Ces dernières années, la frontière entre produits pour serveurs et offre grand public haut de gamme s'est peu à peu effacée. ASRock Rack est l'un des constructeurs qui ont accompagné le mouvement. Sa carte mère TRX40D8-2N2T pouvant accueillir un Ryzen Threadripper d'AMD en est le parfait exemple. Nous l'avons testée.
Encore récemment, le marché des processeurs était parfaitement segmenté, avec d'un côté les solutions grand public, de l'autre celles pour les entreprises via différentes gammes pour station de travail, serveurs, solutions embarquées, etc. Mais avec l'explosion des usages, cela n'est plus aussi simple et la demande évolue.
Produits « Pro » : une distinction mouvante
Il est désormais courant de voir des utilisateurs chercher à monter des machines disposant d'atouts qui étaient auparavant réservés aux entreprises : accès distant matériel, connectique réseau ultra-rapide, multiplicité des ports pour des périphériques de stockage. Cela peut être par passion et volonté d'apprendre, ou parce qu'ils en ont un besoin professionnel sans forcément être une grande structure qui s'adressera à des intégrateurs spécialisés.
C'est notamment le mouvement des « créateurs », qui touche de nombreux secteurs où la frontière entre produits classiques et « Pro » devient de plus en plus fine, qui profite également aux PME/PMI. On le voit avec les cartes graphiques qui sont loin de ne servir qu'aux jeux, NVIDIA ayant par exemple débridé le passthrough GPU récemment.
Tous les marchés sont concernés
Mais aussi dans le domaine du réseau, avec la montée en puissance des solutions « Software Defined », que ce soit avec Netgear et son Inisight ou la gamme de produits développée par Ubiquiti, que l'on trouve chez tout bon revendeur. Dans le domaine des cartes mères, c'est ASRock Rack qui porte cet effort depuis quelques années.
Nous l'avons déjà vu avec la mise sur le marché de cartes mères pouvant prendre place dans un serveur, équipées d'un socket AM4 pour processeurs Ryzen d'AMD, intégrant jusqu'à 16 cœurs. C'est aussi le cas avec la gamme Threadripper, grimpant cette fois jusqu'à 64 cœurs et prévu initialement pour les stations de travail.
Mais ils peuvent tout aussi bien remplacer un EPYC mono-socket pour de nombreux usages. La carte mère TRX40D8-2N2T permet ainsi de les accueillir en profitant de multiples PCIe 4.0, S-ATA (DOM), de l'OCulink, 2x 10 Gb/s et 2x 2,5 Gb/s pour le réseau. Elle est vendue 700 euros. Nous l'avons testée pour voir ce qu'elle permet.
Threadripper : le lien entre Ryzen et EPYC
Commençons par un rappel : physiquement, les EPYC d'AMD et les Ryzen Threadripper partagent un même socket LGA à 4094 broches, dont le nom diffère selon les cas. Et pour cause : ils sont électriquement incompatibles, l'exploitation du brochage évoluant d'une gamme de processeurs à l'autre. On ne peut donc pas utiliser l'un avec une carte mère prévue pour l'autre, contrairement à ce qu'il est possible de faire avec les Core et Xeon d'Intel par exemple.
Cela a aussi à voir avec la stratégie d'AMD concernant les chipsets. La plateforme EPYC (socket SP3) en est dépourvue, les processeurs devant alors se contenter des E/S qu'ils intègrent. Les Threadripper (socket TR4) sont accompagnés d'un X399 dans le cas des modèles de 1ère et 2e génération (Zen), d'un TRX40 pour la 3e génération (Zen 2).
Les Threadripper ont d'autres différences avec les EPYC dans leur implémentation puisqu'ils ont seulement accès à la moitié des canaux mémoire et lignes PCIe. Plus récemment, AMD a réduit cet écart avec l'annonce de ses Threadripper Pro dotés de 8 canaux mémoires, 128 lignes PCIe 4.0 et accompagnés d'un chipset WRX80.
