Il y a quelques jours, deux HDD de 14 To des gammes entreprise de Seagate et Toshiba étaient disponibles pour 290 euros environ, soit un peu moins de 21 euros le To. Mais à ce prix, à quoi s'attendre en pratique ?
Ces dernières années, les SSD ont évolué à de nombreux niveaux. Ils sont proposés dans une diversité de formats et de connectiques (2,5", carte PCIe, M.2, réglettes pour serveurs, etc.) avec des performances allant de quelques centaines de Mo/s à plusieurs Go/s et des tarifs tout aussi diversifiés, en baisse : dans les 80 euros par To désormais.
Les HDD toujours rois de la densité/euro
Mais il y a deux points sur lesquels ils sont encore loin de rendre les disques durs obsolètes : la densité et le prix au To. Ainsi, les modèles de 20 To sont désormais une réalité, même si les dernières annonces de Toshiba ou Synology s'arrêtent à 16/18 To. Surtout, on trouve régulièrement des HDD de grande capacité vendus dans les 20 euros le To.
C'est notamment le cas des Exos 16 de Seagate et MG07 de Toshiba, que nous avons pu acheter ces derniers jours aux alentours de 290 euros dans leur version de 14 To. Un tarif peu élevé pour de tels modèles, qui se trouvent en général dans les 450 euros avec des tarifs débutant à 350/400 euros sur certaines places de marché.
Pour ce prix, qu'avons-nous donc reçu et quelles sont les performances obtenues ?
MG07 de Toshiba : annoncé comme performant et efficace
Commençons par les présentations. Si vous nous suivez, vous savez que les MG0x de Toshiba ne nous sont pas inconnus. Nous avons testé le MG08 de 16 To, puis un MG06 tel qu'intégré par Synology. Le constructeur de NAS adapte simplement le firmware à ses besoins, permettant la mise à jour directement au sein de son interface.
Le modèle que nous avons reçu suite à notre commande est un MG07ACA14TE. Il s'agit donc toujours d'un modèle entreprise (512e), testé pour un fonctionnement « 24/7 » mais d'une génération intermédiaire. Contrairement aux MG07SCA qui utilisent une connectique SAS, les MG07ACA sont de type S-ATA 6 Gb/s, d'une capacité de 12 ou 14 To.
Notre modèle utilise des secteurs 512e. Sa fiche technique évoque 256 Mo de cache, une vitesse de rotation de 7 200 tpm, une technologie d'enregistrement CMR, neuf plateaux (hélium) et un débit continu de 248 Mo/s. Sa charge de travail annuelle est donnée pour 550 To avec un temps moyen avant panne (MTTF) de 2,5 millions d'heures et un taux de 10 erreurs par 1016 bits lus. Il pèse 720 grammes.
On est donc sur des caractéristiques assez proches du MG06/HT5300, avec un débit légèrement plus élevé. Il est aussi annoncé comme plus économe en énergie avec une consommation par To en baisse. En lecture/écriture aléatoire de fichiers de 4 ko (Q1) on passe ainsi de 1,14 W/To pour le modèle MG06 de 8 To à 0,58 W/To.
La garantie assurée par Toshiba sur ce MG07ACA14TE est d'une durée de 5 ans. Mais il a été fabriqué en décembre 2019. Selon le site du constructeur il est donc garanti jusqu'en décembre 2024.
Exos 16 : Seagate joue encore à cache-cache sur les caractéristiques
Chez Seagate, l'Exos 16 de 14 To que nous avons reçu est de référence ST14000NM001G. N'y voyez pas le signe d'une première génération, « 1G » correspond simplement au modèle S-ATA 6 Gb/s sans auto-chiffrement. Il s'agit là aussi d'un modèle à 7 200 tpm avec 256 Mo de cache et un environnement interne composé d'hélium.
Il est pensé pour un usage en entreprise, le constructeur mettant largement en avant diverses technologies comme la « Super parité » ou « PowerChoice » et « PowerBalance » pour l'économie d'énergie. Seagate est par contre plus silencieux sur certains détails techniques comme le nombre de plateaux ou la technologie d'enregistrement utilisés.
