Intel : trois ans après le départ de Brian Krzanich, des plaies encore visibles

Intel : trois ans après le départ de Brian Krzanich, des plaies encore visibles

Meteor Lake, au rapport

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David Legrand

Publié dans

Hardware

24/03/2021 7 minutes
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Intel : trois ans après le départ de Brian Krzanich, des plaies encore visibles

Après un mois à prendre ses marques et à analyser l'entreprise qu'il a quittée il y a une dizaine d'année, Pat Gelsinger prend publiquement les rênes en main. Mais le travail qui l'attend est gigantesque, touchant toutes les strates de la société, de la R&D à la communication en passant par l'écosystème dans son ensemble.

Intel a un nouveau PDG depuis le mois dernier. Après une dizaine d'années à la tête de VMWare, Pat Gelsinger est de retour, tel le fils prodigue. Avec lui, d'autres « anciens » du fondeur de Santa Clara sont revenus, comme Sunil Shenoy, Glenn Hinton ou Sanjay Natarajan. Leur objectif est de relancer la société après des années de laisser-aller.

Intel : six ans de descente aux enfers

Car lorsque Brian Krzanich avait été préféré à Gelsinger en 2013, cela n'a pas été pour le meilleur. Certes, Intel a connu sous sa direction de très bons résultats financiers. Mais ils étaient le fruit de l'avance prise par la société, alors leader sur l'ensemble de ses marchés (ou presque)... et de réductions importantes du personnel.

Sur le plan technique, « BK » aura surtout marqué l'histoire d'Intel par les retards à répétition, des initiatives ratées dans le tout connecté, la VR ou les drones, difficilement masquées par de la croissance externe. Sous sa direction, les avancées du géant américain étaient surtout le fruit de rachats plutôt que de R&D interne.

Et pendant ce temps, la fonderie perdait du terrain, peinant à finaliser un processus de gravure en 10 nm, puis en 7 nm, laissant TSMC prendre du terrain, et avec lui des alliés de poids, désormais en position de force face à Intel : AMD avec son architecture Zen, Apple et ses SoC M1. Sans parler de NVIDIA dont la croissance ces dernières années est portée par l'explosion du calcul sur GPU et l'IA, des domaines où Intel est trop peu présent.

Avec Bob Swan, l'espoir d'un rebond

Le cycle de conception de telles entreprises étant long, la société paie encore les errements de cette période, malgré la tentative d'infléchissement du successeur de Brian Krzanich, nommé définitivement en 2019. Le lancement très rapproché de Comet Lake-S puis Rocket Lake-S, toujours en 14 nm, le montre bien.

Encore aujourd'hui, Intel est incapable de faire face à son concurrent principal, AMD. C'est aussi vrai sur le marché des processeurs de bureau que dans les portables ou les serveurs. Si l'offre du géant de Santa Clara est encore leader, avec de beaux atouts, elle est en retrait, en retard et perd donc chaque jour un peu plus de terrain.

Cela n'est d'ailleurs vrai que parce que les choses se sont améliorées ces dernières années, grâce aux efforts combinés de Jim Keller (parti depuis) et Raja Koduri, qui ont su s'entourer et initier un cycle de retour sur le devant de la scène. Mais on ne parle pas ici d'une startup agile avec quelques dizaines d'employés à remotiver, il s'agit d'une multinationale avec ses lourdeurs, ses habitudes. Un nouveau souffle met des mois à s'y propager.

De premières pierres ont néanmoins été posées, avec une communication plus ouverte sur la feuille de route, tenue à peu de choses près. Des performances qui évoluent à la hausse de génération en génération, comme on a commencé à le voir avec les architectures Willow/Cypress Cove, et Xe sur le plan graphique. 

La reconquête par un renouveau matériel... et logiciel

Intel a en effet décidé de se pencher sur ce marché d'importance, avec une gamme de produits complète devant être dévoilée tout au long de cette année, du PC portable au datacenter. Tout en recombinant enfin ses efforts sur le matériel avec le logiciel, que ce soit à travers des pilotes pour Windows ou Linux en open source.

La société porte également une attention aux développeurs avec OneAPI, accompagnant la conception désormais hétérogène des prochaines puces : cœurs de différentes architectures, GPU, FPGA et autres accélérateurs. Le tout placé au sein d'un même packaging et parfois en « 3D » à travers des projets comme Foveros, déjà exploité dans Lakefield.

Une communication qui manque de hauteur

Pour autant, cette période plus positive a aussi été marquée par un recours excessif au teasing et à la communication parfois vide de sens. On pense par exemple aux lancers de t-shirts ou à des opérations comme celle actuellement lancée autour de Xe à coups de vidéo creuse pour initier une « chasse au trésor ».

À la peine face à ses concurrents, Intel a également pris un autre tournant radical en s'essayant à la communication comparative, évoquant parfois avec tous les excès d'un marketing de mauvaise foi les performances de ses produits face à la concurrence. Qu'il s'agisse de surestimer l'intérêt pour le consommateur final de solutions comme DL Boost sur le marché grand public, où il n'est que très peu utilisé, ou ses forces face aux puces M1 d'Apple.