Threadripper dans un serveur : une demande croissante
Rapidement après l'arrivée de ces processeurs, on a vu des acteurs partir à la recherche de cartes mères pouvant les accueillir dans un environnement professionnel. Au départ, le marché des stations de travail était privilégié par AMD, comme nous l'avions vu lors de notre test de la X399 Designare EX de Gigabyte, mais il fallait aller plus loin.
Car les clients étaient unanimes : ils voulaient pouvoir utiliser des Threadripper dans un serveur, profiter de leurs fréquences plus élevées et de leurs spécificités, malgré les limitations de cette gamme. Dès 2019 on a vu certains constructeurs s'y mettre, ASRock Rack en tête avec son X399D8A-2T. Tyan a suivi avec sa Tomcat SX S8020.
Depuis, ces gammes se sont étoffées, facilitant l'accès à de telles solutions. Avec l'arrivée des Threadripper de troisième génération, ASRock Rack a enfoncé le clou avec sa TRX40D8-2N2T disponible aux alentours de 700 euros.
La question de la ventilation
Il s'agit d'une carte mère ATX (305 x 244 mm), ce qui ne l'empêche pas d'être très complète. On retrouve bien entendu 8 emplacements pour de la DDR4 jusqu'à 4 canaux, le constructeur évoquant une fréquence maximale de 3,2 GHz, 4,67 GHz en overclocking. Ils sont, comme toujours sur de tels produits, disposés à l'horizontale.
Cela n'est d'ailleurs pas sans poser quelques problèmes concernant le système de refroidissement. En effet, les Threaripper d'AMD étant prévus au départ pour une utilisation classique, leurs ventirads le sont aussi et ne peuvent donc être utilisés sur cette carte mère. Il faut donc se rabattre sur les modèles pour EPYC, qui peuvent être coûteux et difficiles à trouver. Heureusement, nous avons fini par obtenir une solution auprès de Noctua.
Comme nous l'évoquions dans un précédent article, il suffit d'acheter un NH-D9 DX-3647 4U prévu au départ pour les Xeon d'Intel, avec une large base (vendu 100 euros). Noctua se propose de fournir gratuitement aux clients en faisant la demande un kit d'adaptation pour socket SP3 (EPYC). Il peut alors être installé sans problème.
Nous avons ainsi utilisé cette solution pour le montage d'un Threadripper 3960X à 24 coeurs. C'est d'ailleurs la solution que nous avions utilisée lors de nos essais sur le passthrough GPU de NVIDIA nous permettant d'utiliser trois GeForce dans trois machines virtuelles différentes, chacune dotée de 8 cœurs physiques et 8 Go de mémoire.
Comme on peut le voir sur la photo ci-dessous, la ventilation passe de droite à gauche de la carte, ce qui permet d'assurer un bon flux d'air tant dans un boîtier classique que dans un serveur placé dans une baie. Une autre solution peut être de faire le choix du watercooling, la dissipation/ventilation étant alors déportée.
La carte mère TRX40D8-2N2T d'ASRock Rack accompagnée d'un NH-D9 DX-3647 4U de Noctua et son kit de montage SP3
TRX40D8-2N2T : complète, mais pas dénuée de défauts
Revenons à la composition de la carte mère. Elle dispose de pas moins de quatre ports PCIe 4.0, dont trois x16 et un x8 qui a l'avantage d'être ouvert. Il peut donc accueillir des cartes avec un connecteur plus long. Ils sont assez espacés pour placer trois cartes graphiques occupant deux emplacements l'une sous l'autre.
Attention tout de même si elles sont longues, car cela coupera complètement l'accès aux six connecteurs PWM pour les ventilateurs. On aurait ainsi apprécié que deux d'entre eux soient plutôt positionnés sur le haut de la carte, près du socket. L'espace contraint a également poussé ASRock Rack à ne pas placer un M.2 à droite du CPU comme sur la X470D4U que nous avions précédemment testé : la place est occupée par l'étage d'alimentation.
