Le projet de loi sur la consommation veut autoriser la DGCCRF à réclamer du juge « toute mesure » contre les services en ligne, et donc le blocage d’accès à un site. Corine Erhel et d’autres parlementaires socialistes réclament un rapport sur la justification de ces mesures. Dans l’année suivant le vote de la loi.
Corine Erhel
Comme le texte autrefois défendu par Frédéric Lefebvre, le projet de loi Hamon veut permettre à la DGCCRF de demander au juge « toutes mesures proportionnées propres à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu d’un service de communication au public en ligne ». La direction de la répression des fraudes serait donc en mesure de réclamer le blocage d’accès à un site, mesure imposée par le juge s’il estime proportionnée à l’infraction au droit de la consommation.
« Cette mesure permettra à la DGCCRF de donner suite à certaines affaires qu’elle est aujourd’hui contrainte de classer, compte tenu de l’impossibilité d’agir auprès d’éditeurs de sites implantés à l’étranger » soutient le gouvernement.
L’idée avait été très critiquée par le PS lorsque l’UMP proposait une mesure similaire. Aujourd’hui, Lionel Tardy a été l’un des rares à avoir tiré la sonnette d’alarme. S’il n’a pas soutenu son amendement, il réclamait néanmoins le colmatage de cette nouvelle brèche.
S'interroger sur la justification d'une mesure déjà votée
Côté PS, la fougue du passé s’est assagie. Plusieurs députés de l’actuelle majorité, dont Corine Erhel, demandent au gouvernement dans un autre amendement la remise d’un rapport « sur les effets et la justification des mesures de blocage légales » dans le délai de 12 mois. Ainsi, ils veulent que l’on s’interroge sur la justification du blocage après avoir voté son principe.
Extrait de l’exposé des motifs :
« Si l’intervention d’un juge est établie comme le préconisait un rapport d’information de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale sur la Neutralité du Net de 2011 (proposition n°4: établir dès à présent une procédure unique faisant intervenir le juge), il est nécessaire également de prendre en considération la proposition n°3 du même rapport qui préconise de « s'interroger plus avant sur la justification des mesures de blocage légales, en dépit de leur légitimité apparente, du fait de leur inefficacité et des effets pervers qu'elles sont susceptibles d'engendrer ».
Corinne Erhel a raison de se rappeler son rapport Net Neutralité coécrit avec Laure de la Raudière. Sauf que si on relit sa proposition n°3, voilà ce que la députée PS sollicitait encore avec sa collègue UMP après avoir énuméré les risques de ces mesures : « Ces éléments et la prudence justifient a minima qu’un moratoire soit observé sur le blocage. »
Le moratoire du passé s'est mu aujourd’hui en un futur rapport visant à « s’interroger plus avant sur la justification tant économique que technique d’une telle mesure ». La députée a en fait déjà une idée très précise de la question, comme elle le disait ce 17 février 2011, lorsque l’UMP était aux responsabilités : « les avis sont en effet quasi unanimes pour dénoncer l’inefficacité des pratiques de blocage. Les critiques émanent de votre propre majorité, de députés qui connaissent bien ces sujets. Ces mesures sont, de plus, potentiellement dangereuses dans la mesure où elles peuvent entraîner des blocages de sites tout à fait légaux. »