafic inclus. Certains usages jugés abusifs sont interdits sur ces instances dont les « activités, P2P ou non, utilisant significativement le réseau Nua.ge et activités de calcul intensif utilisant significativement les infrastructures Nua.ge (minage de cryptomonnaie ou autre) ».

Enfin, il est précisé qu'« une instance éteinte se verra décompter de l'usage de votre projet (ainsi que son processeur et sa mémoire, mais pas son stockage), pour autant cette instance générera toujours de la facturation au prix unique de 0,01 €/h », soit 7,3 euros par mois, au titre de son stockage de 100 Go.

Quelles performances ?

Comme à notre habitude, nous avons monté des instances pour vérifier le niveau de performance constaté en pratique. Nous avons opté pour 8 vCPU et 32 Go de mémoire sous Ubuntu 20.04 LTS face à une GP1-S (EPYC 7402P) de Scaleway hébergée à DC5 (FR-PAR2) et proposée à un tarif légèrement inférieur (0,184 euro de l'heure). 

Nous avons rencontré un souci à la création de notre première instance (nous n'étions pas les seuls) : elle refusait la connexion via notre clé SSH. La solution a rapidement été trouvée : après un reboot, c'était réglé. Parfois, notre instance s'est figée, nécessitant d'être là encore redémarrée. On note au passage que si la situation dure, il n'y a pas d'option dans l'interface pour forcer l'arrêt et demander un redémarrage ensuite.

Commençons par l'habituel OpenSSL avec les commandes suivantes :

openssl speed rsa4096
openssl speed --multi $(nproc) rsa4096

Cela nous permet de faire un test sur 1 thread puis avec autant qu'il y a de vCPU dans la machine (8).

OpenSSL - RSA 4096 bits - 1T :

  • Nua.ge 8C/32G : 230 s/s et 14 921 v/s
  • Scaleway GP1-S : 230 s/s et 15 170 v/s

OpenSSL - RSA 4096 bits - 8T :

  • Nua.ge 8C/32G : 1 863 s/s et 121 630 v/s
  • Scaleway GP1-S : 1 826 s/s et 120 235 v/s

Les écarts sont ici assez faibles, avec l'instance de Nua.ge qui se démarque légèrement lorsque tous les threads sont utilisés, celle de Scaleway avec un seul thread, du fait de la gestion différente des fréquences par leurs CPU. Cela confirme au passage que nous sommes bien sur des CPU basés sur l'architecture Zen 2 et non Zen 3.

On continue avec 7-zip (p7z-full) : 

7za b 5

7-Zip 16.02 :

  • Nua.ge 8C/32G : 30 125 MIOPS (Compressing) et 29 558 MIPS (Decompressing)
  • Scaleway GP1-S : 31 325 MIOPS (Compressing) et 28 845 MIPS (Decompressing)

Un rendu Blender de la scène bmw_27 confirme ces chiffres similaires puisqu'il a nécessité 287 secondes avec l'instance de Nua.ge et 286 secondes avec celle de Scaleway.

Passons à la mémoire avec un test via un serveur Redis et un pipelining jusqu'à 32 commandes :

redis-benchmark -q -t get,set -n 10000000 -P 32

Redis 5.0.7 :

  • Nua.ge 8C/32G : 0,97 MR/s (GET) et 1,10 MR/s (SET)
  • Scaleway GP1-S : 1,25 MR/s (GET) et 1.54 MR/s (SET)

Cette fois on note un avantage non négligeable (33/40 %) pour l'instance de Scaleway.

Du côté du stockage, on s'attend à des écarts flagrants puisque l'instance Scaleway dispose d'un SSD NVMe local alors qu'il est déporté sur le réseau dans le cas de Nua.ge. Un test de latence le confirme rapidement :

ioping -D -i 0 -w 30 . // Lecture 4k
ioping -D -i 0 -w 30 . // Ecriture 4k
ioping -R .           // Latence

ioping :

  • Nua.ge 8C/32G : 4,84 kIOPS (lecture), 1,45 kIOPS (écriture), 550 µs (latence)
  • Scaleway GP1-S : 20,9 kIOPS (lecture), 730 IOPS (écriture), 44 µs (latence)

Comme prévu la latence est dix fois plus faible chez Scaleway, avec des performances en lecture presque cinq fois plus élevées. Par contre en écriture c'est Nua.ge qui l'emporte avec deux fois plus d'IO par seconde. Même pour les accès séquentiels, la solution choisie par le petit nouveau semble fournir de bons résultats avec des débits relevés via fio (libaio, QD32T8) de près de 2 Go/s en écriture contre un peu moins de 3 Go/s pour la GP1-S de Scaleway.