Les deux M.2 sont donc positionnés sur le bas de la carte, l'un entre deux connecteurs PCIe, l'autre à leur droite. Ils sont tous les deux de type PCIe 4.0 x4, pouvant accueillir des SSD de taille 2230 à 22110. Le S-ATA n'est pas en reste, avec quatre ports inclinés à 90°. Deux sont issus du chipset TRX40, deux d'un ASMedia ASM1061.
ASRock Rack a également placé sur la carte mère deux ports Disk On Module (DOM, rouges) gérés par le chipset et un OCulink (PCIe 3.0 x4, U.2). Cette carte mère peut donc accueillir de nombreux périphériques de stockage, mais ne sera sans doute pas le choix idéal des adeptes de NAS, à moins d'utiliser une carte contrôleur PCIe par exemple.
Sur le PCB, on trouve également des connecteurs pour des ports USB 2.0 et 3.2 (5 Gb/s), LED, COM, VGA, SMBus, TPM. Outre les sondes de températures intégrées, on peut en ajouter une externe. L'alimentation nécessite un connecteur ATX 24 broches et un (ou deux) 4+4 broches. Un afficheur de code d'erreur est présent.
Ce qui devrait le plus intéresser certains se situe au niveau du panneau arrière de la carte. Outre les habituels ports PS/2, VGA et USB 3.2 (2x 5 Gb/s Type A, 2x 10 Gb/s Type A/C), bouton UID et le port réseau pour le contrôle distant (Realtek RTL8211E et partie graphique ASPeed AST2500, 16 Mo de DDR4) on a droit à quatre ports RJ45.
Tous sont gérés par des puces Intel avec Wake-on-LAN, économie d'énergie (802.3az) et PXE. Deux proposent un débit de 2,5 Gb/s (i225) contre 10 Gb/s (X710-AT2) pour les deux autres. L'un de ces derniers (LAN3) gère la Network Communications Services Interface (NC-SI) utilisé par certaines applications pour une communication série.
Ainsi, on peut disposer d'un maximum de quatre connexions réseau ou 2+2 à des débits différents permettant de s'adapter à divers besoins, que ce soit dans le cadre de la virtualisation ou d'un serveur unifié.
BIOS ultra-complet et gestion distante
L'installation de la carte mère et l'utilisation de son BIOS sont sans surprise. Ce dernier est complet, parfois un peu trop puisque l'on retrouve aussi de nombreux éléments qui se trouvent habituellement dans des modèles grand public pour pousser la fréquence de tel ou tel élément par exemple. Tout est détaillé dans le manuel.
L'interface de gestion distante est aussi assez classique pour qui connaît ASRock Rack. On retrouve du HTML5 tant pour connaître le statut de la carte et de ses composants que la gestion des logs, des accès par de multiples comptes, la gestion graphique distante (KVM), etc. On regrette toujours que l'interface soit uniquement en anglais et que des options locales ne soient pas présentes, par exemple pour le contrôle du clavier.
Le modèle idéal pour les « Pro »
La TRX40D8-2N2T d'ASRock Rack tient donc ses promesses. Il s'agit d'un modèle haut de gamme, dense, avec une connectique fournie. On peut y connecter de nombreuses cartes PCIe, de nombreux périphériques de stockage, profiter d'un réseau rapide via 4 ports à 2,5 Gb/s ou 10 Gb/s. Le tout pour un tarif qui reste modéré au regard des prix pratiqués sur les cartes mères TRX40 (qui débutent à 450 euros chez LDLC).
Si vous avez un usage professionnel de votre Ryzen Threadripper, avec un besoin de connectique à haut débit, il s'agit d'un modèle de premier choix. Ce sera d'ailleurs l'un des rares à proposer des fonctionnalités de gestion distante, ce qui peut être nécessaire à une installation au sein d'un serveur placé dans une autre salle.
Certes, on peut regretter certains choix de design comme le positionnement des connecteurs de ventilation ou des M.2, qui peuvent être gênés par l'utilisation de multiples cartes graphiques longues, mais il est possible de trouver des solutions à de tels problèmes. Gare également au choix du système de refroidissement.
Trois VM, chacune avec 8 coeurs CPU et une carte graphique dédiée : c'est désormais possible