Ces informations ne sont ainsi pas données dans la fiche technique de l'Exos 16 ou sur la page qui lui est dédiée sur le site de Seagate. Il faut se rendre dans son manuel et fouiller pour apprendre qu'il y a bien 9 plateaux et qu'il utilise un enregistrement perpendiculaire (PMR). Synology ne le référence d'ailleurs pas comme SMR.
Mais c'est une autre subtilité qui a retenu notre attention. Car cette fois, des modèles de 12 à 16 To sont proposés. La raison est simple : ce disque dur implémente la technologie two-dimensional recording technology (TDMR). Elle permet rapprocher les pistes de données et d'utiliser deux têtes de lecture pour mieux détecter le signal là où elles sont adjacentes. La densité est renforcée (de 10 % environ), mais les performances s'en ressentent.
Nous l'avions vu d'ailleurs constaté lors du test du MG08 de Toshiba qui utilise cette solution. On regrette ainsi que Seagate ne mention pas clairement sa présence dans ses fiches techniques. Rien n'est précisé non plus concernant la charge de travail annuelle de ce disque dur. Côté débits, le constructeur promet 261 Mo/s en lecture et 249 Mo/s en écriture. Il faudra voir lors des tests si cela est une moyenne ou une valeur haute.
Pour les accès aléatoires 4k, il est question de 170/440 IOPS. La consommation est également distinguée en lecture/écriture, mais indiquée pour des transferts aléatoires 4k (Q16) : 10 et 6,3 watts, soit 0,71 et 0,45 watt par To. Le taux de panne annualisé est donné pour 0,35 % avec un taux d'erreur de lecture d'un secteur par 1015 bits lus, et un temps moyen entre pannes (MTBF) de 2,5 millions d'heures. Ce disque dur pèse 670 grammes.
Notez enfin que Seagate propose différents outils, deux sont ici mis en avant sous Windows. SeaTools, au look plutôt vieillot, qui permet d'obtenir des informations du disque, d'effectuer des diagnostics et réparations, etc. DiscWizard (qui pèse 511 Mo tout de même) est une solution Acronis en marque blanche permettant de clôner un périphérique de stockage, effectuer une sauvegarde, disposer d'une clé USB de restauration, etc.

Ceux qui veulent aller plus loin préfèreront se tourner vers SeaChest, qui n'est pas mis en avant mais permet d'obtenir des informations et possibilités supplémentaires. C'est notamment lui qui permet de profiter d'une possibilité intéressante de l'Exos 16 : passer de secteurs 512e à 4Kn (et inversement). Pour cela il faut identifier le disque (PD0 dans notre cas) avec un scan, puis lancer la procédure (qui effacera les données du disque) :
SeaChest_Lite_x64_windows --scan
SeaChest_Lite_x64_windows.exe -d PD0 --setSectorSize 4096 --confirm this-will-erase-data
La garantie assurée par Seagate sur l'Exos 16 est d'une durée de 5 ans. Fabriqué en novembre 2020, il est néanmoins garantie jusqu'au 11 mars 2026 selon le site du constructeur, ce qui est plutôt appréciable.
Performances : gare à la stabilité des débits
Première chose à noter : bien que leur tarif était plutôt attractif pour de tels modèles, il s'agissait bien de ce que nous avions commandé, les HDD étant livrés dans un simple sachet électrostatique. Ils étaient neufs, ce qui est vérifiable via leurs informations SMART et des outils intégrés aux NAS ou CristalDiskInfo, AIDA64, HWiNFO64, etc.
Passons maintenant aux performances constatées et aux résultats pratiques derrière les promesses des constructeurs. Tout d'abord via l'outil intégré à DSM 7.0 (beta) et un NAS DS1621xs+ de Synology :
Nous avons effectué plusieurs tests consécutifs pour vérifier que les performances étaient stables, la variation de l'un à l'autre étant affiché dans l'interface. Sur ce point, comme nous nous y attendions, nous avons noté des aléas parfois importants avec l'Exos 16 en écriture, tant dans le test d'accès séquentiels qu'aléatoires (IOPS).
Comme on peut le voir ci-dessus, les deux modèles se tiennent dans un mouchoir de poche en lecture. En écriture, le modèle de Seagate affiche néanmoins un train d'avance avec trois fois plus d'IOPS et une latence plus faible.