On termine par un test de bande passante à travers la version CLI de SpeedTest. L'essai était dans les deux cas effectué depuis un serveur Orange situé à Rennes.

SpeedTest CLI (Orange - Rennes) :

  • Nua.ge 8C/32G : 2 643 Mb/s (Up), 1 795 Mb/s (Down), 6.443 ms (latence)
  • Scaleway GP1-S : 3 114 Mb/s (Up), 1 786 Mb/s (Down), 6.396 ms (latence)

Les deux serveurs étant situés en région parisienne (chez Equinix pour Nua.ge), la latence est similaire. La bande passante disponible est néanmoins légèrement plus élevée chez Scaleway. Notez que nous avons effectué ce même test plusieurs fois afin de relever une valeur moyenne du fait de la variabilité des résultats.

Une bonne base, mais qui manque de finitions

« C’est aux acteurs du cloud de se compliquer la vie pour simplifier celle des utilisateurs », clame Nua.ge. Le constat est le bon, le défi est en bonne partie relevé de ce point de vue par la plateforme. C'est d'autant plus réussi qu'OpenStack n'est pas connu pour sa simplicité et nécessite donc un gros travail d'adaptation.

Mais le résultat obtenu l'est aussi parce que pour le moment l'offre est assez basique. On peut créer des instances, avec trois OS disponibles, sans pouvoir modifier la capacité de stockage, sans IPv6 ou CLI/API et aucune intégration tierce... c'est un peu léger. Assez pour qu'on se dise que Nua.ge s'est peut-être lancé un peu trop tôt.

L'équipe indique dans ses interventions publiques qu'elle voulait être à l'écoute de ses utilisateurs avant de passer à la suite, on aurait alors préféré qu'elle présente le projet comme une base un peu fraîche (en bêta ?), à compléter et à peaufiner, plutôt que de gonfler ses muscles avec une communication un peu trop assurée. 

C'est d'autant plus regrettable que les tarifs affichés ne reflètent pas pour le moment l'état de la plateforme. On paie cher pour un service déjà proposé ailleurs de manière plus complète et mieux finalisée. Il faudra donc passer la seconde et multiplier rapidement les nouveautés pour transformer l'essai et ne pas tomber dans l'oubli.

Car une fois l'enthousiasme des milliers d'euros de coupons et du parrainage retombés, il ne restera plus que les clients payant leurs factures. Ce sont eux qu'il faudra convaincre et en la matière, le plus gros semble encore à faire.

Écrit par David Legrand

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Avec Nua.ge, Oxeva étoffe son cloud

Des promesses et de la générosité, mais quelques ratés

Quelle plateforme technique ?

Une inscription simple et rapide

Une couche logicielle maison, la communication en fait trop

Une interface légère... tout comme l'offre

Des coûts mesurés, mais une offre « Premium »

Quelles performances ?

Une bonne base, mais qui manque de finitions

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Commentaires (20)


Il aurait du l’appeler le “French Cloud” :transpi:


C’est un détail mais je trouve pas le ouf qu’un service qu’on vante comme « public » et « français » ait choisi le tld de la Géorgie.



Bon après, à part un râleur dans les commentaires de INpact Hardware, je suppose que ça gênera personne.


Voir le tweet en lien quand j’évoque ce point ;) C’est pas si anodin, même si l’URL est courte.


Dépendre d’un tld étranger est effectivement assez tarte.



Sur mobile à l’instant, “refuser tout les cookies” n’a pas fonctionné. J’ai dû tout cocher à la main…



Sinon, on ne peut que se féliciter de l’arrivée d’un nouvel acteur disposant d’un soutien de poids.


Même si c’est pour l’instant un peu timide, c’est chouette de voir un nouvel acteur sur le cloud. On espère qu’ils progresseront vite !


Je n’avais même pas pensé au TLD, pas sûr qu’il y ait pensé aussi, est-ce les décideurs savent seulement ce qu’est un tld, c’est comme une extension de fichier ?
Un site nuage.fr est moins cool que nua.ge, mais heureusement ils n’ont pas choisi nu.age :transpi:


Peut-on réellement appeler ça du Cloud ?



