AMD et Lenovo se sont associés pour mettre sur le marché une station de travail exploitant les Threadripper pro de l'américain, presque similaire à ses EPYC pour serveurs. Une machine haut de gamme, très performante, mais qui n'en oublie pas d'être raffinée sur certains points.
L'un des points forts de la stratégie d'AMD depuis le lancement de ses processeurs Ryzen, c'est d'utiliser une même puce pour de nombreux marchés, en multipliant simplement les dies au sein du packaging. Ils servent ainsi de base à ses modèles grand public, Threadripper pour station de travail ou EPYC pour serveurs.
L'année dernière, la société a ajouté une corde à son arc : les Threadripper Pro. Pour faire simple, il s'agit de CPU pour station de travail, profitant des principaux avantages d'EPYC mais ne pouvant pas être utilisés par deux et nécessitant un chipset WRX80. Ils fonctionnent donc avec un socket spécifique, le sWRX8.
Lenovo a décroché l'exclusivité de cette gamme et l'a utilisée pour sa ThinkStation P620. Un modèle complet, qui se veut pratique à l'usage, performant mais néanmoins... compact (à sa manière). AMD nous en a fait parvenir un exemplaire afin que nous puissions le tester. Nous y avons placé deux Radeon Pro W6800.
ThinkStation P620 : une station de travail tout en raffinements
Au sein de la gamme ThinkStation, la P620 n'est pas le plus gros modèle. Il existe également les P720 et P920, cette dernière pouvant accueillir jusqu'à deux Xeon d'Intel. Ce choix est d'autant plus intéressant pour les Threadripper Pro qu'ils sont implémentés dans une station de travail « compacte », ses dimensions étant de 46 x 44 x 16,5 cm.
Elle est ainsi plus fine que la plupart des PC du marché, qui dépassent généralement les 20 cm. Son châssis est en acier, elle est donc assez lourde : 14 kg dans la configuration où nous l'avons reçue, avec une seule carte graphique. Lenovo a donc pensé à laisser une ouverture sur le devant de la partie supérieure, faisant office de poignée.
C'est l'un des aspects appréciés de ce genre de machine par rapport à une solution « DIY » : les multiples petites attentions du constructeur. Et ici, elles sont nombreuses, à commencer par l'accès « sans outils » de la machine qui ne contient pas de vis pour ses principaux composants. L'ouverture se fait en pressant une manette sur le panneau latéral, qui est facile à mettre en place et retirer. Même chose du côté des cartes PCIe.
Un dispositif de maintien (en plastique) les garde en place. Il suffit de tirer dessus pour les libérer. Leur positionnement est assuré par un guide (optionnel) fixé à l'arrière du PCB des modèles vendus par Lenovo. Il en est de même pour les ventilateurs, l'alimentation ou les périphériques de stockage, facilement interchangeables.
Threadripper Pro : EPYC à haute fréquence
Avant d'évoquer les caractéristiques techniques de cette machine, revenons aux spécificités de la gamme Ryzen Threadripper (Pro). Elle s'inspire des processeurs EPYC pour serveurs, disposant d'un nombre élevé de cœurs (jusqu'à 64), plus de canaux mémoires avec gestion de l'ECC, mais aussi de lignes PCI Express.
Contrairement à ce que l'on peut faire chez Intel, il est impossible de placer un Threadripper sur une carte mère EPYC et inversement, cela ne fonctionne pas. Certains constructeurs vont même plus loin avec un blocage particulier des processeurs à leurs propres cartes mères pour éviter qu'ils ne soient récupérés puis revendus.
L'intérêt fondamental des Threadripper est qu'ils ne sont pas conçus pour les mêmes contraintes que les EPYC. Leurs fréquences sont en général plus élevées, puisqu'ils sont destinés à des boîtiers classiques avec un système de refroidissement plus imposant. Ils sont aussi vendus chez de nombreux revendeurs.