Regardons maintenant ce qu'il en est avec nos habituels ATTO et CrystalDiskMark sous Windows 10 :
Les performances du Seagate Exos 16 (à gauche), face au Toshiba MG07 (à droite)
Dans ce premier test, on voit nettement la faiblesse de l'Exos 16 et du TDMR : en lecture les débits relevés sont bien aux alentours de 250 Mo/s, assez stables dès 8 ko, mais en écriture on constate une baisse des débits à partir de 4 Mo, pouvant tomber sous les 230 Mo/s. Le Toshiba MG07 fait ici bien mieux, stable dans les 250/260 Mo/s en lecture, avec un seul petit raté à 245 Mo/s en écriture (48 Mo). Et de meilleurs débits sur les petits blocs.
Les performances du Seagate Exos 16 (à gauche), face au Toshiba MG07 (à droite)
CrystalDiskMark permet pour sa part de mettre en lumière l'avantage premier de l'Exos 16, que nous avions déjà constaté dans le test intégré à DSM 7.0 : les accès aléatoires en écriture sur de petits fichiers se font avec de bien meilleures performances : 7,5x à 8,5 fois celles du Toshiba MG07. C'est à prendre en compte selon vos besoins.
Finissions le transfert de 744 Go de données vers et depuis un SSD :
Seagate Exos 16 :
- 52min 40s en écriture soit 241,24 Mo/s
- 52min 19s en lecture soit 242,86 Mo/s
Toshiba MG07ACA :
- 51min 07s en écriture soit 248,56 Mo/s
- 49min 34s en lecture soit 256,33 Mo/s
Ici, la technologie TDMR a un impact direct : lors d'une longue copie les débits de l'Exos 16 passent continuellement de 200 à 270 Mo/s, par vagues, ce qui aboutit au résultat moyen constaté, tant en lecture qu'en écriture. Au contraire, le MG07 affiche des performances très stables en lecture, entre 240 et 260 Mo/s en écriture.
L'Exos 16 peut atteindre 270 Mo/s, mais ses performances varient (à gauche). Le MG07 affiche un débit stable (à droite)
Petits prix mais bons débits
Malgré le tarif réduit de ces disques durs, ils correspondaient bien à ce que nous avons commandé. Cela ne doit pas vous empêcher d'être vigilant, surtout si vous passez par des places de marché. Pensez à vérifier la composition, les performances et les données SMART de vos périphériques de stockage une fois installés.
Pour un peu moins de 21 euros le To, nous avons donc des disques durs de classe « entreprise » avec des débits dans la tranche haute de ce que propose le marché actuel. Comme (trop) souvent, on regrette qu'il faille fouiner dans les tréfonds de PDF et être attentifs aux moindres détails pour savoir à quoi s'attendre.
On regrette ainsi que Seagate, qui met largement en avant des solutions plus marketing que techniques, laisse de côté une information aussi essentielle pour le niveau de performances que la présence du TDMR. On ne peut que vous recommander d'être vigilant vis-à-vis des produits du constructeur en raison de « surprises » de ce genre.
L'Exos 16 n'est pour autant pas un mauvais disque dur. Certes, ses débits ne sont pas stables, mais ils sont corrects en moyenne. Et surtout, le HDD semble bien s'en tirer sur les accès aléatoires à de petits fichiers, ce qui peut avoir son importance dans certains cas, et donc pour certains utilisateurs. Comme les outils ou la conversion 512e/4Kn.
Le MG07, lui, a l'avantage d'une plus grande transparence. Lorsque le MG08 de Toshiba a intégré le TDMR, c'était mentionné dès sa fiche technique. Le MG07 en est dépourvu, ce qui limite sa densité mais lui permet d'afficher de bonnes performances en débit séquentiel, stables. Là aussi, c'est ce que recherchent certains utilisateurs.
Dans les deux cas, cela montre qu'il ne faut pas se limiter aux modèles « bleu/vert », correspondant à l'entrée de gamme et des débits en retrait, lorsque l'on recherche un disque dur à « petit prix ». Il y a parfois de bonnes affaires à faire sur des références plus haut de gamme, même s'il faut être attentif aux caractéristiques. Elles ont également l'avantage d'une garantie constructeur parfois plus longue, même si la date de fabrication est importante sur ce point.