Pour la critique sur le modèle des hyperscalers, je ne suis pas sur qu’ils apportent une solution. Forcément, il n’y a pas besoin de calculatrice, vu qu’il n’y a qu’un seul produit. Mais si c’est pour devoir complexifier une infra en devant la diviser chez autant de provider que de bouts de techniques nécessaire… On aura toujours cette complexité de la facturation, qui sera divisée chez plusieurs acteurs au lieu d’être chez un seul. Les FinOps vont être content de devoir réconcilier des factures totalement différentes, et de ne pas pouvoir faire d’optimisation financière.



J’ai du mal à voir le business modèle derrière et le marché ciblé; le multicloud provider étant compliqué à mettre en place et les grands acteurs faisant presque tous jeu égal sur la partie IaaS, il n’y a guère que l’aspect “franco-français” qui peut être mis en avant ici


Franchement, je trouve que ça pue la com’. Lancer un service avec un tld en Géorgie, franchement ça fait très moyen et ça donne une idée de “domination” des services com’/mark sur les services techniques. Par très engageant.



Pour le reste, ils sont à leur début à voir comment ça évolue.



Myifee a dit:


Peut-on réellement appeler ça du Cloud ?




Posons la question autrement : pourquoi ça n’en serait pas ?


Même s’il n’y a pas de définition pure et dure du IaaS, avoir uniquement un portail qui sert de couche d’abstraction à l’hyperviseur et une sorte de VNET/firewall pour grouper les machines, ça fait très léger pour du cloud.



D’où mon interrogation par rapport au marché cible, je n’arrive pas à déterminer la typologie de clients/projets qui seront intéressés par ça.
Les grands comptes cherchent à se simplifier la vie via des contrats cadres côté américains, côté PME/ETI quand tu as des équipes de dev, elles attendent autre chose que de la simple VM, sinon quand tu outsources ton ESN fait souvent CSP. Je vois bien le potentiel du “made in France” chez certains décideurs, mais je doute que ça suffise à conquérir un marché.


Tu peux dire que c’est une offre IaaS peu fournie, mais ça n’en est pas moins une quand même.


Pour Nua.ge et le RGPD voir le thread d’Aeris



Ils ont une très drole d’idée du “privacy par design”



Wax a dit:


Dépendre d’un tld étranger est effectivement assez tarte.




Je vois pas en quoi, il suffit de voir tous les projets open source ou entreprises commerciales (notamment US) qui utilisent le TLD des territoires britannique de l’Océan Indien pour comprendre que ça importe peu.


Une mauvaise habitude ne devient pas bonne parce que c’est une habitude. Comme dit, dépendre d’un pays tiers pour une brique essentielle de ton service ce n’est pas forcément un choix pertinent. Tu peux très bien utiliser le .ge qui fait “classe” pour ton site public tout en utilisant le .fr pour ton interface client et tout le reste. La diversité des TLD est aussi faite pour ça ;)


Ca doit être génial, mais je n’ai pas tout compris. Ca sert à quoi ?


L utilisation du TLD de la Géorgie les soumet théoriquement a la loi georgienne pour ce service ?


C’est des vps français môssieur (non).



Ceci dit c’est plutôt une bonne initiative, comme dans d’autres domaines, on passe d’abord par une phases où il y a une profusion d’acteurs avant que la moitié ne se casse la figure.



Ce qui m’intrigue dans le cas présent c’est qu’ils arrivent quand même avec pas mal de retard, même si leurs arguments (français de France souverain machin) sont plutôt pertinents.


N’y vois aucune animosité de ma part, mais le TLD .com est sous juridiction US, et pourtant vous l’utilisez comme frontal pour vos deux sites (et il y a eu des précédents de domaines révoqués par la justice US pour des sites étrangers à leur sol). Je trouve donc surprenant ce genre de remarque.


Oui et il y a des raisons “historique s” à ce choix, doublées du fait que le .com est tout de même un peu “sous surveillance” constante ce qui limite les dérives possibles. Si tu ne vois pas de différence avec la gestion d’un TLD comme le .ge, libre à toi, mais je pense que tu fais plutôt semblant de ne pas comprendre ;) Surtout que, comme dit, on parle d’une brique importante de leur solution.



David_L a dit:


Oui et il y a des raisons “historique s” à ce choix(…)




Si je recevais 1€ à chaque fois que je l’entends celle-là pour justifier de mauvaises habitudes :p



Bref, ça ne sert à rien de s’épancher sur le sujet je pense. Mais voir une bonne partie des commentaires tiquer dessus alors que vous avez fait un test détaillé de l’offre me paraît réducteur.