Ils ne peuvent par contre pas être utilisés dans des configurations à deux sockets et sont en général mis sur le marché plus tard. Il n'y a par exemple pas de Threadripper basés sur l'architecture Zen 3, alors que les EPYC 7003 sont disponibles sur le marché depuis des mois. Mais on espère une mise à jour d'ici peu.
Pour éviter que ces deux marchés ne se confrontent, AMD avait initialement fait le choix de handicaper les Threadripper. Si un Ryzen classique ne gère que deux canaux de DDR4 classique (UDIMM), eux avaient droit à 4 canaux de DDR4 ECC, soit la moitié de ce que gèrent les EPYC, qui peuvent aussi exploiter de la (3DS/L)RDIMM.
Même chose pour les lignes PCIe, plus nombreuses que sur l'offre grand public. Mais les 64 proposées n'étaient là aussi que la moitié des 128 exploitables par un EPYC, qui a également droit aux fonctionnalités AMD Pro. C'est pour combler ce vide que les Threadripper Pro ont été annoncés l'année dernière.
Notez que depuis, les Xeon W d'Intel ont été mis à jour et sont passés à Ice Lake
Ils disposent ainsi de tous les avantages d'un EPYC, mais avec des fréquences plus élevées et adaptées aux besoins d'une station de travail. Le 3975WX utilisé dans notre ThinkStation P620 est ainsi un modèle Zen 2 (7 nm) à 32 cœurs (64 threads) cadencé entre 3,5 et 4,2 GHz avec 128 Mo de cache L3, 16 Mo de L2 et 2 Mo de L1. Son TDP est de 280 watts.
Le modèle EPYC qui s'en approche le plus est le 7502P pour configurations 1P, de type 32C/64 mais avec un TDP de 180 watts « seulement » et donc des fréquences de 2,5 à 3,35 GHz. Ainsi, les EPYC sont en général moins chers, même à l'achat à l'unité. Pour rappel, on trouve un Threadripper Pro 3975WX pour 2 600 euros.
Selon les dernières informations publiées par AMD, la plateforme Threadripper Pro propose :
- 8 canaux DDR4 ECC, jusqu'à 2 To (RDIMM, UDIMM ou LRDIMM)
- 152 lignes PCIe 4.0 (CPU + Chipset)
- Jusqu'à 20 ports S-ATA (RAID 0, 1, 10)
- Jusqu'à 2x NVMe x4 (avec gestion du RAID)
- Jusqu'à 12 ports USB 3.2 (10 Gb/s)
- Jusqu'à 4 ports USB 2.0
ThinkStation P620 : laisser Threadripper Pro s'exprimer
De son côté, la ThinkStation P620 accompagne son processeur d'un maximum de huit modules de DDR4-3200 ECC, soit jusqu’à 1 To. Elle peut intégrer jusqu'à quatre HDD de 3,5" et deux SSD M.2 avec gestion du RAID selon sa fiche technique. Mais sur la carte mère, six connecteurs S-ATA sont présents.
Quatre connecteurs PCIe 4.0 x16 sont présents sur le PCB pour accueillir jusqu'à quatre cartes graphiques ou autres cartes filles. Même si notre machine nous a été fournie avec une Radeon Pro W6800, ce sont principalement des cartes NVIDIA qui sont proposées. Deux connecteurs PCIe 4.0 x8 sont également disponibles à des emplacements intermédiaires. L'alimentation fournie est un modèle de 1 000 watts (80Plus Platinum).
Côté connectique c'est assez complet avec quatre USB 3.2 Type-A (10 Gb/s) à l'arrière et quatre autres à l'avant (deux Type A, deux Type-C). On a également deux USB 2.0 à l'arrière pour les clavier/souris, ainsi que deux PS/2, trois connecteurs jack (entrée, sortie, micro) et un port réseau à 10 Gb/s (Marvell Aqtion).
