Lorsque l'on parle de stockage, pour particuliers ou entreprises, il est toujours tentant de s'arrêter aux promesses de débits fous, toujours plus élevés... même s'ils ne sont pas vérifiés en pratique et qu'ils sont loin d'être l'essentiel. Les dernières annonces de Kioxia illustrent bien ce prisme d'analyse parfois limité.
Née de la scission de l'activité de flash NAND de Toshiba, Kioxia est une société active qui propose régulièrement des solutions performantes et innovantes. Ces dernières semaines, elle s'est fait remarquer, non pas pour son annonce de nouvelles clés USB de 128 Go ou de microSD de 1 To mais ses produits destinés aux datacenters.
À l'occasion du China Flash Market Summit, elle a d'ailleurs exposé sa vision du futur du stockage. Beaucoup ont relevé la mention du PCIe 5.0, qui arrive chez Intel avec Alder Lake et Sapphire Rapids, mais aussi chez AMD à travers Zen 4. Il faut dire que la promesse est un débit de 15 Go/s et que la « Tech » aime les gros chiffres.
Mais en réalité, c'était loin d'être le plus intéressant. Tout d'abord parce qu'il y a déjà eu plusieurs annonces de solutions PCIe 5.0 pour SSD (souvent de classe entreprise) et que l'on attend pour le moment de pouvoir tester des produits concrètement. Ensuite parce que Kioxia avait bien d'autres choses à montrer que ce simple « score ».
Des détails sur le FL6 à double port et basse latence
Il y a quelques semaines, la société présentait ses SSD FL6 au format 2,5" exploitant la norme PCIe 4.0 x4 (NVMe 1.4) mais surtout de la XL-Flash qui doit lui permettre de « combler l’écart entre la DRAM et les disques SSD TLC et rendre les applications sensibles à la latence plus rapides ». Une sorte de réponse à l'Optane d'Intel, donc.
En réalité, elle utilise simplement des puces 3D (BiCS) SLC, avec un seul bit écrit par cellule, ce qui lui garantit une bonne endurance (60 DWPD) avec une faible latence et des capacités entre 800 Go et 3,2 To. Les performances étaient vantées, mais pas détaillées. Ces modèles sont équipés d'un double port natif pour assurer un certain niveau de résilience et peuvent être utilisés via NVMe-oF. Ils ont une certification FIPS 140-2 et du chiffrement (SED).
Lors du China Flash Market Summit, on a eu plus d'informations sur ce produit. Kioxia le positionne bien au niveau de 3D Xpoint (Optane) au niveau de la latence, réduite d'un tiers par rapport à un SSD TLC classique selon le constructeur. Malheureusement, peu de chiffres sont donnés. On apprend ainsi seulement que dans le test TPC-C ou PostgreSQL, le nombre de transactions par minute opéré est légèrement en retrait.
Quid du temps de réponse ou des IOPS dans différentes situations ? Rien n'a été publié à ce sujet. On a par contre droit à des chiffres par rapport à un SSD CM6 classique de la marque (TLC) avec une latence réduite de deux tiers (passant en lecture de 90 µs à 29 µs) et un nombre de IOPS multiplié par 2,35 en écriture (merci la SLC).
Pour rappel, Optane annonce de son côté des latences de l'ordre de la dizaine de microsecondes avec un SSD Optane pour datacenter comme le P4800X et en dixièmes de microsecondes pour ses modules Optane DC Persistent Memory.
Après CD7, cap sur le PCIe 5.0
Kioxia a également parlé de ses prochains SSD pour datacenter, les CD7 (PCIe 4.0 x4, NVMe 1.4) devant remplacer les actuels CD6. Ils sont au format 2,5" (15 mm, U.2). Leur capacité variera de 960 à 15 360 Go avec une endurance de 1,3 DWPD, contre 1 DWPD pour la gamme équivalente actuelle (CD6-R). Elle pouvait néanmoins grimper à 3 DWPD sur des capacités de 800 à 12 800 Go. Est-ce que cela sera également proposé ici ? Impossible à dire pour le moment.
Les améliorations semblent surtout du côté du contrôleur et du firmware puisque les puces utilisées sont toujours de la 3D NAND TLC de 96 couches avec des performances annoncées comme améliorées en écriture aléatoire. Selon les chiffres diffusés cela semble bien être là que les gains se trouvent, même si la latence est aussi réduite en lecture.
Le prochain modèle (CD8) sera à base de PCIe 5.0 et améliorera l'ensemble des résultats. Mais il reste à voir si ce qu'il en sera avec un produit finalisé et testé dans des conditions indépendantes. Aucune date de sortie n'est évoquée.
Le dessert ? L'EBOF
Reste une slide à côté de laquelle beaucoup semble être passé : celle évoquant le premier SSD au monde à disposer d'une interface NVMe-oF (Ethernet) native. En effet, jusque là il existait des solutions complémentaires, disposant de contrôleurs spécifiques, pour utiliser des SSD NVMe dans un environnement Ethernet Bunch of Flash (EBOF).
L'objectif est, contrairement au Just Bunch of Flash (JBOF) de relier des SSD NVMe directement à un switch réseau (placé dans le serveur) plutôt qu'à travers leurs interfaces PCIe et des cartes réseau à base de DPU pour faire le lien avec d'autres. Micron, Marvell et Koxia proposent déjà des solutions de ce genre, en partenariat avec Ingrasys-Foxconn.
Koxia veut aller plus loin en plaçant le port réseau et le contrôleur nativement sur chaque SSD. Une connectique 1x ou 2x 25 Gb/s peut être proposée, dans un format 2,5" (15 mm) avec des capacités de 4 et 8 To. Le protocole retenu est RoCE v2. Ainsi, 6 ports 100 Gb/s permettent la connexion de 24 SSD à 25 Gb/s.
Une solution sur laquelle la société travaille depuis maintenant plusieurs années, qu'elle avait encore évoquée en septembre et qui a de quoi simplifier les architectures de stockage « désagrégé » selon le constructeur. Mais cet aspect tout intégré augmente le coût de chaque SSD, en cas de remplacement et la dépendance au constructeur.
Il faudra donc voir si les différents acteurs du marché sont preneurs ou se tournent vers d'autres solutions. On peut aussi se demander si de telles initiatives pourraient voir le jour en NVMe/TCP sur des produits plus accessibles.