Justin « I am a Mac » Long est de retour. C'est marrant, mais peu cconvaincant

Imposer la nouvelle patte Gelsinger

C'est dans ce contexte compliqué qu'est intervenu hier soir Pat Gelsinger. Ce n'était pas sa première intervention publique depuis son arrivée, mais la plus attendue. Car elle marquait le coup d'envoi de la « nouvelle ère » qui attend le fondeur. Ce moment où l'on allait enfin découvrir ce qui nous attendait pour les mois à venir, ce qui allait changer en profondeur. Le fruit du travail de ces dernières années mais aussi des premières décisions de « Pat ».

Et la bonne nouvelle, c'est que le dirigeant a su se montrer à la hauteur, multipliant les initiatives et annonces, avec une volonté d'ouverture sur le futur d'Intel que nous n'avions pas vue depuis longtemps. Il mise sur de nouvelles usines maison – les ouvrant un peu plus à des tiers tout en se reposant parfois sur d'autres fondeurs pour ses produits lorsque c'est nécessaire –, remet l'IDF en place et a détaillé la feuille de route jusqu'à Meteor Lake (2023).

Il n'y a désormais plus qu'à espérer que cette influence positive se diffuse à tous les niveaux de la société, jusque dans sa communication. Dans la seconde partie de ce dossier, nous reviendrons sur ces annonces en détail.

Notre dossier sur le renouveau d'Intel sous Pat Gelsinger :

En attendant, vous pouvez trouver le replay de la conférence d'hier ci-dessous.

Écrit par David Legrand

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Intel : six ans de descente aux enfers

Avec Bob Swan, l'espoir d'un rebond

La reconquête par un renouveau matériel... et logiciel

Une communication qui manque de hauteur

Imposer la nouvelle patte Gelsinger

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Commentaires (9)


nooooon, la “patte Gelsinger”! :incline:


Au-delà de l’aspect économique, c’est aussi de la géopolitique.
On rapproche les entreprises américaines impliquées dans les processeurs, on construit sur le territoire américain. On voit bien vers où on va.


Il nous faudrait des capacités européennes dans le numerique grand public et serveur, et un fondeur à la pointe.



On avait le premier point avec Arm mais c’est fini, pour le second point on a rien de sérieux à part une usine de Globalfoundries en Allemagne qui n’appartient pas à un acteur européen.


Arm n’est plus EU depuis le rachat par Softbank qui est un fonds japonais, donc ça fait un moment que c’est plié. Mais sur le fond, rien n’empêche de concevoir des puces ARM ou RISC-V (certains acteurs EU le font) si on veut une indépendance de licences tierces.



Pour la fonderie, ça ne se décrète pas, une usine ce sont des dizaines de milliards d’investissement, à renouveler régulièrement (et aucun grand fondeur n’a jamais été EU de mémoire). Mais de manière plus générale, vouloir reproduire ce que font les autres grandes puissances à l’instant “t” est ce qui nous a mené là. Il faut tracer la voir de la décennie à venir, pas chercher à reproduire celle de la décennie passée.


On a quand même ASML qui est européen. Sans cette boîte, pas de TSMC, c’est aussi simple que ça.


Oui, mais ça n’est qu’une brique (tant qu’elle n’est pas rachetée :D). Pas de quoi construire une souveraineté



David_L a dit:


Pour la fonderie, ça ne se décrète pas, une usine ce sont des dizaines de milliards d’investissement, à renouveler régulièrement (et aucun grand fondeur n’a jamais été EU de mémoire). Mais de manière plus générale, vouloir reproduire ce que font les autres grandes puissances à l’instant “t” est ce qui nous a mené là. Il faut tracer la voir de la décennie à venir, pas chercher à reproduire celle de la décennie passée.




Rien qu’en France on a eu pas mal de choses, mais ça a un peu disparu depuis.
De mémoire, on en a eu en Ile de France pendant longtemps (IBM ou Intel, je ne sais plus), avec un petit débat/scandale sur l’usage des nappes phréatiques de grande profondeur (requises pour la pureté de l’eau utilisée).
Edit/Yup: https://fr.wikipedia.org/wiki/Altis_Semiconductor
Et puis on a encore des choses autour de Grenoble avec STM et le CEA (le LETI notamment qui a inventé le SOI).


Et pour le sujet du “scandale”:
https://www.liberation.fr/societe/1998/01/29/quand-ibm-se-branche-sur-l-eau-du-neocomien-cette-nappe-d-eau-tres-pure-devait-officiellement-etre-p_226361/



Sachant que le site a pendant longtemps été un “fleuron” des semiconducteurs mondiaux:
http://centenaireibmfrance.blogspot.com/2014/06/histoire-du-site-de-corbeil-essonnes.html




Pierre Barazer disait en 1991, pour les 50 ans d’Essonnes : “ Je n’hésite pas à dire que Corbeil-Essonnes est l’une des usines de technologies avancées, parmi les plus performantes du monde”
Alors qu’en Décembre 1986, John Akers déclarait : “C’est une usine du futur dans laquelle IBM France contribuera au développement des systèmes de l’avenir.”



1970: IBM France (Essonnes et Mop) parmi les tout premiers exportateurs français :



           CA : 1 milliards de Francs - 80% de la production est exportée.


On a eu des projets et des industries intéressantes qu’on a finalement laissé partir.



Oui il faut construire l’avenir mais pour cela il faut avoir des capacités de production, pas seulement de conception et produire les technologies et machines nécessaires à ladite production.