Bien entendu, TPM 2.0 est géré. En façade, outre le bouton Power et un connecteur audio jack pour casque/micro, on trouve un petit écran indiquant des codes à l'initialisation, permettant de détecter d'éventuelles erreurs. Machine pour professionnels oblige, le temps de démarrage est un peu plus long que la moyenne. Aucune solution de type IPMI/BMC n'est intégrée pour la gestion distante, il faut se contenter du DASH implémenté via AMD Pro.
Le BIOS/UEFI (touche F1 au démarrage) de la machine est complet, même si on regrette l'absence de solutions comme un boot iSCSI par exemple. Mais on peut (dés)activer les ports USB individuellement, gérer toutes les options de sécurité dont le chiffrement de la mémoire, le fonctionnement de la ventilation, etc.
Sous Windows, l'application Vantage est là pour les mises à jour, optimisations et autres tests en cas de problème.
La machine est silencieuse, mais n'hésitera pas à ventiler lorsque nécessaire. Elle se fera donc entendre, mais c'est plutôt classique pour une station de travail de ce genre. Refroidir 32 cœurs à 3,6 GHz nécessite quelques sacrifices. Le tout est certifié pour un fonctionnement sous Ubuntu, Red Hat Linux ou Windows 10/11.
La version de base de la ThinkStation P620 avec un Ryzen Threadripper Pro 3945WX (12C/24T), 16 Go de DDR4 ECC, 256 Go de SSD (PCIe 3.0 x4, Opal 2.0) est proposée, sans carte graphique et sans OS, à 1 844,10 euros TTC. Avec le Threadripper Pro 3975WX et 64 Go de DDR4 ECC, comptez 4 607,10 euros. Avec 3 ans de garantie sur site.
Notez que certains modèles sont proposés via des revendeurs tiers, comme Amazon.
Et dans la pratique ?
Nous ne nous attarderons pas ici sur les performances de la bête, qui seront comparées à un Threadripper classique et un processeur EPYC de 3e génération dans un prochain article. Voici néanmoins quelques chiffres que nous avons pu relever tout au long de nos tests, à commencer par la consommation.
Notre ThinkStation P620 livré avec une Radeon Pro W6800, nous lui en avons ajouté une seconde
Au repos, une telle machine nécessitait 78 watts à la prise avec une carte graphique, 88 watts avec deux. Lors d'un test sous Blender 2.93.4 exploitant tout le CPU, on grimpe à 379 watts. Ce dernier est alors cadencé entre 3,57 GHz et 3,67 GHz selon les cas, de manière stable. La fréquence maximale est de 4,2 GHz, lorsqu'un seul thread est actif.
Avec un rendu sur GPU (via Blender en OpenCL), la consommation passe à 271 watts, 481 watts pour deux GPU. Si on utilise CPU et GPU de manière conjointe, on atteint notre relevé maximal : 542 watts. L'alimentation a donc encore de la marge. Du côté des performances voici nos relevés :
- Cosmos Laundromat (CPU) : 5min 04s
- Barbershop (CPU) : 3min 52sec
- Barbershop (GPU) : 3min 09sec
- Barbershop (CPU+GPU) : 2min 17sec
- Barbershop (GPU x2) : 1min 45sec
Voici les performances relevées sous Cinebench R23 :

Architecture Zen 2 oblige, on est à 1 278 points « seulement » lorsqu'un seul thread est actif. Mais si l'on active l'ensemble des cœurs, le résultat est bien 32x plus élevé, avec 40 876 points. Quatre fois plus qu'un Core i7-11700.
Nous avons également effectué des tests avec 7-Zip 21.03 beta et notre bon vieux OpenSSL (via WSL) :
7-Zip :
- Compress : 224 642 MIPS
- Decompress : 331 585 MIPS
- Average : 278 114 MIPS
OpenSSL :
- 1 thread : 298 signatures/s et 19 499 vérifications/s
- 64 threads : 8 420 signatures/s et 531 123 vérifications par seconde
Terminons par le SSD intégré, qui était un SN730 de Western Digital. Voici ses relevés sous CrystalDiskMark :
Les performances avec le relevé par défaut, puis les paramètres « real world »